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"Quelle ambition pour les universités ?", point de vue paru dans "Le Monde" du 16 décembre 2008
lundi 15 décembre 2008, par
Pour cet article sur le site du Monde.
La dotation ministérielle pour le fonctionnement des universités (DGF) parvient ces jours-ci dans les établissements. Elle s’inscrit dans la suite logique du budget pour 2009 présenté au Parlement et en application de dispositifs nouveaux d’affectation des moyens de l’Etat aux universités qui n’ont jamais été soumis aux avis de la communauté universitaire.
Dans bien des cas, la somme allouée permettra tout juste de présenter un budget en équilibre pour l’année 2009. Mais ce sera grâce aux crédits du plan "réussite en licence". La prétendue augmentation de la dotation se traduit très clairement par une diminution budgétaire affectant des universités, déjà sous-dotées et sous-encadrées.
Ainsi, à l’université Paul-Valéry (Montpellier-III), cette dotation prévoit une augmentation globale de 8 %, avec une DGF en baisse de 14 % et des charges nouvelles (primes d’encadrement doctoral, allocations de recherche) compensées par une très forte augmentation du plan réussite en licence. La conséquence de ce tour de passe-passe est que le plan réussite en licence diminue d’autant la dotation générale et devra servir au financement du fonctionnement.
Le même document ministériel annonce une vague sans précédent de plusieurs centaines de suppressions de postes pour les trois ans à venir, sur des critères opaques : par exemple, 24 postes supprimés à Aix-Marseille-II, 18 à Grenoble-I, 18 à Lille-I, 18 à Caen, 15 à Brest, 12 à Toulouse et 12 à Montpellier-III.
A plusieurs reprises, la ministre de l’enseignement supérieur avait affirmé la nécessité de rééquilibrer les dotations jusque-là très défavorables aux universités de lettres, langues, arts, sciences humaines et sociales. La dotation de 2009 revient sur cet engagement et pose la question de l’avenir de ces universités. Ces retraits de postes mettent aussi en grande difficulté nombre d’universités pluridisciplinaires.
Le ministère s’était par ailleurs engagé à réduire les écarts de dotation entre les universités lancées dans une démarche de fédération ou de fusion, afin d’éviter le pillage des unes par les autres ; il n’en est rien et ces projets s’en trouvent considérablement fragilisés.
Le rapprochement entre ces dotations budgétaires et la modification imposée (contre l’avis des organisations syndicales) du décret sur le statut des enseignants-chercheurs est éclairant. A l’évidence, le ministère vise à inclure dans les services statutaires les heures complémentaires, ce qui revient à asphyxier toute recherche dans nombre de domaines, en particulier les lettres et sciences humaines. Pour les personnels administratifs, cette réduction de moyens et de postes remet en question l’existence même de certains services ; et que dire des nouveaux services à développer (orientation, stages, mobilité internationale, etc.). Quel double langage que d’affirmer vouloir améliorer et "universitariser" la formation des futurs enseignants en allongeant la durée des études d’un an au moins pour ces milliers de candidats, et de diminuer globalement les moyens des universités censées les former aux disciplines, aux métiers tout en les préparant aux concours !
Ce grand écart entre les proclamations et les actes place les présidents d’université dans une position intenable. Il n’est plus possible de réguler voire d’arbitrer entre des laboratoires ou entre des formations au sein de chaque université. Les présidents sont, par cette rafale de mesures non concertées et souvent désastreuses, sommés de choisir entre la solidarité avec la communauté universitaire ou la complaisance avec le ministère. Est-ce cela l’autonomie ?
Pascal Binczak, président de l’université Paris-VIII ;
Claude Conde, président de l’université de Franche-Comté ;
Lise Dumasy, présidente de l’université Stendhal-Grenoble-III ;
Anne Fraïsse, présidente de l’université Montpellier-III ;
Marc Gontard, président de l’université de Haute-Bretagne-Rennes-II ;
Georges Molinie, président de l’université Paris-IV-Sorbonne ;
Mohamed Rochdi, président de l’université de la Réunion ;
Josette Travert, présidente de l’université de Caen-Basse-Normandie.