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Valérie Pécresse face à une large fronde universitaire, par S. Huet, Libération, 26 janvier 2009
lundi 26 janvier 2009, par
Les enseignants-chercheurs sont en grève aujourd’hui pour protester contre la réforme de leur statut. Il menace de lancer une grève « illimitée » le 2 février.
L’heure de vérité approche pour Valérie Pécresse, la ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Elle fait face à une véritable fronde qui s’est levée dans les milieux universitaires les plus variés contre sa volonté de réformer le statut des enseignants-chercheurs. Assemblées générales, réunion d’une coordination nationale, votes de motions dans les conseils d’universités et d’UFR (unités de formations et de recherches), appels à une grève - dès demain pour certains (Snesup-FSU, départements de droit), à partir du 2 février pour d’autres (coordination nationale), organisation de journées banalisées par les présidences d’université… tous les signes d’une mobilisation exceptionnelle sont là.
« Blocage ». L’origine de cette mobilisation se retrouve dans ses trois revendications principales, ainsi résumée par Jean Fabbri, le secrétaire général du Snesup, principal syndicat : « Le retrait du projet de décret réformant le statut des enseignants-chercheurs, la suspension de la "mastérisation" de la formation des enseignants du primaire et du secondaire, l’annulation des suppressions de postes prévus par le budget 2009. »
Cette mobilisation a nettement dépassé les limites de la contestation rampante des réformes gouvernementales, entretenue depuis plusieurs mois. Elle traverse les clivages politiques habituels des quelque 60 000 maîtres de conférence et professeurs des universités. Elle s’est construite à travers de longues discussions, a donné lieu à la création du mouvement Sauvons l’université (SLU). Son président, Jean-Louis Fournel (Paris-VIII), en est persuadé : « La situation s’est retournée depuis l’automne dernier. A l’époque, lorsque SLU a lancé l’idée d’un blocage du processus de mastérisation de la formation des enseignants, peu y croyaient. Aujourd’hui des dizaines d’UFR, la moitié des départements de mathématiques et des universités entières (Toulouse-II, Grenoble-III, Bordeaux-IV) ont voté cette action. Elle consiste tout de même à refuser d’appliquer une décision gouvernementale ! »
« Goutte d’eau ».Parmi ces universités, on relève Paris-XII Créteil. Un signe, puisque sa présidente, Simone Bonnafous, a été élue sur une liste pro-LRU (loi libertés et responsabilités des universités). Et qu’elle expliquait il y a peu que la mastérisation était « une chance pour l’université ». Sur ce point, elle n’a pas été suivie par sa propre majorité.
Si la confrontation entre la communauté universitaire et le gouvernement menace d’être dure - un mouvement de grève illimité -, c’est que le décret sur le statut des enseignants-chercheurs « est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », explique Fournel, rempli par la loi LRU et la tension sur les moyens (crédits et postes). En reportant vers les présidents d’universités les décisions les plus importantes pour leur carrière (promotions, accession au grade de professeur) et leur vie professionnelle (modulation de leurs services d’enseignement), Valérie Pécresse a lancé un défi aux universitaires. Manifestement, ceux-ci ont décidé de le relever. Dans ce contexte, la position du Sgen-CFDT, qui réclame « une négociation » avec Pecresse, détonne par sa réticence à appeler à l’action.
Durant toute la semaine, SLU et les syndicalistes vont s’employer à faire monter la pression. L’une des questions clefs sera la réaction des étudiants. Vont-ils appuyer de leur masse le mouvement de leurs enseignants ? Ou au contraire leur reprocher de les sacrifier ?