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"Enseignants-chercheurs : Pécresse veut rassurer", "Libération" du 5 février 2009
jeudi 5 février 2009, par
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Profs et étudiants sont massivement descendus dans la rue jeudi. Du coup, la ministre de l’Enseignement supérieur propose de réunir la communauté universitaire mercredi 11 février. Le point sur la mobilisation.
La tension est montée d’un cran ce jeudi entre le monde universitaire et la ministre de l’Enseignement supérieur. Les enseignants-chercheurs, épaulés par les étudiants, ont fortement manifesté dans plusieurs villes de France, n’hésitant pas au passage à chahuter la ministre.
En visite à la nouvelle Université unique de Strasbourg jeudi matin, Valérie Pécresse a été accueillie à coups de « Pécresse démission ! » et autres « Pécresse, fac off ». (Lire le récit de cette inauguration sous haute tension)
Alors, « pour « rassurer », la ministre a annoncé qu’elle recevrait le 11 février l’ensemble de la communauté universitaire afin de travailler sur une « charte de bonne conduite » visant à donner des garanties sur la façon dont les présidents d’universités exerceront leurs nouveaux pouvoirs vis-à-vis des enseignants.
Les enseignants.... Et les étudiants
Au quatrième jour de la mobilisation des professeurs d’universités, les étudiants, jusqu’à présent à l’écart du mouvement, ont participé en force aux manifestations dans plusieurs grandes villes de France. Le Snesup, le premier syndicat du supérieur, s’est félicité de cette mobilisation « d’une ampleur exceptionnelle ».
A Paris, ils étaient entre 3 600 et 15 000 manifestants dans la rue, venus de différentes universités parisiennes et franciliennes. La manif’ aurait dû se terminer à deux pas du ministère de Valérie Pécresse. Mais, comme le raconte notre journaliste Sylvestre Huet sur son blog, « les manifestants ont continué, dans un désordre joyeux. Après avoir enfoncé le barrage policier, ils ont longé la Sorbonne, se sont répandus sur le boul’mich puis sur le boulevard Saint Germain, coupant la circulation... » (Lire la suite)
A Rennes aussi, la mobilisation a été importante (entre 3000 et 4000 personnes). Enseignants et chercheurs étaient épaulés par des étudiants, largement majoritaires dans le cortège. Dans la foule compacte, une pancarte teintée d’amertume : “Casser l’université, yes he can”. Une autre, évoquant un célèbre site internet, plus ironique : “Meetic : il n’y a pas que là que l’on fait de la recherche” !. (Lire le reportage sur LibéRennes)
A Lille, c’était une manif’ paisible, raconte notre correspondante sur LibéLille. Peu de slogans hurlés, un mégaphone qui ne sert pas beaucoup. Et pourtant. Les chercheurs étaient nombreux à protester (700, dit la police, 1 500,selon les manifestants).
A Toulouse, même constat : le cortège de manifestants était étrangement silencieux, loin de l’ambiance festive habituelle des cortèges. Ils étaient pourtant près de 4.000 selon la police, 6.000 selon les organisateurs. Les visages sont graves, sinon tendus, témoigne notre correspondant sur LibéToulouse.
A Orléans, les manifestants s’étaient donnés rendez-vous dès ce matin, comme le montre cette vidéo tournée par notre correspondant.
A Lyon, les enseignants de l’Institut d’études politiques ont décidé d’expliquer leur mouvement à leurs élus. Après avoir voté la reconduite de leur grève pour jeudi et vendredi, ils ont rédigé une lettre (lire ici sur LibéLyon), qu’il vont remettre aux maires, conseillers et parlementaires de l’agglomération.
De nouvelles formes de protestation
Depuis lundi, le mouvement ne cesse de prendre de l’ampleur. Et gagne même des facultés réputées peu enclines à la contestation comme Lyon III, ou l’Institut d’études politiques d’Aix, en grève pour la première fois depuis sa création en 1956.
A Toulouse, le président de l’université scientifique de Paul Sabatier a même accordé une demi-journée banalisée à l’ensemble du personnel. Une manière d’inciter les enseignants à manifester !
Autre particularité, le mouvement ne touche pas seulement les bancs de la fac : plusieurs IUT (instituts universitaires de technologie) comme des IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) entrent aussi en résistance.
A côté des formes de protestations classiques (manif dans les rues et tracts distribués dans les amphis), les chercheurs pratiquent aussi la rétention des notes et même le lancer de chaussures, expérimenté mardi dans le jardin du ministère de Valérie Pécresse.
Dans certaines universités encore, les cours deviennent militants, comme l’explique sur son blog notre journaliste Véronique Soulé. Ainsi, certains, comme à l’Université de Tours, font des cours « hors les murs », devant la gare par exemple.
Le mouvement devrait se poursuivre la semaine prochaine avec notamment une manifestation nationale prévue mardi prochain à laquelle pourraient se joindre les étudiants. L’Unef, la première organisation étudiante, appelle en effet à la grève mardi 10 février pour demander « un changement de cap en matière de politique universitaire ».
Sur quoi porte la contestation ?
Les grévistes réclament d’abord le retrait de la réforme de leur statut. Le nouveau texte accorde, selon eux, de super-pouvoirs aux présidents d’université dans l’avancement des carrières et dans la « modulation » des temps de service (répartition entre enseignement, recherche et autres tâches). Les enseignants-chercheurs redoutent une hausse des heures d’enseignement, au détriment de leur travail de recherche.
Ils exigent aussi la suspension de la réforme de la formation des enseignants du primaire et du secondaire, appelée la « masterisation ». Les futurs enseignants devront désormais avoir un master (bac+5) au lieu d’un bac+3. Et plus généralement, ils dénoncent les suppressions de postes prévues et le démantèlement du CNRS.
Enfin, comme l’explique Jean-Louis Fournel, président de Sauvons l’Université, les nouvelles règles liées à la LRU (la loi relative aux libertés et responsabilités des universités) inquiètent. « Elles vont radicalement changer la carte universitaire du pays, au seul bénéfice de quelques pôles. »
Valérie Pécresse tente de calmer (un peu) le jeu
Face à l’ampleur grandissante de la mobilisation, Valérie Pécresse, chahutée ce matin à Strasbourg, a promis de réunir la communauté universitaire le mercredi 11 février à Paris. Elle a assuré vouloir travailler sur une « charte de bonne conduite » visant à donner des garanties sur la façon dont les présidents d’universités exerceront leurs nouveaux pouvoirs vis-à-vis des enseignants.
« Il faut surtout que cette charte tienne compte de chaque discipline », a-t-elle souhaité, rappelant que « toutes les disciplines demandent à être entendues ». La réunion de travail doit rassembler les doyens de faculté, le Conseil national des universités (CNU) et les syndicats d’enseignants.
Critique, le député UMP Daniel Fasquelle, également doyen de la faculté de droit de Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais), entend déposer dès lundi une proposition de loi visant à « améliorer » le projet de décret Pécresse sur le statut des enseignants-chercheurs. Cette « proposition de loi vise à rappeler l’indépendance du monde universitaire et la règle selon laquelle on ne peut être jugé que par ses pairs », a-t-il expliqué. Avant de rappeler : « Je soutiens Valérie Pécresse et sa démarche à l’égard des universités est sincère. Mais je sens aussi le malaise car on touche à des choses essentielles, qui vont au-delà de questions corporatistes ».
Rappelons que jusqu’ici, la ministre de l’Enseignement supérieur s’était montrée ferme, décidée à ne pas céder. Mardi, elle avait ainsi écarté toute idée d’un retrait du décret réformant le statut des enseignants-chercheurs. « Le retrait serait un recul considérable pour tous les enseignants-chercheurs », a t-elle affirmé. Ce qui est en cause, selon elle, c’est « la façon dont le président d’université va appliquer le décret ». Elle en appelle donc aux présidents d’universités pour « rassurer » et construire une charte destinée à la « bonne application » du décret.