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Université : le report du décret ne fait pas reculer la contestation - Jade Lindgaard, Médiapart, 10 février 2009
mercredi 11 février 2009, par
Syndicats et associations d’enseignants-chercheurs tablaient sur une forte mobilisation pour la manifestation nationale du mardi 10 février contre les réformes en cours dans l’enseignement supérieur et l’éducation : avec entre 17.000 et 50.000 manifestants à Paris, c’est une véritable démonstration de force qu’ils ont réussie. Entre 5.000 et 7.000 à Lyon, entre 3.000 et 6.000 à Toulouse, 2.200 et 3.500 à Strasbourg... au total donc entre 40.000 et 80.000 personnes qui ont défilé aujourd’hui en France, selon l’AFP. Pour Snesup-FSU (syndicat majoritaire à l’université), c’est un « un immense succès : la ministre et le gouvernement doivent retirer les textes et les dispositifs contestés. C’est la voix de la raison ».
Le cortège parisien s’affichait plus divers que lors de la dernière manifestation, jeudi 5 février : Orléans, Le Havre, Le Mans, Aix-Marseille, IUT de Lannion... des délégations d’étudiants et d’enseignants d’universités venus de toute la France ont ouvert le défilé. Certains petits établissements se sont mobilisés en masse : l’université du littoral Côte d’Opal (Calais, Dunkerque...) a rempli cinq bus de manifestants venus pour l’occasion à Paris.
Pour plus d’information sur l’étendue des grèves dans les facs, retrouver ici notre carte de France de la mobilisation :
Fait notable : la contestation ne s’exprime plus uniquement dans la rue. Mardi, ont été rendus publics deux nouveaux courriers de présidents d’université à Valérie Pécresse. Tous deux vont dans le même sens : ils demandent le retrait du projet de décret sur la modulation de services : le président de Paris 11 (Orsay) Guy Couarraze écrit : « Revenez sans tarder, Madame la Ministre, sur un texte ayant déjà suscité des mouvements dont le durcissement, ou même l’enlisement, ne ferait que des perdants. » Et Sylvie Faucheux, présidente de l’université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, bien que favorable à l’esprit du décret sur la modulation de services, implore la ministre de l’enseignement supérieur de retravailler le décret « afin d’offrir davantage de garanties aux enseignants-chercheurs ».
La veille, pour la première fois de mémoire universitaire, douze présidents d’université ont lancé depuis la Sorbonne un appel solennel au retrait « de toutes les réformes contestés dans l’enseignement supérieur et l’éducation nationale ». Pendant environ une heure, Georges Molinié, président de la Sorbonne (Paris 4), Pascal Binczak, président de l’université de Saint-Denis (Paris 8), Bernadette Madeuf, présidente de Nanterre (Paris 10), trois des plus grandes universités françaises, mais aussi les responsables de Montpellier 3, l’université de Franche-Comté, Paris 3, Rouen, Lille 1..., ont dénoncé le projet de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs, la réforme de la formation des enseignants, mais aussi : le manque de moyens pour l’université, l’ignorance de son fonctionnement dont font preuve les responsables politiques et les menaces qu’ils font peser sur le service public d’enseignement.
Les mots employés (« self service de réformes bidons ») par les présidents d’établissements sont d’empreints d’une rare violence, sans doute à la mesure de l’exaspération croissante du milieu universitaire vis à vis de réformes ressenties comme bâclées et de la colère partagée en réaction aux propos tenus par Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée du 22 janvier. Pour Georges Molinié, président de la Sorbonne (Paris 4), l’on connaît aujourd’hui « l’attaque contre l’école républicaine la plus grave depuis le régime de Vichy ».
Lundi, la ministre Valérie Pécresse annonçait la suspension provisoire pour deux mois du décret sur le statut des enseignants-chercheurs. Mercredi, elle doit recevoir des représentants de la communauté universitaire pour engager une concertation sur la modulation de services (la masterisation dépend aussi du ministère de Xavier Darcos). Ce sera l’entrée en scène de la toute nouvelle médiatrice nommée lundi 9 février, Claire Bazy-Malaurie, présidente de chambre à la Cour des comptes et responsable du comité de suivi de la loi LRU (libertés et responsabilités de l’université) d’août 2007. Charge à elle de retravailler le décret.
Mais mardi après-midi dans la manifestation, un seul mot était repris en chœur : « Retrait, retrait, retrait ! ».