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"Que vaut la science française selon l’Observatoire des Sciences et des Technologies ?", par Sylvestre Huet, Libéblog, Sciences2, 14 février 2009
samedi 14 février 2009, par
Pour lire cet article sur le blog de Sylvestre Huet.
Nicolas Sarkozy traite de « médiocres » les résultats des scientifiques français. Qu’en est-il ? Voici quelques chiffres de l’Observatoire des sciences et des technologie (rapport 2008).
L’un des moyens les plus efficaces pour mesurer le poids d’un pays dans la production scientifique mondiale - la production de nouvelles connaissances - consiste à calculer sa part dans le total des articles publiés dans les revues à comité de lecture. C’est là que les chercheurs exposent leurs travaux, résultats d’expériences, analyses, théories. Comité de lecture signifie que ces textes ont reçu l’aval de pairs, autrement dit, sauf exceptions, les méthodes utilisées sont considérées comme répondant aux standards de leurs disciplines.
D’après l’OST, la part mondiale de la France (dans les sciences de la matière et de la vie) lui permet d’occuper le sixième rang mondial. Dépassée par les Etats-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Bref, son rang démographique et économique normal, le Royaume-Uni bénéficiant d’un petit coup de pouce dans ce classement dû notamment à sa spécialisation en sciences de la vie et biomédicales où le nombre de publications par chercheur est plus élevé qu’ailleurs.
La part de la France était de 5,2% en 1993, 5,4% en 1999, puis 5,1% en 2001, 4,8% en 2003, 4,4% en 2006. Cette diminution de la part relative ne doit pas tromper : elle ne correspond en rien à une baisse de la production elle même : le nombre d’articles scientifiques signés par des chercheurs exerçant leur métier dans un laboratoire situé en France est passé sur cette période de 31600 à 39000. La hausse est donc considérable... mais moins rapide que celle du total mondial, boosté par l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Chine ou le Brésil. Durant cette période la « qualité » moyenne de ces articles s’est plutôt améliorée, leur indice d’impact (le nombre de citations par d’autres articles durant les deux ans qui suivent leur publication) est passé de 0,91 à 0,97. Qualifier de « médiocre » la science française n’est tout simplement pas conforme aux chiffres. Du coup, qualifier de « désastreuse », comme l’a fait le Président, l’organisation qui permet ces résultat devient suspect.
Oui, mais les brevets ? Rétorquent certains. Il est vrai que la part mondiale de brevets de la France est en baisse rapide dans le système européen ( de 8,3% à 5,5% entre 1988 et 2006) et américain (de 3,4% à 2% pour la même période). Le problème, c’est que cet argument est utilisé pour justifier... des réformes des Universités et des organismes de recherche. Or, ce raisonnement est une vaste fumisterie, pour rester poli. Pourquoi ?
Tout simplement parce que, comme dans tous les pays du monde industrialisé, les laboratoires de recherche publics ne contribuent que pour un pourcentage dérisoire des brevets déposés dans un pays. Ainsi, la part du secteur public (Universités, Cnrs, Inserm, CEA etc) dans les brevets déposés en Europe par des acteurs français n’était que de 8,3% en 2006. Comme dans tous les pays industrialisés, ce sont les entreprises qui déposent environ 90% des brevets. Donc, espérer modifier sensiblement notre part mondiale en jouant sur un acteur qui pèse moins de 10% des dépots est stupide. Mais le raisonnement gouvernemental est encore plus faux que cela.
En effet, la tendance depuis une vingtaine d’années est à l’augmentation des dépots de brevets par laLogo_cnrs recherche publique. Sa part (dans le système de brevet français) n’était que de 6,6% en 2001, elle est de 8,3% en 2006, soit plus 27%. Alors que les entreprises privées voient leur part chuter de 2 points, passant de 93,4% à 91,7%. Les Universités, sur cette période, ont plus que doublé leur part. Ces chiffres entraînent deux conclusions. Un, si le gouvernement veut agir pour augmenter le poids de la France en brevets, qu’il s’occupe surtout des entreprises. Deux, qu’il salue l’effort de la recherche publique en ce domaine puisqu’elle s’améliore. Ainsi, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) était le 5ème déposant français en 2005 (deux rangs de mieux qu’en 2000) et n’était dépassé que par Renault, l’Oréal, Peugeot et France Telecom. Quant au Cnrs, dont la mission première est pourtant la recherche de base et non la valorisation technologique, il était le 11ème déposant français en 2005 (14ème en 2000).