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Mathias Fink : "L’autonomie est la solution pour sauver les universités", Le Monde, 19 février 2009
jeudi 19 février 2009, par
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Physicien à l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris (ESPCI), Mathias Fink a créé quatre entreprises. Titulaire de la chaire d’innovation technologique-Liliane Bettencourt au Collège de France, il a donné, jeudi 12 février, sa leçon inaugurale. Il approuve la réforme du statut des enseignants-chercheurs et des universités. A certaines conditions.
Vous associez-vous aux protestations des enseignants-chercheurs contre la réforme de leur statut ?
Non. Je trouve normal qu’un enseignant-chercheur soit examiné tous les quatre ans. Je suis fréquemment sollicité, par des universités étrangères, pour donner mon avis sur des candidats. En France, il faudrait aussi que les enseignants-chercheurs soient examinés par un comité scientifique, placé sous l’autorité du président de l’université, et comprenant des experts internationaux. Le chercheur à vie est une particularité française, si ce n’est qu’il y en avait aussi à l’Académie des sciences soviétique. Je suis aussi favorable à la modulation de service. Aux Etats-Unis, tous les chercheurs enseignent. L’enseignement aide le chercheur à synthétiser ses connaissances, et permet d’attirer des jeunes.
Mais si j’avais été enseignant à plein temps, je n’aurais pas pu mener mes recherches. Il faut pouvoir faire plus de recherche à certaines périodes de sa vie, plus d’enseignement à d’autres. Certains présidents d’université cèdent actuellement (aux protestations), car ils sont soumis à des pressions terribles et parce que le discours du président de la République, mettant en cause la qualité des chercheurs français, était trop brutal. La science française en mathématique et physique est très bonne. Le problème, c’est l’innovation.
Êtes-vous aussi favorable à l’autonomie des universités ?
C’est la solution pour les sauver, pour que certaines universités deviennent des établissements d’élite, compétitifs. Il faudra au moins dix ans pour y arriver. Mais d’ici là, il ne faut surtout pas détruire le CNRS. Sa nouvelle organisation autour de dix instituts est bonne si son comité de pilotage est ouvert sur l’international.
Quelles autres réformes vous paraissent nécessaires ?
Il faut faciliter la création d’unités pluridisciplinaires. Ce que le CNRS ou l’université ne permettent quasiment pas actuellement. Heureusement, mon labo dépend aussi de l’ESPCI, lieu de recherche et d’enseignement pluridisciplinaire unique. Nous y faisons de la physique, de la médecine, de la biologie. De la recherche fondamentale, et appliquée. La direction trouve ça très bien. Pierre-Gilles de Gennes (prix Nobel de physique et ancien directeur de l’école) l’a voulu ainsi. Les sociétés que j’ai créées rapporteront à mon labo le quart de son financement en 2009, en contrats de collaboration et revenus des licences. Ce système est très vertueux.
Et pour stimuler l’innovation ?
Confier l’innovation aux grands groupes est une erreur, car ils ont peur des innovations de rupture. Celles-ci viennent des académiques. Il faudrait un plan français ou européen pour aider les start-up à croître. Sinon, elles sont rachetées par des entreprises, souvent étrangères, et ne restent pas en France.