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L’ANR se substituera-t-elle au CNRS ? (3) par le Collectif "Indépendance des chercheurs" sur son blog "La Science au XXI Siècle", 4 mars 2009
mercredi 4 mars 2009, par
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Le 3 mars, la une du quotidien Les Echos évoque notamment une « sévère rechute » boursière à l’échelle mondiale, alors que le communiqué rédigé à l’issue de la réunion des Chefs d’Etat de dimanche à Bruxelles augure des mesures encore plus drastiques en matière de privatisation et de marchandisation des services publics à l’échelle de l’Union Européenne. Dans ce contexte, les établissements publics de recherche français comme le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) et l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) se trouvent encore plus directement menacés de disparition. Quant aux universités, si le CNRS et l’INSERM cessent d’exister, elles ne pourront qu’être privatisées en l’absence de grands organismes nationaux susceptibles de jouer un rôle dirigeant global dans la recherche publique. Le financement de l’ANR sera recupéré par le secteur privé. Or, il ne semble pas que cette menace soit clairement dénoncée dans les derniers communiqués des organisations syndicales, également peu explicites en ce qui concerne la LRU et la Loi de programme pour la recherche d’avril 2006.
Le rôle dirigeant national des Etablissements Publics à Caractère Scientifique et Technologique (EPST) comme le CNRS et l’INSERM était reconnu avant la création de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) et de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). Mais ces deux agences enlèvent au CNRS et à l’INSERM leur compétence nationale globale en matière d’évaluation et de financement de la recherche.
Compte tenu des déclarations annonçant la transformation prochaine des EPST en simples agences de moyens, on se trouve confrontés à une politique de suppression pure et simple du CNRS, de l’INSERM et des autres EPST.
Dans ce contexte, on peut lire dans des communiqués syndicaux et intersyndicaux des revendications telles que : « l’arrêt du démantèlement des organismes de recherche et leur revitalisation dans un partenariat équilibré avec les universités ». Mais une telle demande laisse de côté la question du rôle national des EPST dans la conduite de la recherche publique.
Pourtant, sur ce plan, la situation de la recherche publique française est en passe de devenir beaucoup pire que celle de son homologue aux Etats-Unis qui à son tour a été fortement critiquée par Barack Obama tout au long de sa campagne électorale.
Même dans le « modèle américain » maintes fois évoqué à tort par Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy, le rôle dirigeant des organismes de recherche fédéraux comme les National Institutes of Health (NIH) est essentiel et clairement rappelé.
Les NIH écrivent sur leur site :
« The National Institutes of Health (NIH), a part of the U.S. Department of Health and Human Services, is the primary Federal agency for conducting and supporting medical research. »
« ... the NIH provides leadership and direction to programs designed to improve the health of the Nation by conducting and supporting research... »
Tel est précisément le rôle essentiel que l’actuelle politique gouvernementale française a progressivement enlevé, depuis 2005, au CNRS, à l’INSERM et aux autres établissements publics de recherche français. Ce qui revient à signer, à terme, leur arrêt de mort. Mais sans un tel organisateur à l’échelle nationale, quel peut être l’avenir des universités, si ce n’est la voie de la privatisation où les multinationales deviendront la force dirigeante et se substitueront aux organisme publics supprimés ?
Avant 2005, les EPST étaient à la fois des organismes dirigeants de la recherche au niveau national, des réalisateurs de la recherche et des fournisseurs de moyens. La suppression de ce triple rôle couplé des EPST prive la recherche publique française d’une véritable direction indépendante.
Qui pourra être à terme, dans ce nouveau contexte imposé, le destinataire réel des financements de l’ANR, si ce n’est le secteur privé ? Les pressions dans cette direction sont déjà évidentes.
Tel sera l’avenir de notre recherche publique et nos universités, en l’absence de grands organismes nationaux comme le CNRS ou l’INSERM, susceptibles de rassembler la recherche publique et de préserver son articulation nationale.
L’enseignement supérieur public subira le même sort que les EPST, et de surcroît il deviendra à peu de chose près réservé aux riches. Un rapport de l’OCDE préconise déjà, pour l’enseignement supérieur français :
« Élargir l’autonomie des universités au-delà de ce qui a été réalisé en 2007, surtout pour la gestion budgétaire, le recrutement et la rémunération du personnel. De plus, bien qu’on ait facilité les donations de fondations privées aux universités, de nouvelles mesures sert nécessaires pour favoriser le financement privé des universités, notamment en ayant davantage recours aux droits de scolarité, cette mesure se doublant de prêts étudiants remboursables en fonction du revenu ultérieur ».
(fin de citation, version préliminaire des recommandations pour la France formulées dans le cadre du rapport « Réformes économiques : Objectif croissance 2009 » de l’OCDE)
Rétablir le rôle national du CNRS, c’est supprimer l’ANR et l’AERES et rétablir également le rôle national global du Comité national de la recherche scientifique en tant qu’instance d’évaluation. Sans quoi, les universités seront faussement mises en concurrence, privatisées en realité.
Malheureusement, l’ensemble de ces dangers et la profondeur des enjeux n’apparaissent pas clairement dans les déclarations syndicales récentes. L’opportunité d’engager des négociations dans un tel contexte et à l’approche du Conseil Européen des 19 et 20 mars paraît également, pour le moins, très contestable. Les silences sur la LRU et la loi d’avril 2006 sur la recherche risquent de s’avérer également néfastes.