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"Contre Pécresse et Darcos : un balai-brosse, des comptines et un haka", par Marie Piquemal, "Libération", 24 mars 2009

mardi 24 mars 2009, par Elie

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REPORTAGE - Enseignants-chercheurs et étudiants sont à nouveau descendus dans la rue ce mardi après-midi à Paris, remontés contre « les pseudos concessions des deux ministres ».

Fatigués mais déterminés. Voilà pour résumer l’état d’esprit des enseignants-chercheurs à nouveau dans la rue ce mardi après-midi à Paris contre les réformes Darcos et Pécresse. « Ça commence à faire long, c’est vrai. En même temps, si on craque maintenant… ce serait trop dommage. Non, faut pas », souffle Thomas, physicien à la fac Diderot à Paris, comme pour se donner du courage.

Il participe au mouvement « depuis le début » et se dit bien incapable de compter le nombre de manifestations qu’il a suivies. « Je crois ne pas en avoir loupé une seule, mais vous dire combien… »

Il faut dire que les enseignants chercheurs, soutenus par une partie des étudiants, en sont à leur huitième semaine de grève. Dans les rangs, on perçoit des signes d’essoufflement même si globalement la manifestation a encore été bien suivie ce mardi à Paris (entre 5.000 à 15.000 personnes).

Des pseudo-concessions

Jusqu’à quand ? « On attend que les deux ministres se débouchent enfin les oreilles et qu’ils entendent enfin nos revendications », répond du tac au tac Emmanuelle, maître de conférence à Paris VII, son balai-brosse à la main. Il fait partie de son nouvel attirail de manifestante : un balai, des gants et des pelles pour dire : « il est temps de faire le ménage au ministère. »

Comme les autres, elle pourrait parler pendant des heures de la politique destructrice du gouvernement en matière d’éducation. Elle est encore plus remontée depuis quelques jours par « les micro-aménagements et les pseudo-concessions des deux ministres. De l’affichage, c’est tout. Derrière, sur les points cruciaux, on est toujours au même point. »

« Il nous faut plus de moyens. Fillon a promis qu’il n’y aurait pas de suppressions de postes en 2010 et 2011 mais pour 2009 ? », s’égosille Laure, enseignante-chercheur en biologie évolutive depuis onze ans, à Paris Diderot. Elle raconte la difficulté de concilier enseignement, charges administratives et Recherche. « En théorie, on est censé enseigner 192 heures par an mais comme on manque de prof, on se retrouve avec 220-230 heures au minimum. Et du coup, on sacrifie nos projets de recherche. La nouvelle réforme aggrave le problème au lieu de l’arranger... » On a du mal à l’arrêter, tellement elle est remontée.

« Darcos ? Il fait tout à l’envers »

Autre sujet de colère, qui revient toutes les trois banderoles environ : la réforme de la mastérisation qui modifie la formation des professeurs. « Et c’est tellement compliqué à expliquer… D’ailleurs, c’est une des forces du gouvernement. Personne n’y comprend rien. »

Très pédagogue et souriante, une formatrice à l’IUFM de Créteil se lance : « Nous sommes favorables à une réforme. Aujourd’hui, les futurs enseignants ont seulement un an de formation à l’IUFM, mélange de stages pratiques et de cours théoriques. Cette seule année de formation n’est pas suffisante, nous demandons qu’elle dure deux ans. Sauf que Darcos, au lieu de nous écouter, va dans le sens inverse : Il veut supprimer l’IUFM ! Résultat : les futurs profs se retrouveront dans une salle de classe, sans avoir fait aucun stage pratique. Vous avez compris ? »

Comptines revues et corrigées

De loin, le cortège a des airs de colo de vacances, la faute aux nombreuses reprises (plus ou moins réussies) de chansons enfantines. On a aimé : « Il était un petit navire » transformé en « Il était une petite Pécresse qui n’avait ja-ja-jamais enseigné, ohé ohé. »

Entendu aussi : « Il en faut peu pour être heureux, vraiment très peu pour être heureux, que Darcos retire sa réforme… ». Plus classiques : « Pécresse, si tu savais, ta réforme où on se la met… » Ou encore : « A ceux qui veulent privatiser nos facs. Résistance. »

A noter, aussi : ce sont surtout des étudiants qui donnent de la voix ce mardi, pour assurer l’ambiance. Lise (fille, petite-fille, nièce et sœur d’instit) avertit : « Au point où on en est… Perdu pour perdu ce semestre, on ira jusqu’au bout. On a revoté le blocage à Paris 3 ce matin. »