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La présidente de Paris-10 Nanterre écrit à François Fillon - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 27 mars 2009
vendredi 27 mars 2009, par
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« L’horizon proche est lourd de menaces »... Cette phrase inquiétante est tirée de la lettre envoyée le 23 mars par Bernadette Madeuf, la présidente de Paris-10 Nanterre au Premier ministre. Angoissée, elle supplie François Fillon de rétablir « les conditions minimales du dialogue républicain ». Cette initiative montre à quel point le fossé s’est creusé, non seulement entre une part probablement majoritaire des universitaires et le gouvernement, mais aussi à l’intérieur de cette communauté, dont les positionnements des présidents d’université témoignent.
Voici la lettre de Bernadette Madeuf :
Monsieur le Premier Ministre,
Que l’Université française ait besoin d’un nouvel élan est aujourd’hui une idée largement admise. Je peux vous assurer qu’elle est amplement partagée par la communauté universitaire. Depuis son installation, votre gouvernement s’emploie activement à engager des réformes cohérentes avec la logique politique qui est la vôtre. Aujourd’hui cependant, il faut me semble-t-il se rendre à l’évidence : malgré ce que Madame la Ministre et vous même dans vos propres déclarations avez présenté comme des ouvertures, ces réformes sont quasi unanimement rejetées. Les tensions s’exacerbent, chacun peut le constater. Je tiens, en tant que présidente d’université, à vous faire part des très vives inquiétudes qui sont les miennes.
Faute de réponse appropriée, les différents mouvements de protestation se radicalisent. L’absence de prise en compte de leurs revendications et la poursuite de ces mouvements, en mettant en péril le second semestre d’enseignement, déconsidèrent le projet de réforme, qui ne peut plus prétendre oeuvrer pour le bien de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Je vois (qui ne le verrait pas) s’accumuler dans les semaines qui viennent de très grandes difficultés. L’Université peut-elle être mise en mouvement pour affronter l’avenir ? Oui, j’en suis certaine. Face à l’évolution du monde universitaire au plan international, il faut agir et mobiliser l’ensemble de la communauté universitaire. De plus, nombre de solutions aux difficultés économiques et sociales de la période passent par une nouvelle intelligence collective de notre société. Dans cette construction, les universitaires et les chercheurs, avec bien d’autres, dont les travailleurs intellectuels de demain que sont nos étudiants, doivent jouer un rôle irremplaçable dans les réflexions de fond qui restent à mener. Pour mobiliser de manière constructive la communauté universitaire et la richesse de réflexion et de propositions qu’elle représente, deux conditions me paraissent devoir être réunies :
rétablir un climat de travail serein en suspendant, sans équivoque, la mise en oeuvre des hypothèses de changement qui ont prévalu jusqu’ici ;
faire appel aux forces vives de l’Université pour construire avec elles, et tous ses partenaires, dans le respect et le dialogue, une nouvelle dynamique à la hauteur des enjeux.
Souhaiter une Université mobilisant toutes ses forces pour explorer avec audace des chemins nouveaux, passe par une confiance renouvelée et la reconnaissance de l’indépendance et de l’autonomie réelle de la communauté universitaire. Ces deux dimensions sont indispensables pour reconstruire un partenariat fortement mis à mal par des réformes si mal engagées.
Monsieur le Premier Ministre, la situation telle que je la perçois est grave et dans les universités l’horizon proche est lourd de menaces. Je suis persuadée que vous saurez rétablir les conditions minimales du dialogue républicain. Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma plus haute considération.
Bernadette MADEUF