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François Fillon fait du Valérie Pécresse sur France Inter - S. Huet, Sciences2, Libération 22 avril 2009
mercredi 22 avril 2009, par
Pour lire l’article sur le blog de S. Huet.
Ce matin, le premier ministre François Fillon passait sur France-Inter. L’homme à la réputation de n’user que modérément des média, et toujours « pour dire quelque chose », affirment ses thuriféraires. Raté, du moins pour ses propos concernant les universités.
Le premier ministre s’est en effet contenté d’un plat copier/coller de sa ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Valérie Pécresse. Seule information : le décret sur le statut des universitaires passera aujourd’hui même en Conseil des ministres, après son examen rapide par le Conseil d’Etat hier. Ajouté aux propos de François Fillon - que l’on peut résumer ainsi : nos réformes sont acceptées par les universitaires, seule une petite minorité les récuse, elles vont permettre de payer plus universitaires et enseignants des écoles, collèges et lycées - cette décision confirme la volonté du gouvernement et de Nicolas Sarkozy de passer en force et d’imposer aux universitaires sa politique. Voici l’intégrale de son intervention, le passage sur les universités commence 6,40 minutes après le début.
Le détail des propos du premier ministre mérite néanmoins quelques précisions.
Ainsi, son affirmation du caractère très minoritaire de la contestation... qui aurait été « majoritaire il y a quelques mois ». Il y aurait selon le premier ministre « grosso modo une centaine d’universités en France » et « entre 20 et 25 affectées par ce mouvement ». Rassurons le premier ministre, malgré les décisions des gouvernements successifs, il n’y a que 83 universités en France (depuis la fusion à Strasbourg). D’ailleurs les mouvements de fusions ou de formation de PRES pour mutualiser les formations et les services proviennent des universitaires eux-mêmes, sur la base d’idées lancées lors des Etats-Généraux de la recherche et de l’enseignement supérieur tenus à Grenoble en 2004. En tous cas, une fois le vrai chiffre donné, celui de 25 universités affectées prend une autre tournure.
Surtout, le premier ministre ne peut prétendre qu’il y a un « accord » sur la dernière version du statut des universitaires « réécrit » à sa demande et qui serait ainsi « parfaitement conforme aux attentes de la communauté universitaire ». Cette affirmation est un pur et simple mensonge. La majorité des élus syndicaux ont voté contre en comité technique paritaire. Se targuer du soutien de présidents d’université sur ce point n’est pas sérieux. Tous les observateurs savent, en raison des votes à ce sujet qui ont eu lieu depuis des mois dans les Conseils d’administration des Universités, que même là où les présidents élus au début de l’année sont personnellement favorables à ce texte, les universitaires y sont massivement opposés... jusqu’aux propres majorités d’élus de ces présidents. L’exemple de l’Université de Strasbourg est à cet égard clair, comme le vote qui vient d’avoir lieu à Paris-7 Denis Diderot.
Le premier ministre prétend que ce statut va permettre aux E-C ayant de lourdes tâches de recherche d’être « déchargé de charges de cours » et que ceux qui voudront faire plus d’enseignement pourront le faire de « manière libre » Cette présentation est également un pur mensonge, puisque le statut actuel permet déjà ces aménagements. Les délégations au Cnrs existent, les accords entre collègues également afin de permettre à tel ou tel de réaliser des travaux scientifiques lourds. Les enseignants qui font plus que leur part de service aussi, certains payés, mais parfois même sans être payés, tout simplement parce que c’est nécesssaire pour assurer les cours prévus par les maquettes de formation. Le nouveau statut, ajouté aux contraites budgétaires en nombre de postes, ouvre clairement la voie à des contraintes pesant sur les universitaires, contraintes que le très dur mouvement de contestation à permis de les limiter mais pas de les éliminer.
Le salaire des enseignants chercheurs. Le premier ministre s’est livré à un autre mensonge, voire à une tentative de chantage - copiant là aussi sa ministre Valérie Pécresse lors de son débat avec Jean Fabbri dans nos locaux. Il a en effet lié le nouveau statut et la décision de recruter les enseignants chercheurs en prenant en compte les années de doctorat et donc d’augmenter leur salaire d’embauche, qui restent d’ailleurs bien faibles. Comme s’il était nécessaire d’accepter ce nouveau statut pour augmenter les salaires d’embauche. Or, il n’y a aucun rapport entre les deux sujets. Rien n’empêche le gouvernement d’augmenter les salaires des aujourd’hui et sans changer le statut.
Les examens. François Fillon parle de retarder de « quelques mois » la tenue des examens. Sa langue a t-elle fourché ? Sait-il de quoi il parle (c’est un ancien ministre de l’Education nationale qui s’exprime) ? Quelques mois cela reporterait les examens prévus en mai et juin, au minimum en septembre, voire plus tard. A moins que François Fillon espère tenir des examens en aout, auquel cas, il faut lui signaler qu’aucune université ne possède les moyens financiers et humains de réaliser un tel exploit, sans parler des étudiants. En outre, prendre ainsi position, sur le mode indicatif, sur des examens censés ne relever que d’universités dont on se vante de leur avoir donné « l’autonomie » devient ridicule. Elles sont autonomes ou pas ces universités ?
Le niveau des universitaires et des chercheurs français. François Fillon sait - ses conseillers l’ont fait savoir dès le 23 janvier - à quel point le discours de Nicolas Sarkozy du 22 janvier a soulevé l’indignation des scientifiques français. Aussi est-ce à dessein qu’il emploie la même expression : « le peloton de tête des grandes nations » pour le niveau des enseignants chercheurs français qualifiés de « parmi les meilleurs du monde » et c’est le résultat « d’évaluation ». Un contre-discours du 22 janvier ? Et pourquoi, alors, est-il si urgent d’augmenter les services d’enseignement de ces « parmi les meilleurs » au risque de mettre en péril leur activité de recherche ?
Les supressions de postes. « Elles ont été annulées pour les années qui viennent », a affirmé François Fillon. Certes, c’est une promesse qu’il a fait pour 2010 et 2011. Mais, pas pour 2009... alors que c’est l’une des revendications du mouvement.
La mastérisation. Selon François Fillon elle consiste à faire passer la formation des enseignants de bac plus 3 à bac plus 5 et donc de les payer plus. Rassurons notre premier ministre, les enseignants du primaire et du secondaire ne sont pas formés à bac plus 3. Ils passent des concours de recrutement après une année de préparation postérieure à leur licence (ils sont donc à bac plus 4 à ce moment là). Puis disposaient jusqu’à cette réforme d’une année complète de formation pratique rémunérés. Donc, ils prenaient leur premier poste qu’à bac plus 5. Que l’ancien ministre de l’éducation nationale ne sache pas cela est pour le moins étrange. En conséquence, il n’est pas nécessaire de modifier en quoi que ce soit le système actuel pour les rémunérer mieux. En revanche, la réforme dite de la mastérisation, qui voulait au départ supprimer complètement l’année de formation pratique post concours, n’avait aucun objectif d’amélioration du contenu des formations disciplinaires et pédagogiques, comme en témoigne le contenu des concours demandé par Xavier Darcos. Là aussi, le premier ministre ne tient pas un discours de vérité. Parler d’un gouvernement « très ouvert au dialogue » sur ce sujet, après des mois de tensions et de refus de discuter de Xavier Darcos et Valérie Pécresse est proprement insupportable dans la bouche d’un premier ministre.