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Facs : ils ne veulent pas céder - Ixchel Delaporte, L’Humanité, 7 mai 2009
vendredi 8 mai 2009, par
Après quatorze semaines de lutte, les enseignants-chercheurs butent toujours sur l’immobilisme et l’arrogance du gouvernement. Trois acteurs clés livrent leur bilan et leur vision de l’avenir.
Réduire le mouvement universitaire à la question des examens, voilà la dernière illusion médiatique pratiquée par le gouvernement. Une campagne activement menée pour faire oublier quatorze semaines de lutte, restées à ce jour sans réponse. Comment en est-on arrivé là ? Et que faire désormais ? L’Humanité a décidé de poser ces questions à trois acteurs clés de cette mobilisation inédite : Jean-Louis Fournel, de Sauvons l’université (SLU), Isabelle This Saint-Jean, de Sauvons la recherche (SLR) et Stéphane Tassel, du SNESup, syndicat majoritaire du supérieur.
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Jean-Louis Fournel, porte-parole de Sauvons l’université
Son bilan de quatorze semaines de lutte ?
« Dans certains endroits, la mobilisation a faibli, dans d’autres, elle s’est renforcée. Quoi qu’il en soit, Valérie Pécresse porte la responsabilité de la situation, appuie Jean-Louis Fournel. Elle aurait pu régler le conflit bien avant. Les solutions pour les étudiants se feront donc au cas par cas et c’est la ministre qui l’a voulu ainsi. » Si le mouvement connaît une phase difficile due à l’échéance des examens, il n’est pas pour autant terminé : « La grande majorité des collègues est consciente que les avancées sont maigres et que la logique des réformes n’a pas bougé. » Concernant le décret sur le statut des enseignants-chercheurs ou sur la mastérisation, rien, ou presque, n’a changé. Quant à la formation des enseignants, « si la réforme passe, c’est l’éducation nationale qui est en danger. C’est le début d’une précarisation en masse ». Même constat sur l’emploi, sur les conditions de travail des administratifs et des doctorants.
Les suites ?
« Ceux qui nous gouvernent se moquent de l’université. On a des gens qui nous méprisent et qui ne connaissent pas l’université. Pour eux, l’université n’est pas un enjeu pour la nation », s’insurge Jean-Louis Fournel. C’est à partir de ce mépris, ouvertement formulé par Nicolas Sarkozy le 22 janvier 2009, que la communauté universitaire s’est ressoudée, voire politisée. Le porte-parole de SLU se veut optimiste : « Nous n’avons pas perdu. Au contraire, le gouvernement a réussi à rassembler une profession sur des valeurs essentielles de la République. » Pour lui, quel que soit le ministre qui remplacera Pécresse, il doit être prévenu : « Le mouvement qui a lieu ne se terminera pas au mois de mai ou de juin. Il continuera sous des formes nouvelles parce que nous défendons le rôle des savoirs dans la société, la transmission de connaissances… Nous défendons un bien commun. »
Isabelle This Saint-Jean, présidente du collectif Sauvons la recherche
Son bilan de quatorze semaines de lutte ?
Au gouvernement qui pointe sans cesse une minorité agissante et extrémiste, Isabelle This Saint-Jean répond par un simple décompte : « Trois manifestations à 100 000 personnes ! Des démissions administratives en masse ! C’est historique. On n’a jamais vu un tel mouvement dans l’université. La communauté universitaire est debout depuis le 2 janvier pour dire que ces réformes sont mauvaises et précipitées. Le cynisme et l’instrumentalisation, ça suffit ! » Pour la présidente de SLR, il n’y a pas de doutes : « Le gouvernement a voulu faire un exemple comme Margaret Thatcher avec les mineurs. » Isabelle This Saint-Jean partage le constat de SLU sur les quelques concessions arrachées au gouvernement : « Le principe de la modulation des services n’a pas bougé. Il demeure dommageable pour la qualité des enseignements offerts aux étudiants. Et la circulaire censée donner des gages aux universitaires ne se substituera pas au décret. »
Les suites ?
La question des examens focalise toute l’attention depuis quelques jours mais, pour la porte-parole de SLR, les cas problématiques sont mineurs. « Depuis un moment déjà, les universitaires essaient de trouver des aménagements localement. » Une majorité d’entre eux continuent à dénoncer le passage en force du gouvernement, « qui fait croire qu’il a répondu à toutes les inquiétudes ». Si le mouvement s’arrête, ce sera pour repartir à la rentrée, assure la responsable de SLR. « On se retrouvera ensemble avec le secondaire puisque Darcos va tenter de nouveau de faire passer sa réforme du lycée. Et puis on n’est pas les seuls à dénoncer une logique managériale, il y a les hôpitaux, les magistrats… » Et, comme pour beaucoup, le sentiment d’une unité retrouvée prédomine : « Il y a eu une prise de conscience générale autour des valeurs de savoir et de connaissance. »
Stéphane Tassel, secrétaire général du SNESup
Son bilan de quatorze semaines de lutte ?
« C’est la mobilisation la plus importante de ces cinquante dernières années. Tant sur la durée, sur l’intensité que sur son unité. » Pour le secrétaire général du SNESup, la prise de conscience « débute en 2006, au moment du "pacte recherche" qui a engagé un processus de déstructuration méthodique et en profondeur du service public d’enseignement supérieur et de recherche, organisant la concurrence entre établissements ». Autre étape : la LRU en 2007, et plus récemment, « la modification des statuts des enseignants-chercheurs à laquelle nous réaffirmons notre ferme opposition ». Pour lui, le mouvement « entérine le processus de rupture entre la communauté scientifique et le gouvernement. Le discours du président de la République du 22 janvier dernier, qu’a tenté de justifier récemment son premier ministre, constitue le point de non-retour. La rupture est maintenant patente ! ».
Les suites ?
Ni démotivé ni démobilisé, le syndicaliste assure qu’une majorité d’enseignants-chercheurs resteront mobilisés car, dit-il, « la colère des universitaires reste entière. Elle s’exprimera dans les prochaines mobilisations pour défendre un service public d’enseignement supérieur et de recherche unifié, riche, diversifié, permettant l’accès aux études du plus grand nombre, fondé sur la collégialité et sur la réponse aux besoins de la société ».
Ixchel Delaporte