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Refonder l’université française : notre défi commun - Valérie Pecresse, Le Monde, 18 mai 2009
lundi 18 mai 2009, par
Des universitaires français de premier plan ont appelé à la refondation de l’université. Je suis frappée par la convergence d’un certain nombre d’idées qu’ils portent, avec celles que je défends depuis maintenant deux ans. Que l’on me permette donc d’apporter ma contribution à une réflexion qu’il est sain que des acteurs de l’université assument sereinement et de manière constructive.
1. La place de l’université
L’université, c’est vrai, subit durement la concurrence de filières de formation et d’écoles sélectives. Alors est-ce une faiblesse irrémédiable pour notre service public d’enseignement supérieur ? Je ne le crois pas. C’est notre héritage. A nous de savoir en faire une force. Construire, pour les étudiants, des passerelles entre écoles et universités, permettre aux universités de mettre en place des classes préparatoires en leur sein, développer les cohabilitations de diplômes, créer des écoles doctorales communes : voilà ce que les universités et les écoles sont en train de bâtir, voilà ce que je souhaite et ce que j’encourage.
Mais, pour que ces partenariats se fassent d’égal à égal, en renforçant encore la cohérence de notre système de formation, il fallait donner aux universités les moyens de développer leur potentiel scientifique et pédagogique. C’est ce que Nicolas Sarkozy a résolument choisi de faire en leur allouant des moyens inédits et en leur offrant l’autonomie qu’elles attendaient depuis vingt-cinq ans et que tous les gouvernements de gauche comme de droite avaient, sans succès, tenté de réaliser.
L’autonomie des universités est en marche. Et qui songerait aujourd’hui sérieusement à la remettre en cause ? Depuis le 1er janvier, 20 universités ont accédé à la gestion d’un budget global et à la liberté de mener une politique de recrutement ambitieuse pour la mise en œuvre d’une véritable stratégie de formation et de recherche. L’Etat est auprès de chacune d’elles pour accompagner cet accès à l’autonomie qui, c’est vrai, engage fortement l’ensemble de la communauté universitaire dans l’exercice d’une responsabilité renforcée à la fois en termes de qualité de formation, de capacité d’insertion des diplômés et d’ex cellence scientifique.
D’un Etat tuteur, parfois tatillon, nous passons au modèle d’un Etat garant, garant du caractère national des diplômes dans toutes les disciplines, garant de l’équité de traitement de tous les établissements. Désormais placées au cœur de notre système de formation et de recherche, les universités se rapprochent des écoles, partout sur le territoire, en profitant du formidable élan que leur donne la constitution des pôles de recherche et d’enseignement supérieur et la création de grands campus universitaires qui concerneront demain 60 universités et autant d’écoles.
2. Missions de l’université
Oui, l’articulation des différentes missions de l’université autour de celle, centrale, de la transmission des connaissances, est l’enjeu décisif de l’université du XXIe siècle. Le nouveau statut des enseignants-chercheurs permettra aux femmes et aux hommes qui ont choisi de servir cette ambition de la réaliser pleinement, de voir reconnaître toutes leurs activités d’enseignement et de recherche bien sûr, mais aussi celles de soutien à la mise en œuvre de la politique d’établissement.
Ce nouveau statut, qui précède et rend possible une revalorisation sans précédent des carrières des universitaires, permet à la fois d’alléger le service d’enseignement de ceux qui ont besoin d’un temps de recherche plus important et valorise enfin l’investissement pédagogique, sous toutes ses formes. Car le succès de l’université tient d’abord au succès de ses étudiants.
3. Les cursus
La qualité du premier cycle universitaire est au cœur des préoccupations du gouvernement parce qu’il garantit l’accès du plus grand nombre à un diplôme de licence qui, dans le monde de demain, sera la clé d’une insertion professionnelle réussie. Sur le socle d’une première année fondamentale, pluridisciplinaire, à l’image de cette propédeutique que beaucoup appellent aujourd’hui de leurs vœux, notre plan "réussir en licence" a l’ambition d’aider les universités à relever le défi de la réussite sans la sélection.
Doté de 730 millions d’euros, il donne aux universitaires les moyens d’être plus créatifs et plus audacieux encore dans l’accompagnement personnalisé de leurs étudiants. L’orientation des lycéens, le soutien des étudiants en difficulté, la mise en place de professeurs référents et de véritables équipes pédagogiques de licence, l’aménagement de semestres de remise à niveau ou de réorientation, sont aujourd’hui des actions concrètes que les universités mènent, pour offrir aux bacheliers une offre de formation diversifiée et de qualité.
Car c’est sur la base d’une licence qualifiante ouverte au plus grand nombre, que l’on pourra bâtir un cursus de master cohérent qui mêlera dynamiques de recherche et de professionnalisation, achevant ainsi la réforme du LMD [licence-master-doctorat]. Je prends acte d’ailleurs que, pour certains universitaires, la question de la sélection à l’entrée de ce master rénové doit être reposée.
4. La gouvernance
La loi de 2007 pose les fondements d’une autonomie qui s’exprime tout autant sur le plan scientifique que sur celui de la gestion. Il est vain d’opposer gestion et science. La première est évidemment au service de la seconde. C’est pourquoi l’autonomie doit s’appuyer sur la collégialité académique, dont on sent combien elle est fragile aujourd’hui. Cette collégialité est sans doute à consolider au sein de nos établissements, non pas seulement comme un contre-pouvoir à un conseil d’administration dont la mission première est précisément la vitalité académique de son université, mais comme un point d’appui, comme une force nouvelle.
L’autonomie, n’est-ce pas précisément confier aux acteurs de l’université la responsabilité de la structurer, afin qu’elle remplisse pleinement sa vocation intellectuelle ? Car, au-delà des crédits considérables et indispensables que l’Etat investit aujourd’hui dans son université, c’est un projet nouveau, au service de la science et au service de la jeunesse de ce pays que je propose aux universitaires de construire, sur un socle enfin solide. Alors, oui, dans un débat ouvert et riche de sa diversité, poursuivons ensemble cette refondation !
Valérie Pécresse est ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche