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Discours de Valérie Pecresse au collège de France (26 mai 2009)
mercredi 27 mai 2009, par
Pour lire ce discours sur le site du ministère
Monsieur le Maire,
Monsieur l’Administrateur,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui.
Dans cette magnifique maison du collège de France, il me revient l’honneur d’inaugurer trois bâtiments dans lesquels la science se fait et se vit ; trois bâtiments qui accueillent les laboratoires de biologie et de chimie, de nouvelles salles de séminaires, la cafétéria dans laquelle nous nous trouvons avec cette magnifique vue panoramique sur Paris, et la bibliothèque générale.
Alors, je vous épargnerai les aléas des négociations, les travaux découpés en tranches interminables, les retards, les découragements, qu’un chantier si ambitieux et si délicat provoque inévitablement, pour vous dire simplement que cette deuxième phase de la rénovation du site Marcelin-Berthelot qui a débuté en 2005 aura permis de restaurer et d’équiper près de 9 300 m2 de locaux.
Et je voudrais avant toute chose saluer Monsieur Glowinski, auquel la pleine réussite de cette réhabilitation doit beaucoup. Nous ne serions sans doute pas là aujourd’hui à préparer la troisième phase des travaux, sans sa détermination à faire entrer le collège de France dans le XXIe siècle paré d’atours dignes de son histoire mais aussi de son projet.
Comme lui, je suis tout à fait convaincue qu’on travaille mieux, qu’on vit mieux, dans des espaces conviviaux, harmonieux et beaux. De ce point de vue, la réhabilitation de ces bâtiments est un modèle du genre. Ce magnifique ouvrage architectural a été fait au service des professeurs, de leurs élèves, au service de ces assoiffés de science et de culture que sont les auditeurs du Collège de France. Et cela se voit.
Nous devons donc rendre un hommage particulier à l’architecte, Jacques FERRIER, qui a conçu des lieux aussi respectueux du patrimoine, aussi modernes et aussi faciles à vivre.
Je suis persuadée qu’en matière de vie intellectuelle en tout cas, le plumage a quelque rapport avec le ramage et nous pouvons être fiers que l’un des phares de la pensée française porte sur ses murs l’éclat de son excellence.
Car non seulement le Collège de France est l’Université de l’excellence mais c’est aussi, d’une certaine manière, l’université par excellence.
Permettez-moi de profiter de l’occasion qui m’est donnée pour redire que les valeurs universitaires portées par votre établissement dans son irréductible identité, doivent également animer la nouvelle Université dont notre pays est en train de se doter.
Une université qui mêle intimement projet scientifique et enseignement ; une université où les disciplines s’entrecroisent et s’enrichissent dans une collégialité assumée ; une université qui, résolument, tente de répondre au défi de la compréhension ouverte et critique du monde.
Une université enfin, dans laquelle les humanités et les sciences sociales prennent une place centrale, à la fois au carrefour de toutes les autres sciences et fondatrices d’une pensée originale du monde et de la condition humaine.
J’aime assez le mot célèbre de Bourdieu qui disait que le Collège de France est le lieu de la « sacralisation des hérétiques ». D’une manière générale, les institutions universitaires ont vocation à produire, à promouvoir mais aussi à protéger avec force la pensée libre, la création et la culture sous toutes leurs formes.
J’ai aujourd’hui une pensée particulière pour l’un ces vénérables hérétiques qui, lui aussi, fut professeur du collège de France : Claude Lévi-Strauss.
Dans un mois, je remettrai le prix de 100 000 euros qui porte son nom et qui, chaque année honorera le travail d’un chercheur en sciences en humaines ou sociales. Avec la complicité de Claude Lévi-Strauss, j’ai souhaité installer ce prix dans notre paysage scientifique comme la marque de la qualité internationale de la recherche française dans ces domaines.
Il y aura, parmi les lauréats de ce prix, à n’en pas douter, de futurs professeurs au collège de France….
Alors bien entendu, le Collège de France n’est certainement pas un modèle à dupliquer, mais sa vitalité académique dans tous les champs de la connaissance, l’actualité de sa devise Docet Omnia, son engagement pédagogique jusque dans les quartiers les plus enclavés de nos villes, son dynamisme numérique et son ancrage résolu dans le réseau mondial de la connaissance peuvent utilement inspirer l’Université française tout entière.
Mesdames et Messieurs, les bâtiments que nous inaugurons aujourd’hui incarnent, au delà de la politique immobilière audacieuse que vous menez, la force vitale toujours renouvelée de votre institution. Et vous ne m’en voudrez pas, cher Pierre Corvol, de rappeler à quel point vous y œuvrez, jour après jour.
Quant à moi, je souhaite cette force à l’université française et je travaille depuis deux ans maintenant à la lui insuffler.
Une force qui passe d’abord par la qualité de la communauté universitaire. C’’est pourquoi, dans la continuité de la politique de préservation de l’emploi au sein de l’enseignement supérieur et de recherche souhaitée par le Premier ministre, le Gouvernement a décidé de pas supprimer d’emplois en 2010, ni dans les universités, ni dans les organismes de recherche, et de faire de l’université et de la recherche des lieux d’exception, privilégiés, protégés, car c’est là que se fera la relance de l’économie française.
Nous devons construire un espace de recherche cohérent, ouvert, bâti sur l’émulation et sur la coopération. L’intelligence, la créativité, la pensée critique de nos chercheurs doit pouvoir s’exprimer plus largement et plus puissamment au sein des institutions qui animent cet espace de la recherche française
C’est pourquoi j’ai souhaité donner un nouveau souffle à l’institut Universitaire de France (IUF). Comme je m’y étais engagée ici même, l’automne dernier, le nombre de lauréats retenus en septembre prochain passera de 112 à 130 pour atteindre 150 en 2010. Les nouveaux membres de l’IUF bénéficieront de primes d’excellence.
Innovation, culture, esprit critique, compréhension de la complexité, connaissances cumulatives et sauts technologiques ne seront créateurs d’un développement durable pour tous que s’ils s’enrichissent au sein de structures de recherche décloisonnées tendues vers le même objectif de la production et de la valorisation des connaissances.
Fort de son autorité scientifique et de sa culture multiséculaire de la collégialité académique, le Collège a une place stratégique dans le réseau de recherche et de formation tel qu’il est en train de s’organiser dans notre pays.
Il mène déjà une politique de coopération extrêmement active avec ses universités partenaires pour cohabiliter des diplômes de Master et de Doctorat. Il est par ailleurs partie prenante d’un projet de groupement des établissements de la Montagne Sainte-Geneviève
Le collège de France constitue donc une force d’appui considérable à la structuration du réseau francilien de recherche et de formation. J’ai demandé à Bernard Larrouturou de travailler avec l’ensemble des directeurs d’établissements de Paris et de l’Ile de France car je crois qu’ils ont évidement un rôle moteur à jouer dans la vitalité du potentiel scientifique français. Et pour cela, la structuration en pôles d’excellence qui transcendent la frontière entre écoles, grandes écoles et universités et qui relèvent les défis économiques, sociaux et culturels du monde d’aujourd’hui est nécessaire à Paris comme en région.
Alors, c’est vrai, la coopération des établissements, le rassemblement de leurs forces d’enseignement et de recherche, la mutualisation de leurs services, la création de véritables campus pour les étudiants sont sans doute plus difficiles à mettre en œuvre dans la région capitale du fait de la pression foncière, de la multiplicité des acteurs et de l’importance des enjeux, mais sur ce point également, la volonté du gouvernement est intacte.
Saclay a vocation à devenir le cluster le plus important du pays. Le nord de Paris verra naître le premier Campus de Sciences humaines et sociales. Et dans Paris Intra Muros, vous le savez bien, le bouillonnement est actuellement intense autour de la constitution de deux ou trois Pôles de Recherche et d’Enseignement supérieur (PRES) avec 4 à 6000 doctorants chacun, ce qui est, me semble t-il, le format idéal pour des établissements pluridisciplinaires, une université du XXIème siècle performante. Je le réaffirme à cette occasion, je ne souhaite pas d’alliances d’établissements si larges qu’elles ne permettraient pas un fonctionnement opérationnel.
Le Président de la République l’a encore rappelé il ya quelques semaine : dans le cadre du Grand Paris, nous voulons mettre en place le Quartier Latin du XXIème siècle.
Le collège de France sera, à n’en pas douter, un des acteurs majeurs de ce projet de société, fidèle à sa tradition, conscient de ses responsabilités et confiant dans son avenir.
Je suis très heureuse de le voir assumer cette ambition avec l’enthousiasme de la jeunesse, celle que l’on puise aux sources éternelles de l’esprit et de la culture.