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Le ministère sanctionne les enseignants qui n’appliquent pas les réformes, par Christian Bonrepaux (Le Monde, 6 juillet 2009)

lundi 6 juillet 2009, par Mathieu

Erwan Redon, le 7 juillet, et Alain Réfalo, le 9, sont convoqués devant la commission administrative paritaire départementale siégeant en conseil de discipline. Ce sera bientôt le cas de Bastien Cazals. Ces trois "désobéisseurs" font partie des 2 807 professeurs des écoles qui refusent d’appliquer les réformes du primaire : nouveaux programmes en 2008 et deux heures d’aide personnalisée et hebdomadaire, notamment pour les élèves en difficulté.

Pour Thierry Le Goff, directeur général des ressources humaines du ministère, l’affaire est limpide : "Erwan Redon est convoqué pour insuffisance professionnelle. Alain Réfalo est cité devant la commission administrative pour refus d’obéissance, manquement au devoir de réserve, incitation à la désobéissance collective et attaque publique contre un fonctionnaire de l’éducation nationale."

Le fonctionnaire est soumis à une obligation d’obéissance hiérarchique sauf, comme le stipule la loi, "dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public".

Ce n’est pas le cas aux yeux du haut fonctionnaire, qui relève que le ministère avait mis en garde : "Avant ces convocations, nous avons adressé de nombreux signaux à ces enseignants. Notamment par des retenues sur salaire pour les heures non effectuées."

Des retenues significatives, vingt-neuf jours pour M. Réfalo, trente-deux pour M. Redon, trente-six pour M. Cazals. Ces mesures n’ont pas découragé les enseignants, même si elles leur paraissent injustes : pendant les deux heures d’aide personnalisée, ils mènent des activités artistiques et éducatives avec les enfants.

Pour eux, instaurer deux heures supplémentaires de français et de maths pour les élèves en difficulté, quand on a auparavant supprimé la classe du samedi matin, revient à charger la journée de classe au-delà du raisonnable. "La mesure est probablement illégale, explique M. Réfalo, puisque sur quatre jours elle conduit à faire passer la journée scolaire de l’élève des six heures légales à six heures trente." Contrant par avance sa très certaine convocation, M. Cazals a déposé un recours devant le tribunal de Montpellier pour juger de cette illégalité. Il devait être examiné lundi 6 juillet.

Face à une mesure qu’ils considèrent contraire à l’intérêt des enfants, les professeurs des écoles ont donc adopté la désobéissance civile, telle que l’a théorisée au XIXe siècle le philosophe américain Henry David Thoreau, expliquent-ils. Leur refus s’est matérialisé dès novembre 2008 par l’envoi de lettres individuelles, puis collectives, à leur hiérarchie : "En conscience, je refuse d’obéir..."

Pour Philippe Meirieu, professeur des universités et figure emblématique du courant pédagogique, les sanctions étaient inéluctables : "A partir du moment où vous vous qualifiez de désobéisseur, une formulation assez maladroite, l’institution ne peut pas ne pas réagir. D’autant que les enseignants ont pour fonction symbolique de faire obéir leurs propres élèves."

Par la voix de M. Le Goff, le ministère tempère, estimant que "nous ne sommes pas dans une situation d’une gravité telle que la révocation soit envisageable".

Reste que l’institution fait face à une forme inédite de contestation. "Le système éducatif s’est fait une spécialité de l’ensablement des réformes. Quand elles les dérangent, les professeurs se débrouillent pour ne pas les appliquer. Elles meurent à petit feu dans l’indifférence générale. Là, je suis admiratif de leur franchise : en revendiquant publiquement leurs actes, ils rompent avec l’usage de ne pas faire et de n’en rien dire. Mais ils vont le payer", explique encore M. Meirieu. L’absence de la moindre revendication catégorielle dans cette demande purement liée aux contenus et aux méthodes d’enseignement et le fait qu’elle soit une démarche individuelle de résistance menée par des acteurs dont beaucoup ne sont pas syndiqués la démarque aussi des luttes syndicales classiques.

Pour compliquer encore un peu l’affaire, à Toulouse, le conflit se politise : Pierre Cohen, le maire, et Martin Malvy, le président du conseil régional, tous deux PS, se rendront au rassemblement de soutien à M. Réfalo le 9 juillet, jour de sa citation devant le conseil de discipline. Si Xavier Darcos souhaitait une grande fermeté, l’attitude et les commentaires du nouveau ministre, Luc Chatel sur cet épineux sujet ne manqueront pas d’être interprétés comme un signe important.

Lire l’article sur le site du Monde : ici.

Sur le Web : le site des désobéisseurs, http://resistancepedagogique.blog4ever.com