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Les enseignants seraient recrutés sans vraie formation - Bruno Béziat, Sud Ouest, 21 janvier 2010
jeudi 21 janvier 2010, par
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Il est difficile de trouver une réforme qui fasse autant l’unanimité contre elle. Les travaux préparatoires de l’été allaient pour- tant vers un texte d’équilibre entre ceux qui souhaitaient en finir avec la formation de pédagogue dispensée dans les IUFM et les tenants d’une véritable préparation professionnelle spécialisée. En décembre dernier, le gouvernement a fait son choix. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il s’est éloigné du point d’équilibre, en mettant de côté les conclusions plus tempérées des rapports Marois-Filâtre.
La fin du terrain
Même s’il est encore flou sur bien des points, ce texte fait des IUFM des coquilles vides qui s’effacent au profit de masters universitaires classiques. Mais surtout il remet la discipline au centre de tout, au détriment de la formation. « Enfin ! », diront les plus hostiles aux IUFM et à leur pédagogisme jargonnant, dont l’expression « référentiel bondissant » - autrement dit, le ballon, en langage normal - en était l’illustration la plus caricaturale. Mais pour l’immense majorité des personnes concernées, le mouvement de balancier est allé bien trop loin.
À peu près tous les syndicats de professeurs de tous les niveaux, ainsi que la Conférence des présidents d’université à l’unanimité - du jamais-vu ! -, sans oublier des fédérations de parents, l’ensemble des chercheurs dans ce domaine, ont estimé que cette réforme présente un danger. Lequel ? En l’état, un candidat au métier de professeur pourra passer un concours qui sera seulement disciplinaire, puis une leçon théorique sur la manière d’enseigner. Mais aucun stage de terrain n’est rendu obligatoire et aucune formation spécifique et professionnelle sur la manière d’apprendre aux élèves n’est prévue.
Alain Boudou, le président du Pres bordelais (université unique de Bordeaux), estime que des « recommandations n’ont malheureusement pas été suivies ». « Le principe de la mastérisation est bon, c’est-à-dire recruter des enseignants avec un niveau master (bac + 5) au lieu de licence (bac + 3), mais il est risqué de gommer la formation professionnelle. »
« On aurait pu réformer nos IUFM au lieu de supprimer un siècle d’histoire », déplore le directeur de celui d’Aquitaine, Philippe Girard.
Année payée en moins
Mêmes réactions pour les syndicats. « On ne peut que condamner une réforme qui va mettre directement des professeurs non formés dans les classes, et donc en danger », souligne Pierre-Marie Rochard, du Sgen-CFDT Aquitaine. « La principale motivation du ministère est malheureusement de faire des économies », ajoute Jean-Pascal Méral, du Snes-FSU Aquitaine. Car l’année de formation en alternance à l’IUFM après le concours va ainsi disparaître. Comme elle était rémunérée, le gouvernement va économiser à la prochaine rentrée l’équivalent de 12 000 postes, soit l’essentiel des suppressions prévues au budget.
Incertitudes
Mais l’apprentissage professionnel des enseignants n’est pas encore perdu. Les nouveaux masters pourront se constituer avec une grande liberté de manoeuvre. « Nous travaillons avec les universités sur une offre régionale, pour faire en sorte qu’il existe quand même une véritable formation professionnelle. Nous ne laisserons pas tomber nos étudiants », résume Philippe Girard. Autrement dit, les universités qui en auront les moyens et la volonté pourront proposer une formation plus pointue aux futurs professeurs... et les autres non.
À cela s’ajoutent enfin d’importantes difficultés pour organiser les épreuves d’admission et d’admissibilité aux concours aux périodes prévues par les textes durant la deuxième année du master. « Franchement, on ne sait pas faire. C’est délirant et impossible », lâche en aparté un président d’université bordelaise.
La réforme qui doit être conduite pour la prochaine rentrée promet donc de créer encore bien des remous.