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Instits non remplacés : le ras-le-bol des parents d’élèves - par Marie Kostrz, Rue 89, 21 janvier 2010
vendredi 22 janvier 2010, par
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Parents d’élèves et syndicats d’enseignants de Seine-Saint-Denis ont manifesté mardi contre le manque de remplaçants dans les écoles maternelles et élémentaires du département. Ils dénoncent la précarisation du métier d’enseignant, corollaire selon eux de la masterisation de la formation. Le gouvernement, qui a reçu une délégation, refuse leurs revendications.
Un enseignant absent, un remplaçant qui tarde à être affecté pour encadrer la classe, le problème n’est pas nouveau. Les parents d’élèves et enseignants de Seine-Saint-Denis pointent cependant du doigt une détérioration manifeste de la situation.
Jacob Mathews, venu manifester avec son fils dans les bras, dénonce :
« Dans l’école maternelle de Saint-Ouen où mon fils est scolarisé, plus de 40 demi-journées durant lesquelles les instituteurs ont été absents n’ont pas été remplacées depuis septembre.
Nous faisons un constat simple et alarmant : quand un enseignant est malade, il n’est pratiquement jamais remplacé. Cette année, la situation est vraiment critique. Les élèves sont répartis dans les autres classes, ce qui nuit à leur apprentissage. »
De moins en moins d’absences remplacées
Depuis plusieurs mois, certains parents essayent de faire pression sur l’inspection académique du département. Révoltés par le manque de moyens mis à leur disposition, ils investissent les locaux des écoles. Hanke Braatz, maman d’une fillette de 8 ans scolarisée à Saint-Ouen, regrette :
« Il est dommage d’en être arrivé là : nous avons occupé le bureau du directeur durant tout le mois de décembre, mais aucune solution n’a été proposée en amont. »
Un enseignant du SNUipp confirme la tension qui règne dans les écoles :
« Chaque école confrontée à des absentéismes répétés appelle
l’inspection académique pour que des remplaçants soient affectés.
C’est celui qui crie le plus fort qui arrive à en obtenir. »
Alertée par cette situation critique, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a conçu un logiciel permettant de compter le nombre d’absences non-remplacées. Pour Michel Hervieu, président de la FCPE-Seine-Saint-Denis, le résultat est sans équivoque :
« De septembre à décembre 2009, 1 738 jours non assurés n’ont pas été remplacés dans le département ! Nous savions que le problème était réel, seulement le gouvernement ne dévoile aucun chiffre à ce sujet. »
La décision prise par le ministère de l’Education nationale mercredi 13 janvier a mis le feu aux poudres. Le gouvernement a en effet annoncé la suppression définitive de la liste complémentaire des admis au concours de l’IUFM.
Selon Michel Hervieu, cette mesure a considérablement aggravé la situation dans les établissements du premier degré :
« Habituellement, les étudiants de la liste complémentaire étaient contactés afin d’effectuer les remplacements. Mais cette année, ils n’ont pas été appelés, laissant de nombreuses classes sans instituteur. »
La « paupérisation de l’éducation » annoncée
Pour les parents et enseignants venus manifester leur mécontentement, la logique du gouvernement est limpide : mettre en œuvre la masterisation de la formation des instits et faire des économies. Rodolphe Siudat, adhérent à Sud Education, s’explique :
« Les étudiants de la liste complémentaire étaient sollicités pour faire des remplacements de longue durée en attendant d’intégrer l’IUFM l’année suivante. Vu que l’Etat souhaite supprimer l’institut de formation, ils sont bien obligés de fermer la liste ! Maintenant, les étudiants ne seront plus embauchés pour des missions de long terme, mais pour des remplacements ponctuels, moins coûteux pour l’Etat. »
Depuis quelques jours, le gouvernement a en effet contacté ces étudiants pour leur proposer une offre alléchante : pour 3 000 euros, ils ont la possibilité d’effectuer un remplacement du 18 janvier au 12 février. Maxime Camus, inscrit sur la liste complémentaire, s’y oppose :
« J’ai refusé : les années précédentes, les étudiants contactés avaient l’assurance d’être formés à l’IUFM l’année suivante, puis d’être titularisé.
Cette année, le gouvernement ne nous donne aucune garantie : après un mois de travail, il nous jettera aussi facilement qu’il nous a pris. C’est un CDD, qui annonce la précarisation de la profession. »
Le gouvernement prévoit également de faire appel à des étudiants qui préparent le concours mais ne l’ayant encore jamais passé. Thomas Dennou, également sur la liste complémentaire, accuse une mesure aux effets pervers :
« A ce stade de leur formation, ces étudiants n’auront bénéficié que d’un enseignement théorique. Ils ne seront pas armés pour enseigner aux élèves.
De plus, avec ces remplacements de très courte durée, les remplaçants ne seront pas affectés à une école en particulier, contrairement à avant. Les enfants devront sans cesse se familiariser avec de nouveaux enseignants, et ces derniers seront moins efficaces vu qu’ils n’auront pas de connaissance profonde de la classe à encadrer. »
La qualité de la formation remise en question
La délégation, composée de huit représentants syndicaux et d’un responsable de la FCPE, a été reçue en fin de journée mardi par Patrick Allal, le conseiller social du cabinet du ministre :
« Nous avons demandé l’augmentation des remplaçants et l’arrêt de la suppression de la liste complémentaire. Nous voulons aussi plus de postes d’enseignants : sur les trois dernières années, 6 000 nouveaux élèves ont été scolarisés dans le département, mais seulement 30 postes ont été créés, soit un pour 108 élèves ! »
Selon la délégation, le gouvernement a refusé toutes leurs propositions, admettant cependant que la pénurie de remplaçants est problématique. A l’issue de la rencontre, le gouvernement n’a quant à lui pas souhaité se prononcer.
Le problème reste donc entier. François Cauchin, responsable SNUipp à l’origine de la réunion, ne se décourage pas :
« La manifestation générale de ce 21 janvier est aussi un moyen de continuer à nous faire entendre et d’avoir un impact plus large, car ce problème touche aussi les élèves du secondaire. »