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Universités et organismes de recherche : avancer ensemble - par Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU et Stéphane Tassel, secrétaire général du SNESUP-FSU, L’Humanité, 1er février 2010
lundi 1er février 2010, par
Comment libérer la recherche de la mise en concurrence imposée par le gouvernement ?
Pour lire cette tribune sur le site de l’Humanité
Avec passion, les enseignants-chercheurs, chercheurs et enseignants accomplissent des prouesses pour allier production, diffusion des connaissances et mener des tâches d’encadrement alors que le manque d’emplois publics statutaires est criant. Éloignées de l’agitation gouvernementale, leurs activités méritent d’être mieux connues. Ils exercent leurs métiers respectifs à égale dignité dans des conditions souvent difficiles. « Fluidifier les passages entre le monde de la recherche et celui de l’enseignement supérieur » : derrière cette prétention, la ministre dissimule le démantèlement du service public d’enseignement supérieur et de recherche. Nul n’en est dupe, les coopérations entre organismes de recherche et universités ne font pas partie des canons ministériels, qui prônent un pilotage autoritaire de la recherche publique. Dans le prolongement des « primes de mobilité pédagogique » incitant les chercheurs à développer une activité d’enseignement, et de la prime d’encadrement doctoral (PEDR) des enseignants-chercheurs gratifiant un surcroît d’activité de recherche, le recours récent à une nouvelle prime dite « d’excellence scientifique » (PES), qui se substitue aux deux précédentes, sème le trouble dans la communauté universitaire et scientifique. En limitant à 20 % la part des récipiendaires parmi les 57 000 enseignants-chercheurs et les 13 000 chercheurs, le gouvernement distille le dénigrement – 80 % n’en seraient pas dignes –, discrédite la recherche publique, impose la mise en concurrence – épuisante et stérile – comme seul vecteur d’efficacité et poursuit ses attaques contre les libertés scientifiques. En imposant une obligation d’enseignement (un service de 64 heures d’enseignement) à l’obtention de cette prime pour une partie des chercheurs, le gouvernement dénature le statut des chercheurs et cherche à le confondre à celui des enseignants-chercheurs. Ces primes ne sauraient remplacer une revalorisation collective nécessitant une refonte totale de la grille indiciaire, reconnaissant les qualifications obtenues par l’obtention de la thèse de doctorat nécessaire pour exercer les métiers d’enseignant-chercheur ou de chercheur. Favoriser les coopérations et les rapprochements entre organismes de recherche et universités est possible. Pour un enseignant-chercheur, être mis en délégation dans un organisme de recherche sur un emploi focalisé uniquement sur la recherche pour un temps donné doit résulter d’une volonté préalable. Sans constituer la seule condition, cela nécessite la création d’emplois en nombre, dont des postes « supports de délégation ». Si la réciproque est possible pour les chercheurs, elle implique une condition supplémentaire : « enseigner est un métier qui s’apprend » et nécessite une formation adaptée, alors que le dispositif existant pour les enseignants-chercheurs vient d’être supprimé. Conçue comme une possibilité de moduler les services d’enseignement (à la hausse pour les chercheurs, à la baisse pour les enseignants-chercheurs), la PES ne constitue pas une réponse à la revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs et des chercheurs, mais un cheval de Troie de la loi mobilité et de la révision générale de politiques publiques. Dans la même veine, la création de chaires mixtes à l’université, au recrutement conjoint universités-organismes, génère une catégorie de « super enseignant-chercheur », au service d’enseignement réduit des deux tiers, doté de meilleures conditions matérielles et financières. Cette situation hybride entre l’enseignant-chercheur et le chercheur s’intègre dans la logique gouvernementale de mise en concurrence des personnels entre eux. Loin de chercher à « rapprocher » ces communautés, elle est porteuse de divisions, qui stériliseront un peu plus chaque jour les forces créatrices de la recherche publique. Dans tous ces processus extrêmement sélectifs, l’évaluation tient un rôle majeur. Dans les organismes de recherche ou les universités, il nous faut aborder la question complexe de l’évaluation et de ses modalités. L’agence d’évaluation (dite Aeres), issue du pacte pour la recherche, est à ce titre un modèle d’opacité et d’absence de démocratie. Pilotée directement par le ministère, cette agence ne rend publiques les évaluations des laboratoires et des équipes qu’après leur réécriture par des « professionnels » de l’évaluation. Devenus « évaluateurs permanents », ils se déconnectent progressivement de la recherche. Pour les personnels, l’évaluation ne saurait être pensée – comme le fait le gouvernement – en déclencheur d’une sanction, mais au contraire être formative et conseillère, et relever d’instances majoritairement élues, comme le CNU (conseil national des universités) ou le comité national de la recherche scientifique. Aménager les choix imposés à la communauté universitaire et scientifique (pacte recherche, loi LRU, loi mobilité, RGPP) ou revenir en arrière ne répond pas à nos revendications. Il est donc temps de définir des perspectives ambitieuses et un projet pour l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est fondamental pour notre société. Ensemble, nous avons commencé à y contribuer. Ensemble, nous continuerons.