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Près du quart des effectifs de l’enseignement supérieur serait précaire, Philippe Jacqué et Romain Parlier, Le Monde, 10 février 2010

mercredi 10 février 2010, par Mathieu

Pour lire l’article sur le site du Monde.

Sortir de l’ombre les "soutiers de l’université". Telle est l’ambition d’une enquête inédite présentée lundi 8 février par une vingtaine d’organisations syndicales de l’enseignement supérieur et de la recherche (FSU, CGT, CFDT, UNSA, SUD, etc.). Une enquête de quatre mois, qui évalue entre 45 000 et 50 000 les non-titulaires de la fonction publique, soit près du quart des effectifs du secteur.

S’appuyant sur le bilan social 2009 de l’emploi scientifique et sur ses bases de données, le ministère estime, lui, leur nombre à 37 000, dont 23 500 dans les universités, et 13 500 dans les organismes de recherche (CNRS, CEA, etc.).

Mais tous les non-titulaires ne sont pas pour autant précaires. Certains, comme ceux qui disposent d’un contrat doctoral ou les post-doctorants, occupent des postes par nature non permanents. En revanche, de nombreux personnels restent contractuels contre leur gré, faute de postes suffisants mis aux concours.

Les statuts les plus divers

Pour simplifier leur enquête, les syndicats ont choisi de retenir une définition simple de la précarité : "celle qu’en donnent les individus eux-mêmes". C’est pour cela que, parmi les 4 500 répondants de l’enquête effectuée sur une base volontaire et via Internet, se mêlent les statuts les plus divers : thésards, docteurs, enseignants vacataires, bibliothécaires, ingénieurs de recherche ou personnels administratifs.

Leurs principales caractéristiques ? Ils sont tout d’abord très jeunes, la moitié ont même moins de 30 ans. Les plus jeunes sont le plus souvent spécialisés en sciences dures (informatique, physique, chimie, etc.), tandis que les plus âgés travaillent en sciences humaines et sociales. De même, 60 % des non-permanents sont des femmes. En sciences humaines, elles représentent même 68 % des non-titulaires, et jusqu’à 90 % des personnels administratifs.

Cette inégalité des sexes se retrouve également sur le plan de la rémunération. Seuls 32 % des hommes, contre 23 % des femmes, disent gagner plus de 1 750 euros net par mois. 10 % des hommes gagnent moins de 1 000 euros, contre 15 % des femmes. De plus, selon les emplois, beaucoup jonglent entre plusieurs contrats, souvent de courte durée, et sont payés sur dix mois, au lieu de douze.

Sans compter qu’ils sont nombreux à recevoir leur rémunération avec des mois de retard. Dans le même temps, les non-titulaires disent souffrir du poids de leur hiérarchie et d’un manque de reconnaissance, non seulement de la part de leur institution mais aussi de leurs collègues fonctionnaires. Malgré cela, 64 % souhaitent poursuivre leur carrière dans ce secteur.

Pour les syndicats, qui défendent avant tout les fonctionnaires titulaires, cette enquête est une "forte interpellation", relève Stéphane Tassel, secrétaire général du Snesup (FSU), syndicat majoritaire des enseignants-chercheurs. "Il traduit l’institutionnalisation de la précarité au sein des universités et des organismes de recherche", poursuit M. Tassel. "Comme les problèmes sont divers, il faudrait ouvrir des négociations secteur par secteur et prévoir un certain nombre de titularisations", nuance, pour sa part, Patrick Gonthier, de l’UNSA éducation.

La majorité des syndicats veulent prendre au mot le chef de l’Etat, et demandent des créations de postes. Cette enquête a en effet été présentée deux semaines après la déclaration de Nicolas Sarkozy, lundi 25 janvier sur TF1, sur les contractuels de la fonction publique. Le président de la République se disait alors "tout à fait prêt à envisager la titularisation progressive des contractuels pour ne pas les laisser en situation de précarité".

Dans la foulée, le gouvernement avait rappelé que les établissements pouvaient créer, dans la limite d’un plafond d’emplois, des postes de titulaires, ou des contrats à durée indéterminée (CDI). Mais de cela, aucun syndicaliste ne veut entendre parler. Ils veulent des postes statutaires "parce que, qui dit CDI dit éclatement des garanties statutaires au niveau national", critique Daniel Steinmetz, du SNTRS-CGT. En attendant, les syndicats comptent bien lancer un printemps de lutte contre la précarité.

Philippe Jacqué et Romain Parlier


Qui sont les non-titulaires du supérieur et de la recherche ?

Doctorants. En 2008-2009, ils sont 67 600 à préparer une thèse. 67 % d’entre eux bénéficient d’un financement en 1re année grâce, notamment, au contrat doctoral, en vigueur depuis 2009.

Post-doctorants. Après leur thèse, 62 % des docteurs trouvent un contrat à durée déterminée dans la recherche.

Vacataires. Qu’ils soient attachés temporaires, contractuels ou professeurs invités, les enseignants non titulaires forment près de 28 % du corps enseignant du supérieur.

ITA/Biatos. Ces ingénieurs et personnels administratifs sont le plus souvent recrutés pour des missions courtes.