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Quelques remarques sur une agence qui fâche : l’AERES - document du C3N (4 mars 2010)
lundi 8 mars 2010, par
Ce document sur l’AERES (diffusé le 4 mars 2010) émane du C3N, qui regroupe le bureau du
Conseil Scientifique (CS) du CNRS, les présidents des Conseils Scientifiques de Département
(CSD) et le bureau de la Conférence des Présidents des sections du Comité National (CPCN). Ce document est téléchargeable ici.
I) Introduction
L’évaluation scientifique des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des équipes, des
laboratoires, des organismes, des universités … Voilà bien un sujet qui fait couler beaucoup d’encre
depuis quelques années.
Sujet important, mais dont on ne peut pas dire qu’il ait été éclairé par les charges récurrentes
(en particulier présidentielles) sur une « auto-évaluation » coupable dans laquelle le milieu
scientifique se complairait.
Une des questions majeures pour les années à venir (quelle que soit la couleur politique du
gouvernement) concerne la façon dont la communauté scientifique saura se positionner vis-à-vis de
l’emprise croissante des indicateurs bibliométriques sur les processus d’évaluation.
Dans le même temps, la mise en place il y a 3 ans de l’agence d’évaluation de la recherche et
de l’enseignement supérieur (AERES), agence d’évaluation, prétendument indépendante, et très
largement critiquée sur ses modalités de fonctionnement, doit nous conduire aujourd’hui à tirer un
premier bilan de son activité. De très nombreuses contributions et motions critiques ont déjà émané
des instances représentatives des personnels de la recherche scientifique, comme par exemple le très
documenté « Rapport des sections du Comité national sur l’évaluation des unités de la vague C par
l’AERES et son articulation avec la session de printemps 2008 », du 18 juillet 2008. La réunion
plénière du CoNRS, en juin 2009, a été l’occasion de reformuler plusieurs exigences (voir deux de
ses motions en annexe).
Le comité national de la recherche scientifique (CoNRS) a été invité par le Ministère à
participer à un groupe de travail dont l’objectif est « d’améliorer l’articulation entre le travail de
l’AERES et l’évaluation menée par les organismes et les universités ». Ce groupe s’est réuni deux
fois à l’automne 2009. Le présent texte, qui se place dans la continuité des échanges qui y ont eu
lieu, a pour objectif de faire le point sur les dysfonctionnements de l’AERES, et sur l’affaiblissement
qui en résulte du processus d’évaluation scientifique. Une contribution à l’« évaluation » de
l’AERES (rappelons que celle-ci sera évaluée prochainement au niveau européen) en quelque sorte,
qui s’appuie certes sur les échanges du groupe de travail, mais surtout sur les multiples témoignages
des instances d’évaluations des organismes, d’experts ayant participé à des comités de visite, ou tout
simplement de collègues dont l’unité a été examinée.
Nous plaçant dans ce cadre, nous ne discuterons pas ici dans le détail de la revendication
d’une remise à plat plus profonde de l’AERES (rôle et missions, indépendance, transparence,
modalité de désignation de ses membres, ...), récurrente dans la communauté scientifique, largement
insatisfaite des modalités de fonctionnement de cette agence. Le troisième rapport d’étape de la
RGPP, publié en février 2010, indique un rôle prévisionnel accru de l’AERES, le Ministère y
précisant d’ailleurs que « les missions et les modalités de fonctionnement de l’AERES seront
modifiées ». Nous voudrions ici insister, de façon un peu solennelle, pour que ces modifications
envisagées n’ignorent pas les avis et critiques des principaux intéressés par l’évaluation (les
scientifiques eux-mêmes), à commencer par celles énoncées ici concernant les comités de visite des
unités de recherche. A défaut, on peut s’attendre à ce que des situations de vive tension se
développent.
Rappelons au passage que, vu du CoNRS, l’évaluation scientifique est un processus
complexe, qui se fait sur la durée, qui s’alimente des comités de visite ponctuels des unités, (dont la
charge de l’organisation incombe à l’AERES), mais également, et de façon très complémentaire, de
l’évaluation individuelle des personnels. Pour les unités de recherches, mixtes ou « propres » (UMR
et UPR), dans la plupart des disciplines, ces comités de visite existaient depuis longtemps (bien
avant la création de l’AERES), et fonctionnaient correctement. Le CoNRS y avait ses représentants,
mais n’en fixait pas la composition, cette tâche incombant aux tutelles. La façon dont l’AERES a
repris cette mission d’organisation des comités de visite est très critiquable (voir ci-dessous), et
fortement aggravée par le fait d’avoir introduit une étape de « notation » très préjudiciable. In fine,
on ne pourra manquer de constater que plutôt que d’enrichir le précédent processus
d’évaluation des UMR, l’AERES tend aujourd’hui à l’appauvrir.
La mauvaise place donnée à l’évaluation de la recherche dans le nouveau décret du CNRS
restera d’ailleurs un des points noirs de cette période récente. Cédant à une approche quasi
idéologique, confondant les comités de visite ponctuels des unités de l’AERES avec l’ensemble du
processus continu et complexe d’évaluation de la recherche qui permet à un organisme de recherche
de se repérer, le Ministère a refusé d’écouter jusqu’au Conseil Supérieur de la Recherche et de la
Technologie, qui avait pourtant critiqué à l’unanimité de ses membres cette partie du décret. L’écart
entre cette partie du décret du CNRS, et celui de l’INSERM de mars dernier (qui énonce à juste titre
que « les commissions scientifiques spécialisées participent à l’évaluation des unités de
recherche »), reste problématique.
Une remarque d’ordre général, liée au point précédent, pour conclure cette introduction :
dans tous les débats sur le rôle de l’AERES, et nous avons pu encore le vérifier lors des deux
réunions du groupe de travail, on voit clairement se développer, et parfois s’opposer, deux points de
vue assez différents quant au rôle premier du processus d’évaluation. Vu du CoNRS, il doit servir
avant tout à tirer vers le haut l’activité de recherche, et donc à conseiller, suggérer, aider les unités.
Pour ce faire, l’évaluation doit être précise, s’appuyer sur une bonne connaissance du contexte
scientifique global, mais aussi local, faire partie d’un processus de suivi sur la durée, et déboucher
sur des recommandations. Vu par les tutelles qui mandatent l’AERES, c’est surtout un moyen de
discriminer pour affecter des moyens (humains et financiers). Une forme étalonnée, une note leur
semble alors utile, quels qu’en soient les effets secondaires néfastes. C’est par exemple le cas du
Ministère qui pondère les moyens affectés aux universités sur la base de ces fameuses notes
AERES. Et l’on peut craindre également qu’une telle approche gestionnaire ne se développe dans
certaines universités, ce qui ressortait d’ailleurs des propos d’un représentant de la CPU au groupe
de travail. Prévaut ici bien souvent l’idée que la simple compétition pour optimiser cette « note »
serait suffisante pour engendrer de la qualité scientifique. Ce mouvement d’automatisation de la
prise de décision en algorithmisant un ensemble d’indicateurs soi-disant objectifs n’est bien sûr pas
limité, loin s’en faut, au secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. On peut
légitimement douter, dans ce contexte, des déclarations de nos dirigeants, qui la main sur le cœur,
nous assurent à longueur de réunions que bien entendu, ils savent prendre tous ces chiffres avec le
recul nécessaire.
Dans la suite du texte nous présenterons un ensemble de commentaires concernant des
dysfonctionnement relevés dans le fonctionnement de l’AERES et nous formulerons des
propositions pour y remédier. Afin d’insister sur les points les plus durs, nous les qualifions de
« revendications », à côté d’autres points, que nous considérons néanmoins comme importants, et
que nous appellerons « recommandations ».
II) Un ensemble de points qui fâchent
II-1) Constitution des comités d’experts
Ces dernières années ont vu une accélération des regroupements d’unités en ensembles plus
gros, parfois pluridisciplinaires, et en tout cas s’appuyant sur plusieurs sections du CoNRS et du
conseil national des universités (CNU). Comme conséquence des choix restrictifs imposés par
l’AERES, on a noté, dans pas mal de cas, que des champs scientifiques entiers n’étaient pas
couverts par les experts des comités, tout comme certaines dimensions pluridisciplinaires des
activités de recherche.
Pour qu’une bonne "articulation" (apparemment souhaitée par le ministère) puisse s’établir
avec l’évaluation des chercheurs et des enseignants-chercheurs, et l’appréciation par les organismes
de l’activité de recherche de l’unité, il est essentiel que les sections disciplinaires des instances
soient bien représentées lors du comité de visite, au-delà du seul représentant actuellement accordé,
limitant la visibilité à une seule section. L’argument, souvent avancé, d’une volonté de ne pas faire
croître ce comité, est faible relativement à l’intérêt d’une bonne représentation thématique. Le
comité de visite actuel est privé de l’information, centrale, sur l’activité des chercheurs dépendant
des autres sections. Les membres des sections non invitées sont privés de la source d’information
que représente la mobilisation de toute l’unité pendant la durée du comité de visite.
Certaines unités en viennent même à organiser des visites supplémentaires pour les
représentants des sections secondaires qui n’ont pu assister aux comités de visite. Les règles
actuelles, inutilement rigides, conduisent ici aussi à un appauvrissement de l’évaluation ponctuelle
menée par les comités de visite.
Revendication 1 : que la participation aux comités de visite soit élargie à toutes les sections
pertinentes du CoNRS (et du CNU).
On pourrait imaginer au moins deux formules pour une représentation large des sections
(CoNRS et CNU) : (i) participation à part entière au comité , (ii) participation comme observateurs,
à part le membre statutaire.
Par ailleurs, il nous est revenu que l’AERES, depuis cette année, affirme dans certains cas
pouvoir refuser le choix du représentant du CoNRS effectué par la section principale de l’unité
examinée. Certains de ses délégués scientifiques sont même passés à l’acte en demandant à un autre
membre que celui qui était désigné de participer au comité. Il est important de rappeler que c’est la
section qui décide de son représentant et que l’AERES ne peut contester cette décision. Le décret
précise d’ailleurs bien que cette désignation se fait "sur proposition des instances". Notons
qu’actuellement, le CoNRS désigne ces représentants à l’été qui précède les comités de visite, c’est-
à-dire largement en amont du calendrier actuel de constitution des comités par l’AERES.
Revendication 2 : les instances choisissent leur(s) représentant(s), comme prévu par le décret.
De façon connexe, il apparaît que dans de nombreux cas, le temps pour constituer les
comités ait été très court (quelques semaines). D’une part, ce retard a parfois conduit les
représentants désignés des sections (ainsi que leur suppléant) à ne pouvoir être présents. D’autre
part, les (autres) experts encore disponibles sont alors peu nombreux et l’on se dépêche de "recruter"
ceux qui n’ont pas d’autre engagement. Cela peut se traduire globalement par un défaut de qualité.
Cette contrainte se trouve accentuée par le fait que les experts ne doivent pas être membres de
laboratoires de la même vague : ce dernier aspect est d’ailleurs la marque quasi explicite que les
comités « AERES » ne viennent pas pour aider (par un regard extérieur) les laboratoires à affiner
leur stratégie, mais bien essentiellement pour les classer : l’agence de notation (relative) prend le pas
sur l’agence participant à une évaluation vue comme un processus constructif.
Recommandation 1 : que la composition des comités soit fixée au moins six mois avant leur
réunion. Par ailleurs, il faut veiller à ce que la date des comités de visite ne recouvre pas celle
des sections concernées (qui sont, elles, connues plus de six mois à l’avance).
De même, la recherche, la vie d’une unité, n’est pas limitée aux chercheurs et enseignants-
chercheurs. La présence d’un représentant ITA de la section principale, au comité de visite, doit être
assurée.
Revendication 3 : Présence d’un élu C, désigné par les sections, au comité de visite des unités
de recherche associées au CNRS.
Une critique récurrente faite à l’AERES est l’opacité du processus de désignation des
membres des comités d’évaluation. Il était prévu que l’agence constitue ces comités en puisant dans
un vivier d’experts dont la liste serait rendue publique. Ce serait un progrès important dans le sens
de la transparence, en permettant de voir si le recrutement de ses experts par l’AERES se fait de
manière homogène et équilibrée entre thématiques, à l’intérieur d’un domaine scientifique, entre
organismes et universités français et étrangers, etc. A ce jour, nous n’avons connaissance que d’une
mise en ligne a posteriori, sans CV, des experts ayant participé à la vague D. Ceci contraste avec les
instances d’évaluations des organismes, dont les membres sont connus, avec, pour ceux qui sont
élus, la publication de plus en plus fréquente d’un CV scientifique.
Recommandation 2 : Mise en ligne de la liste et du CV scientifique des experts nommés par
l’AERES
Enfin, on peut s’interroger sur la façon dont l’AERES présente la constitution de son comité
de visite, séparant les « experts » nommés par elle, et les « représentants de l’instance de
l’évaluation ». Ces derniers sont tout autant experts scientifiques que les premiers ; pour les membres
du CoNRS, ils ont été soit élus par leurs pairs, soit nommés par le ministère. Il conviendrait donc de
considérer qu’il y a bien deux catégories d’experts dans les comités de visite : ceux nommés par
l’AERES, et ceux dépêchés par les autres instances d’évaluation. Il convient de noter que ce défaut
de qualification comme experts, est présent dans le « carnet de visite » produit par l’AERES, mais
pas dans son décret.
Recommandation 3 : Qu’il soit clair dans la présentation du « carnet de visite » que les
représentants des instances d’évaluation sont également des experts scientifiques.
II-2) Déroulement du comité de visite
Une autre conséquence de la taille croissante des unités est que le temps consacré à l’examen
de chaque thème se réduit, devient parfois ridiculement faible tandis que le volume des lectures
demandées a l’expert devient prohibitif. Ce point doit être clairement amélioré.
Bien souvent le déroulement laisse place à un désordre total quant à la participation des
tutelles au comité. Ces représentants sont tantôt exclus, tantôt invités « muets », ou tantôt invités
avec droit à la parole. Dans certains cas ils étaient présents lors de l’intervention des représentants
du personnel, dans d’autres cas exclus de cette partie de la visite.
Revendication 4 : qu’il y ait une norme sur le déroulement et non une formule laissée au bon
vouloir du délégué scientifique de l’AERES.
Au-delà de cette norme souhaitée, les décisions quant au déroulement du comité de visite
doivent être du ressort du comité et de son président, conseillés le cas échéant par le délégué
AERES. Le poids du-dit délégué dans cette étape importante, pour lequel de multiples témoignages
montrent un interventionnisme parfois excessif, devrait donc être limité à l’avenir.
II-3) Rapport du comité de visite
Une revendication très large de la communauté scientifique est que le rapport du comité
d’experts soit signé par le président du comité. Cela n’exclut pas les allers-retours avec les directeurs
d’unités, les organismes (et universités), voire l’AERES, avant que le rapport ne soit finalisé. Les
arguments souvent utilisés par les responsables de l’AERES (jusque celui des fautes d’orthographes
et de grammaire !) sont d’une pauvreté déconcertante, et masquent probablement une volonté de
contrôle de la parole des experts.
Si bien souvent le rapport du président du comité de visite et le rapport "de" l’AERES seront
peu différents, il convient de laisser aux pairs, à qui l’on a confié cette tâche, le dernier mot et la
responsabilité des avis.
Revendication 5 : Le rapport du comité d’expertise doit être signé par le président du comité,
au nom de celui-ci.
La publicité totale du rapport n’est pas nécessairement un avantage, car on en connaît les
effets pervers. Ce qui compte, c’est que les intéressés, laboratoire, université, organisme(s) en aient
pleinement connaissance. Nous savons bien qu’à ces propositions (signature et publicité), il sera
tentant d’opposer certains textes, et qu’en particulier la réécriture du décret de l’AERES a cherché à
en éloigner la possibilité. Nous verrons bien si sur ce point (et en particulier cette question de la
signature du rapport par le président du comité d’experts) le Ministère cherche réellement a
améliorer le processus d’expertise, ou plutôt à « sanctuariser » toujours plus l’AERES. On pourrait
imaginer, le cas échéant, deux rapports : le rapport long, signé du président, à diffusion restreinte ; et
une note de synthèse courte, rédigée par l’AERES sur la base du rapport long et, après validation par
le comité, mise en ligne par l’AERES. Le droit de réponse à ces rapports, par le directeur de l’unité
(après avis de son conseil de laboratoire) serait conservé.
Recommandation 4 : Que le rapport du comité, signé par son président, ne soit transmis
qu’aux intéressés (unités, tutelles diverses). L’AERES pourrait mettre en ligne une note de
synthèse, conforme au rapport. L’unité évaluée conserverait un droit de réponse à cette note
de synthèse.
II-4) La notation
Le CoNRS est fermement opposé au principe de la notation pratiquée par l’AERES, aux
multiples effets pervers, et qui ont fait l’objet de nombreux échanges au sein du groupe de travail.
Cette note est totalement réductrice par rapport au contenu du rapport du comité d’experts. De plus,
on ne peut que constater les dérives des modalités d’attribution de cette note, avec les comités dits
« d’harmonisation » qui tournent parfois à la foire d’empoigne, un poids excessif du délégué AERES
dans la notation, et des déséquilibres disciplinaires évidents.
Les décideurs scientifiques devraient être capables de lire un rapport de quelques pages pour
se faire une opinion sur une unité. Lors des discussions du groupe de travail, un responsable de
l’AERES a expliqué que l’idéal serait une "conclusion concise" du rapport, ce qu’ils n’arrivent pas à
obtenir. A défaut, ils font donc encore pire, avec l’extrême concision réductrice d’une "note", et tous
les fantasmes d’objectivité associée à un chiffre (une lettre en l’occurrence). La note AERES est par
ailleurs systématiquement utilisée à d’autres fins que la simple évaluation d’une unité au temps "t".
Notons enfin que cette note globale est issue d’une comparaison limitée à un quart du
territoire, par grand secteur disciplinaire, et ne compare donc pas toutes les unités travaillant dans la
même sous-thématique au plan national.
A côté de la note globale, d’autres notes ont été introduites, par items, et/ou par équipes. Ces
notes souffrent des mêmes critiques que la note globale, hormis pour celles qui, à ce jour, ne sont
pas utilisées à d’autres fins que la stricte évaluation ponctuelle de l’unité. Concernant les notes par
équipe, non statutaires mais qui se développent, leur effet sur l’ambiance dans les laboratoires est
délétère (cette remarque n’empêche pas qu’un rapport d’évaluation soit différencié, et mette en
exergue les meilleurs résultats de telle ou telle équipe de recherche).
Revendication 6 : Arrêt de la notation AERES.
II-5) L’évaluation du projet scientifique
Ce point n’était pas dans les attributions de l’AERES, qui l’a introduit, jusque dans ses
notations, en arguant, lors des débats du groupe de travail, que c’était une "demande de la base". On
peut comprendre que les unités souhaitent, lors du comité de visite, parler aussi de leurs projets, et
que d’une façon symétrique les experts souhaitent connaître ces projets et émettre des
recommandations à leur sujet ; cela peut se faire sans pour autant leur associer une notation de plus.
A défaut, le risque existe que, dépassant son rôle d’agence d’évaluation (en réalité vécu aujourd’hui
comme agence de notation), l’AERES ne finisse par "faire" la politique scientifique, en particulier
celle des universités, ce qui n’est clairement pas son rôle.
Rappelons à ce titre l’article 23 du « Décret portant organisation et fonctionnement du
Centre national de la recherche scientifique » (version révisée en décembre 2009) : des unités
propres et associées au centre. Elles sont consultées et font des propositions sur la création, le
renouvellement et la suppression des unités de recherche ainsi que sur leurs besoins en crédits et en
effectifs de personnel."
Dans l’état actuel du fonctionnement de l’AERES, agence de notation plus que d’évaluation,
nous ne pouvons qu’émettre la
Revendication 7 : Abandon de l’évaluation des projets scientifiques, et de la notation associée,
que l’AERES met en place aujourd’hui sans que son décret ne lui en donne la mission.
II-6) La place de la bibliométrie dans l’évaluation
Cette question n’est pas spécifique à l’AERES, et concerne toute la communauté scientifique,
de la base jusqu’aux dirigeants, à travers les multiples occasions où doivent s’exercer le jugement
par les pairs et les prises de décision. L’AERES doit poursuivre sa propre réflexion sur ce terrain, en
concertation. Dans un premier temps, nous prenons ici position contre le classement des revues,
particulièrement néfaste en SHS, où l’on relève qu’il repose bien souvent sur des critères arbitraires
et déformants.
Recommandation 5 : ne pas effectuer de classement des revues scientifiques. Les experts, s’ils
le sont réellement, sont capables de déterminer dans leur champ de compétence, la portée des
travaux publiés.
Annexe
Deux motions votées lors de la réunion plénière du CoNRS en juin 2009
Replacer le laboratoire au cœur du dispositif de recherche
La réunion extraordinaire du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) du 10 juin 2009
rappelle le rôle primordial du CNRS dans la structuration du dispositif de recherche au niveau
national, dont les laboratoires doivent rester les éléments de base. Elle rappelle l’attachement de la
communauté scientifique à la structure d’unité mixte de recherche (UMR) qui est la base d’un
partenariat équilibré avec les universités et les autres établissements de tutelle. L’intérêt scientifique
doit primer dans la détermination du nombre de tutelles. Elle défend l’idée qu’une unité puisse
devenir UMR à sa demande, indépendamment des moyens financiers et humains mis par le CNRS
après évaluation scientifique du CoNRS. Elle demande que le CNRS joue pleinement son rôle
d’opérateur scientifique, quel que soit l’établissement gestionnaire financier.
Elle désapprouve :
–la réduction du nombre d’unités par désassociation pour des motifs non scientifiques ;
–- la perte de solidarité à l’échelle du laboratoire qui résulte de l’évaluation par équipe de recherche
(AERES), du financement par projet et de l’absence de perspective des personnels précaires
toujours plus nombreux (ANR, ERC).
Elle souligne l’importance pour les missions nationales du CNRS d’une analyse pertinente de la
conjoncture et de la prospective scientifique. Pour mener à bien cette tâche, le CoNRS doit pouvoir
s’appuyer sur un examen du bilan et du projet des unités. La réunion extraordinaire conteste la
réalité de l’indépendance affichée par l’AERES. Elle critique avec force la méthodologie de
l’évaluation des unités par l’AERES. Elle juge en particulier néfaste la mise en place d’un système
de notation très réducteur, surtout quand il descend à l’échelon des équipes de recherche ou qu’il
concerne leurs projets. Elle demande que soit mise en place une procédure plus transparente de
désignation des comités d’évaluation. Elle juge impératif qu’un membre de chaque section
concernée du CoNRS ainsi qu’un élu ITA participent à l’ensemble des travaux du comité de visite.
Elle demande à ce que le suivi de l’évaluation des unités soit confié au CoNRS. Elle suggère, en
accord avec la CP-CNU1, que ce suivi soit couplé à l’évaluation des enseignants-chercheurs par le
CNU.
Votée à la majorité des votes exprimés (Pour : 345 - Contre : 9 - Abstention : 5)
Évaluation des chercheurs et suivi des unités de recherche
par le Comité national de la recherche scientifique
La réunion extraordinaire du Comité national de la recherche scientifique (CoNRS) du 10 juin 2009
réaffirme avec force qu’une évaluation correcte des chercheurs, comme des enseignants-chercheurs,
requiert un suivi simultané par les mêmes instances des structures au sein desquelles ils travaillent.
Elle souligne que l’évaluation est nécessairement multicritère, parmi lesquels la production
scientifique. En revanche, il ne peut y avoir d’évaluation valide des personnels comme des
structures sur des bases bibliométriques (notamment facteur h). Cette vision statistique de
l’évaluation ne peut pas rendre compte de la réalité de la recherche : elle ne porte pas sur les
contenus, elle est entachée de nombreux biais disciplinaires, linguistiques et économiques. Elle ne
sait pas tenir compte des recherches émergentes ou orphelines, qui déterminent pourtant le potentiel
d’innovation d’un pays.
La réunion extraordinaire affirme son attachement à la collégialité des débats du CoNRS,
impliquant l’ensemble des représentants des collèges A, B et C. Elle dénonce l’augmentation du
nombre des personnels précaires, générés en particulier par les contrats ANR à court terme. Elle
prend acte de l’engagement ministériel pour les années 2010-2011 concernant un « gel de la
suppression des postes » défini comme le remplacement de tous les départs à la retraite. Elle
demande un plan pluriannuel d’emplois qui offre enfin des perspectives aux jeunes faisant fonction
de chercheurs et d’ITA. La réunion extraordinaire exprime son opposition aux chaires et demande
en lieu et place l’extension du système des délégations après examen du CoNRS en concertation
avec les universités.
Votée à la majorité des votes exprimés (Pour : 346 - Contre : 7 - Abstention : 6)