Accueil > Revue de presse > Les profs seraient-ils de mauvais fonctionnaires ? V. Soulé, Blog C’est (...)
Les profs seraient-ils de mauvais fonctionnaires ? V. Soulé, Blog C’est classe ! 8 mai 2010
samedi 8 mai 2010, par
Ni vu ni connu, une épreuve a été rajoutée aux concours enseignants. Son nom : "Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable". Une pétition, signée par 3661 professeurs, universitaires et étudiants, dénonce cette "épreuve d’inquisition morale".
La nouveauté entrera en application en 2011. Elle a été introduite à la faveur de la réforme de la formation des enseignants, la très chaotique et très controversée "mastérisation" qui vient de connaître un nouveau rebondissement - avec le boycott, le 6 mai, par les syndicats d’une réunion du CSE ( Conseil supérieur de l’éducation). .
Les arrêtés réformant les concours ont été publiés le 6 janvier 2010 au Journal Officiel. On y découvre que dans le cadre de l’oral d’admission, le candidat sera désormais évalué sur la compétence "Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable". Sa prestation - la deuxième partie d’une épreuve - compte pour 6 point sur 20 au Capes, 4 points à l’agrégation. Un zéro est éliminatoire.
"Le candidat, détaille le JO, répond pendant dix minutes à une question à partir d’un document (puis suit un entretien de dix minutes avec le jury) . La question et le document portent sur les thématiques regroupées autour des connaissances, des capacités et des attitudes définies dans le point 3 sur les compétences professionnelles des maîtres de l’annexe de l’arrêté du 19 décembre 2006."
Vérification faite, "Agir en fonctionnaire de l’Etat et ... " y est défini de façon très large. Extraits :
"Tout professeur contribue à la formation sociale et civique des élèves. En tant qu’agent de l’Etat, il fait preuve de conscience professionnelle et suit des principes déontologiques : il respecte et fait respecter la personne de chaque élève ; il respecte et fait respecter la liberté d’opinion ; il est attentif à développer une attitude d’objectivité ; il connaît et fait respecter les principes de la laïcité", etc.
"Le professeur connaît, précise encore l’arrêté :
les valeurs de la République et les textes qui les fondent :liberté, égalité, fraternité ; laïcité ; refus de toutes les discriminations ; mixité ; égalité entre les hommes et les femmes ;
les institutions (Etat et collectivités territoriales) qui définissent et mettent en oeuvre la politique éducative de la nation ;
les grands principes du droit de la fonction publique et le code de l’éducation ;
le système éducatif, ses acteurs et les dispositifs spécifiques (éducation prioritaire, etc.)", etc.
Devant des thématiques aussi vastes, on voit assez mal ce que sera cette épreuve. En plus, une nouvelle incertitude vient de s’ajouter : à la réunion boycottée du CSE, le gouvernement voulait justement faire abroger cet arrêté. Mais les syndicats et les parents d’élèves FCPE s’y opposent : ils craignent qu’il n’y ait ainsi plus de cadre national définissant les compétences des profs, et que chaque académie en décide.
Pour les signataires de la pétition, la nouvelle épreuve n’a tout simplement pas lieu d’être. Un candidat aux concours a bien évidemment envie de devenir prof et de servir la fonction publique. Sinon, pourquoi après toutes ses années d’études, se présenterait-il ? Et quelle nécessité y a-t-il soudain à vérifier sa sincérité, voire sa loyauté ?
"Nous ne pouvons accepter qu’un certificat de bonne moralité - en vertu de quels principes, de quels critères ? - soit désormais requis pour accéder aux fonctions d’enseignant, écrit la pétition. Nous ne pouvons admettre qu’un jury puisse éliminer un candidat en supputant leur incompétence en matière d’éthique et de responsabilité ; nous ne pouvons comprendre comment pourrait être suspecté le désir d’être un enseignant compétent et dévoué".
"Enfin - conclut la pétition - cette disposition nous parait des plus dangereuses car elle suggère une volonté de contrôle des consciences, étrangère à notre tradition républicaine. Les concours de recrutement ne sauraient évaluer que les compétences disciplinaires et les aptitudes pédagogiques des candidats".
Lire la suite sur le blog de V. Soulé.