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Pour la suppression des programmes du primaire et du collège - par Sébastien Rome, le blog de Médiapart, 8 septembre 2010
jeudi 9 septembre 2010, par
Cela me paraît une évidence. Il faut purement et simplement supprimer les programmes du primaire et ceux du collège. Ils n’entrent dans nos réflexions que comme des textes à inlassablement modifier, refonder. Pourtant, ils sont une aberration, un archaïsme, de notre système scolaire.
J’ai eu le plaisir d’un (trop) court échange avec Antoine Prost. Il me faisait part de son scepticisme sur la situation actuelle de l’école et sur la capacité des hommes de sa génération à apporter de nouvelles réponses. « [Ses] idées auxquelles [il] adhère en matière d’enseignement datent, m’écrivait-il, d’il y a plus d’un demi-siècle : ce sont, pour faire vite, celles des classes nouvelles de la Libération ». Elles ne répondraient plus aux défis de l’école du XXI siècle.
Je ne partage pas cette vision. Au contraire, il me semble que les idées nées des « classes nouvelles de la Libération » ont encore une force qui peut entraîner notre imagination et, malgré le fait qu’elles aient guidé la plupart des réformes jusqu’aux années 90, elles n’ont pas été totalement appliquées.
L’une d’elles avait pour but de repousser l’âge de la scolarité obligatoire et de permettre à tous les élèves d’avoir un même enseignement jusqu’à l’âge de 16 ans. La lente instauration du collège unique est l’emblème de cette réforme. (Sur ce sujet lire le court résumé très bien fait sur le site de la documentation française). Le but était de démocratiser un enseignement jusqu’alors coupé en deux : d’un côté, l’école pour le peuple formant les individus pour des places dans la société propres à être tenues par « les petites gens » et, de l’autre côté, l’école de l’oligarchie formant les élites ; L’école des hussards et « le petit lycée » ; L’école publique gratuite pour tous et l’école publique payante pour quelques uns. Ce n’est donc qu’en 1975, avec la réforme Haby, que tous les élèves feront un parcours (quasi-) similaire de la maternelle à la fin du collège. Difficilement, l’égalité pour tous avait été conquise.
Mais rapidement les critiques se sont élevées. Les limites de la démocratisation avaient-elles été atteintes (« le niveau baisse ») ? A comparer les résultats de tous les petits français avant et après la démocratisation, le profit est indéniable comme dans tous les pays où il y a eu cette démocratisation (cf. Eric Maurin). Toutefois, la « qualité de vie dans les établissements [...] ne convient pas toujours aux professeurs et aux élèves, notamment à cause du développement des incivilités ». Il y a notamment incompréhension entre enseignants, parents et élèves sur un point essentiel : le collège doit accueillir tous les élèves et doit, en même temps, préparer « une partie d’entre eux à des études longues » (La documentation française) . Les uns et les autres attendent des comportements ou des résultats qui ne sont pas toujours au rendez-vous. Il est donc convenu de dire que le collège est le problème central de notre système scolaire très inégalitaire.
Mais le point souvent passé sous silence dans les débats médiatiques sur l’école, qui me semble pourtant bien plus central et problématique, est la césure au sein même de l’enseignement obligatoire : entre d’un côté l’école primaire et de l’autre le collège. D’un côté l’école héritière de l’école du peuple et de l’autre du petit lycée. Le statut différent entre les instituteurs et les professeurs incarne particulièrement bien cette césure. Leur formation et leur vision du métier est différente. Au sein même de la FSU, sur un sujet tel que la récente réforme de la formation, cette fracture est ressortie de manière abrupte paralysant le syndicat majoritaire. On peut même dire que cette séparation distingue à peu près les camps surfaits « des pédagogues » et « des républicains ». Si l’unification des écoles a été faite pour les élèves, elle n’a pas été réalisée pour les enseignants et ce sont les élèves qui en pâtissent. La reproduction sociale passe en « sous-main ».
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