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Alain Trautmann dénonce le défaut de transparence de l’ANR - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 22 septembre 2010
mercredi 22 septembre 2010, par
Alain Trautmann, fondateur et ex-porte parole du mouvement Sauvons la Recherche, dénonce dans cette interview accordée à Sciences2 « l’opacité et l’arbitraire » du fonctionnement de l’Agence nationale de la recherche. En particulier son refus de communiquer aux scientifiques dont les projets sont refusés les avis d’experts sur lesquels ces comités se sont appuyés pour prendre leurs décisions de financement ou de non financement.
Alain Trautmann, biologiste, directeur du département Immunologie et hématologie de l’Institut Cochin, vient de recevoir la médaille d’argent du Cnrs. [lire son refus de recevoir la prime financière désormais attachée à la médaille d’argent sur instruction du ministère]. Il est depuis juillet membre élu du Conseil Scientifique du Cnrs. Cet été se sont, en effet tenues les élections au conseil scientifique du Cnrs et à ceux de ses Instituts (résultats ici). Alain Trautmann, qui s’était présenté sur une démarche personnelle et non dans un cadre syndical, est de très loin le mieux élus par ses pairs (Directeurs de recherche et assimilés) avec 1006 voix sur 2074 votants. Les deux autres élus au Conseil scientifique dans le collège des Directeurs de recherche sont le chimiste Bruno Chaudret, membre de l’Académie des sciences, et Renée Ventura-Clapier, (laboratoire de pharmacie Inserm/Université d’Orsay) tous deux présentés par le SNCS-FSU. Par ailleurs, de manière générale, les candidats proposés par le SNCS et le SneSup FSU ont fait un tabac, avec 81 élus sur 97 postes dans les collèges chercheurs et enseignants-chercheurs. Un résultat paradoxalement amplifié par le mode de scrutin... conçu pour diminuer l’influence syndicale dans les conseils scientifiques.
Les transformations du système de recherche voulues par le gouvernement se traduisent en particulier par un mode de financement de plus en plus fondé sur des appels d’offres de l’ANR (lire son rapport d’activité 2009) ou de Fondations. Quel regard portez vous sur cette évolution ?
Alain Trautmann : La politique de financement de la recherche est progressivement enlevée aux organismes de recherche comme le CNRS, pour être assurée par un ensemble de structures (ANR, ANRS pour la recherche sur le sida, INCA pour la recherche sur le cancer, fondation Alzheimer, etc...), pour financer des projets ayant les caractéristiques suivantes. Ils sont à court terme, 2-3 ans, ce qui décourage les recherches nécessitant un long investissement. Une part croissante des recherches devant avoir une application envisageable, les recherches les plus fondamentales deviennent difficiles à financer. Les choix des domaines à financer échappent à la communauté scientifique et à ses instances élues, pour être aux mains de petits groupes de pression capables d’emporter l’accord du gouvernement. Les comités d’évaluation jouent la prudence et préfèrent accorder des financements à des projets peu risqués, à la mode, présentés par des chercheurs connus ayant une excellente liste de publications, sans se soucier du fait que ces équipes peuvent être déjà largement financées. Les projets risqués étaient bien mieux financés lorsque les organismes comme le CNRS attribuaient un financement de base important, sur la base de contrats quadriennaux avec les laboratoires.
Les évaluations effectuées par les comités ad hoc se font avec un manque de transparence préoccupant. À l’ANR, environ 4 projets sur 5 sont refusés (un peu moins de refus si la recherche est ciblée sur les créneaux gouvernementaux, un peu plus si elle est libre, correspondant aux "appels blancs"). La justification du rejet d’un projet est en générale très brève, le postulant encouragé à resoumettre un projet ultérieurement, mais sans analyse précise susceptible d’améliorer son projet.
Même dans des conclusions succinctes, on a parfois des signes nets d’incompétence du comité ou d’un expert. En effet, être dans les bons réseaux, membre de l’Académie des Sciences par exemple, peut suffire pour "être expert" et exercer un pouvoir dans ces comités - voire d’y régler des comptes -, sans légitimité scientifique universelle. En contradiction flagrante avec l’article 5 de la charte nationale de l’expertise de 2010, qui fait obligation à tous les opérateurs de recherche de rendre accessibles les rapports d’expertise, l’ANR refuse ainsi de donner les siens avec l’argument suivant : "nous ne transmettons pas les expertises externes, elles ne servent que d’outils à la discussion du comité d’évaluation."
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