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Une majorité de chercheurs refusent les primes - Yannick Comenge, blog de Médiapart, 21 septembre 2010
mercredi 22 septembre 2010, par
Une idée saugrenue a traversé récemment l’esprit d’une ministre. Donner des « primes d’excellence scientifique » aux chercheurs « les plus méritants » les ayant demandées dans des conditions d’attribution opaques. Ceci a provoqué une véritable bronca dans le monde universitaire.
Plus de 500 chercheurs ont refusé les primes officiellement. D’emblée les scientifiques les plus gradés comme les plus précaires ont eu un moment de révulsion intense à l’idée qu’on pourrait avoir une forme de prime à la découverte laissée égoïstement à un seul et à sa demande. Sans vouloir refuser tout mérite personnel dans le cadre de recherche, le monde de la recherche s’est ému de cette nouvelle mesure « infantilisante ». Ils sont désormais plusieurs centaines à avoir laissé leur nom sur le site de Sauvons la recherche (INRA, CNRS, CEMAGREF), soutenant une lettre de refus explicative de leur geste écœuré. Avec un certain humour, ils proposent d’ailleurs le retrait de cette prime qui ne concernerait que 2000 personnes sur 11000 salariés pour le CNRS et préfèrent au lieu d’un culte individualiste voir des grilles de salaires être revues à la hausse ainsi que les modes de recrutement.
Les primes pour faire oublier les précaires. On connaît peu d’ailleurs la récente étude menée par des sociologues sur les précaires de la recherche. Ainsi, plus de 5000 chercheurs avaient répondu à une enquête constituée d’un questionnaire anonyme, très détaillé et permettant de donner un commentaire personnel à leur vie de travailleur pauvre de la recherche et de l’université. Un panel très important sur les 49000 contractuels précaires qui sont embauchés dans les institutions de la recherche et construisent chaque jour les CV rutilants de « bêtes à concours »…
Les sociologues, Isabelle Clair, Annick Kieffer, Charles-Antoine Arnaud, Christine Roland Levy ont ainsi laissé du champ à ceux qui vivaient la précarité : « Restituant les trajectoires individuelles, elle (l’étude) permet de saisir la réalité de la précarité pour les personnes qu’elle concerne directement : aussi bien dans ses modalités objectives (contrats indignes, rémunérations irrégulières et souvent basses, vulnérabilité à l’égard des supérieur.e.s hiérarchiques, morcellement du travail) que subjectives (sentiment de ne pas être considéré.e pour le travail effectué, difficultés à se projeter dans l’avenir). Cette enquête repose sur la définition par les personnes elles-mêmes de ce qu’est la précarité ». Ainsi, pour la première fois, les soutiers de l’université avait une parole et pouvait se compter.
Les trajectoires de vie brisées de l’université. On rappellera le sort de ces CDD débutant en septembre et s’évanouissant en juin chaque année… un renouvellement en masse dans les halls d’université au 2 septembre de chaque année… Les concernés découvrant d’ailleurs dans leur contrat fait à la va-vite qu’ils ne dépendaient pas d’un seul laboratoire mais de plusieurs. Joël concerné par ce statut malgré son post-doc et son expérience accepte cela avec une forme de fatalité… « Les congés payés c’est pour les autres » s’exclame-t-il avec un regard ironique.
Une autre avoue ne pas avoir le choix que de dépendre de cet ordre mal ficelé de l’administration universitaire, avec un enfant à charge et pas de mari… il lui serait même impossible de faire valoir une ancienneté. Pourtant ces petites mains font tourner l’excellence universitaire avance-t-elle avec un sourire entendu.
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