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Luc Chatel : « On pourrait envisager des masters enseignants en alternance », La Croix, 18 octobre 2010
mardi 19 octobre 2010, par
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De nombreux professeurs ont fait cette année leur rentrée sans formation pratique. Luc Chatel promet pour novembre un premier bilan de la réforme
La Croix . Nombre d’enseignants disent cette année effectuer leurs premiers pas dans un contexte très difficile, lié à la réforme de leur formation. Partagez-vous ce constat ?
Luc Chatel : L’arrivée dans un univers professionnel nouveau constitue toujours un moment délicat, chargé d’émotion. Et le métier d’enseignant est complexe car il exige à la fois maîtrise des fondamentaux et pédagogie. Il est d’autant plus difficile que la société fait reposer tous ses maux sur les professeurs, souvent trop isolés. Cela étant, au 1er octobre, on comptait chez les nouveaux enseignants 80 démissions contre une centaine l’an dernier à la même date. Les motifs invoqués restaient les mêmes : essentiellement refus d’une affectation loin du domicile ou embauche par un autre employeur.
Qu’avez-vous cependant à dire à ceux qui, parmi les jeunes professeurs, souffrent le plus ?
Nous avons voulu relever le niveau de formation initiale pour recruter les meilleurs disciplinaires, des professeurs qui ont déjà été confrontés au travail de recherche – ce qui pourra nourrir leur travail pédagogique – et qui bénéficieront d’une formation pratique devant élèves. C’est un message de confiance. En même temps, il faut renforcer l’accompagnement des enseignants tout au long de leur carrière. D’où un pacte de carrière qui prévoit un droit individuel à la formation ou encore des entretiens pour faire le point sur les perspectives d’évolution.
De même, en cette année de transition, nous avons lancé dans chaque académie des stages d’accueil, de deux à quatre jours, fin août, pour les professeurs stagiaires. Nous avons créé pour eux des formations à la tenue de classe. Nous avons aussi mis en place un tutorat. Dans le primaire, les enseignants sont accompagnés jusqu’à la Toussaint. Et dans le secondaire, nous avons, à quelques exceptions près, trouvé un tuteur pour chaque stagiaire.
Certains de ces tuteurs ne sont eux-mêmes titulaires que depuis un an ou deux…
Cela peut arriver. Ce que l’on a voulu, en tout cas, c’est prendre des professeurs titulaires, qui connaissent et aiment leur métier et qui ont envie d’aider un jeune collègue à s’insérer. Je dresserai en novembre un premier bilan avec les syndicats. Je suis prêt à apporter des améliorations au système. On pourrait par exemple envisager des masters en alternance permettant très en amont une mise en contact avec les élèves.
L’enseignante qui tient pour La Croix un journal de bord débute sa carrière comme titulaire sur une zone de remplacement. À son arrivée au collège, on la nomme professeur principal. Est-ce normal ?
Je ne peux pas me prononcer sur ce cas précis. Mais la vraie question qu’il soulève, c’est celle de l’organisation, archaïque à mes yeux, du mouvement des professeurs. Les moins expérimentés sont affectés dans les établissements les plus difficiles, tandis que les postes les moins exposés sont souvent occupés à titre définitif par les anciens, qui ont accumulé le nombre de points suffisants pour obtenir l’affectation souhaitée et ne veulent plus bouger.
Je souhaite faire évoluer ce système. C’est le sens de l’expérimentation du dispositif Clair, qui permet aux principaux et proviseurs de 105 établissements cumulant les handicaps (population défavorisée, échec scolaire et parfois violence) de recruter les enseignants de leur choix.
Un professeur expérimenté qui irait dans l’un de ces établissements empocherait environ 1 000 € de plus par an. De quoi convaincre un agrégé qui gagne 3 000 € par mois ?
C’est sûrement insuffisant. Mais un dispositif comme celui-là était inenvisageable il y a encore quatre ou cinq ans. Ce qui est nouveau, c’est d’avoir des enseignants qui viennent dans un établissement pour mettre en place un projet pédagogique précis et qui s’engagent à y rester au moins cinq ans. Leur engagement sera bien sûr valorisé et ils seront accompagnés.
Le nombre d’étudiants en masters spécialisés dans l’éducation, ainsi que celui des inscrits aux concours de l’enseignement, sont cette année bien en deçà des prévisions (La Croix du 13 septembre). Faut-il s’en inquiéter ?
C’est un indicateur à surveiller. N’oublions pas que nous vivons une année de transition. Et que l’éducation nationale n’est pas la seule à recruter au niveau master. Notre défi consiste à rendre le métier d’enseignant de nouveau attractif, tant du point de vue de la rémunération – 196 millions d’euros ont été consacrés cette année à la revalorisation des salaires – que de la place du professeur dans la société.
Recueilli par Denis PEIRON
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NB SLU :
Quelques commentaires et interrogations que tout cela suscite : quel va être l’avenir du dispositif de la masterisation ?
Avec les multiples dysfonctionnements en cours, que nous avions prévus, on peut se demander si on ne voit pas poindre ici et là l’idée d’un aménagement de la masterisation. Il est toujours possible de faire bien pire. Laurent Hénart, député et rapporteur du budget de l’enseignement supérieur (sur France inter le mardi 28 septembre 2010), indiquait à propos de la masterisation qu’il soutenait à la fois la hausse du niveau de qualification pour les concours au niveau master, mais aussi qu’il aurait fallu développer les masters en alternance. Or, le dispositif du master en alternance avec statut d’apprentissage a été introduit juridiquement dans la circulaire sur les stages publiée au BO du 22 juillet (voir ici). Extraits :
III - Masters en alternance
À titre expérimental, les établissements d’enseignement supérieur pourront proposer, dans le cadre de conventions avec les académies, des masters en alternance. Cette modalité pourra notamment être mise en œuvre pour les assistants d’éducation recrutés par les EPLE sur la base du décret n° 2003-484 du 6 juin 2003 et chargés des fonctions d’assistants pédagogiques. Les académies associées à une telle expérimentation réserveront des emplois d’assistants d’éducation à cet effet. Outre les fonctions qui sont actuellement confiées aux AED-AP par la circulaire n° 2006-065 du 5 avril 2006 modifiée, les assistants pédagogiques préparant un master en alternance assureront, en appui aux personnels enseignants, le soutien et l’accompagnement pédagogique auprès de classes entières.
Va-t-on aller vers une nouvelle ramification dans les maquettes de master ?
La supposée formation professionnelle serait intégrée aux masters, alibi pour placer les lauréats des concours a plein temps en année de stage ? Les critiques pointent que ce serait un succédané de formation professionnelle, plutôt un "apprentissage sur le tas". Ces stages permettront en fait de répondre aux besoins de remplacement des rectorats et ne correspondent a aucun plan national ou cahier des charges de formation des enseignants. En outre, il y aurait éviction de la part « recherche », aussi petite fût-elle de ces masters par alternance. Le seul élément de recherche serait une note ou un simple rapport de stage, comme dans un master professionnel. Quant aux concours, le temps réservé a leur préparation ne peut être que très limite dans ce dispositif ; ces masters par alternance sont une voie royale pour preparer le recrutement de diplôme ayant eu un contact à défaut de réelle formation professionnelle avec le terrain,avec un statut de simples contractuels ou vacataires.
D’ailleurs la circulaire sur les remplacements parues au BOEN le 14 octobre 2010 stipule bien que « dans le cadre de la réforme du recrutement des personnels enseignants et la mise en place des nouveaux masters, le partenariat mis en place avec les universités constitue un moyen privilégié pour disposer d’informations actualisées et régulières sur les étudiants diplômés pouvant être recrutés en tant qu’agents non titulaires. En tout état de cause, le vivier de non-titulaires constitué peut être fidélisé grâce à un accompagnement en termes de formation et de suivi. »
Il s agit bien de mettre en place un dispositif de recrutement contractuel des diplômes en fonction de leur usage comme moyen de remplacement au cours de leurs études.
Financièrement ces masters en alternance sont aussi une bonne opération pour le MESR : il sera déchargé du financement d’éventuelles bourses, la région finançant l’apprentissage.