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"CNRS : questions sur la réforme"
par Jade Lindgaard, "Médiapart"
jeudi 22 mai 2008, par
Après la loi sur l’université (LRU) votée l’été dernier, c’est le nouveau grand chantier de réforme de la ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse : la refonte des organismes publics de recherche, les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).
Alors que l’Inserm <http://www.mediapart.fr/journal/france/270308/reforme-de-la-recherche-medicale-une-privatisation-rampante-de-l-inserm> a déjà enclenché sa restructuration, c’est au tour du CNRS d’amorcer sa transformation. Jeudi 22 mai, le conseil d’administration du CNRS se réunit pour étudier l’état d’avancement du plan stratégique de l’organisme qui devrait être validé d’ici un mois, lors d’un nouveau conseil d’administration, le 19 juin.
Annoncée depuis plusieurs mois déjà, cette réforme du CNRS suscite la vive inquiétude des syndicats, de l’association Sauvons la recherche <http://www.sauvonslarecherche.fr/article1772.html> , et d’une partie des chercheurs. Dans l’ensemble, ils craignent un affaiblissement, voire un démantèlement du CNRS, acteur central de la recherche publique hexagonale depuis sa création, en 1939.
Valérie Pécresse s’en défend. Mais son annonce dans Le Monde du 21 mai de la réorganisation du CNRS en six grands instituts, correspondant aux « six domaines où le CNRS exerce un leadership », a ravivé les craintes de ceux qui prédisent que les réformes en cours se traduiront par une reprise en main de la recherche publique par l’autorité politique.
Pour Annick Kieffer, du syndicat SNTRS-CGT : « qu’un ministre se prononce sur le sort du CNRS avant même la tenue du conseil d’administration du CNRS, c’est du jamais vu ! Quelle est l’autonomie du CNRS quand tout a déjà été décidé par la ministre ? ». Les sciences de l’information devraient désormais être pilotées par l’Inria et les laboratoires environnement et développement durable se partager entre l’Inra et le Cea.
Série d’interrogations
Le compte-à-rebours de la réforme du CNRS ouvre une série d’interrogations :
1) A quoi servent les instituts ?
Le CNRS est aujourd’hui organisé en départements thématiques, eux-mêmes divisés en disciplines, représentées chacune par une direction de section, chargée d’évaluer les laboratoires et d’élaborer des prospectives scientifiques. Il doit être réorganisé en instituts, structures théoriquement plus autonomes du politique.
Nombreuses sont les questions soulevées : Quelle articulation entre les instituts ? Quelle coordination avec l’ANR ? Que devient l’interdisciplinarité du CNRS ? La ministre la défend en se réclamant redevable d’une « exigence de coordination et de solidarité ». Mais certains laboratoires, en contradiction avec leurs pratiques de recherche, se sont déjà vus sommés de choisir l’institut thématique dont ils dépenderont. Même si nulle voix officielle ne le formule ainsi, la création des instituts rend possible à terme la segmentation du CNRS.
2) A quoi sert encore le CNRS ?
La formulation est brutale mais la question -et son corollaire implicite, une réponse négative- hante depuis plusieurs années de nombreux rapports publics. Dans les faits, le CNRS est pris dans un étau, entre la réduction de ses crédits d’intervention scientifique, qui mine son pilotage à long terme de programmes de recherche, et la création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement (Aeres) qui assure désormais l’évaluation des recherches.
3) Que deviennent les sciences de la vie ?
Des rumeurs insistantes donnaient depuis des semaines les sciences de la vie sortantes du CNRS. C’est désormais confirmé par la ministre puisqu’elles ne figurent pas dans la liste des instituts annoncés. Mais leur pilotage annoncé par l’Inserm inquiète Alain Trautmann <http://www.sauvonslarecherche.fr/article1854.html> , le fondateur de Sauvons la recherche, qui craint une réduction de leur périmètre au seul champ médical. Les sciences du vivant représentent 23% des effectifs du CNRS.
4) Et les sciences humaines et sociales ?
En réunion avec des représentants syndicaux en mars dernier, Catherine Bréchignac, présidente du CNRS, a évoqué le retrait ou la réduction des moyens accordés à la philosophie, au droit, à l’économie et à la sociologie, rapporte Annick Kieffer. Depuis, Valérie Pécresse a rassuré ls chercheurs en incluant les sciences humaines et sociales dans sa liste de six instituts. Mais d’une déclaration à l’autre, les contradictions abondent.
Dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes de 2008 sur le CNRS, la ministre de la recherche explique qu’ « il est vraisemblable que le positionnement du CNRS sera variable selon le champ disciplinaire [...], le CNRS aurait toute sa place dans des secteurs nécessitant une importante concentration de moyens [...]. Dans d’autres disciplines (sciences humaines et sociales par exemple), le rôle de l’université serait renforcé, le CNRS accompagnant le dispositif davantage dans une logique d’agence de moyens. »
Si les sciences humaines et sociales restent dans le giron du CNRS, quel en sera le découpage ? Toutes les disciplines y figureront-elles ? Avec quels moyens ?