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La « fac Pasqua » épinglée pour mauvaise gestion - David Servenay, Rue89, 22 octobre 2010
lundi 25 octobre 2010, par
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La lecture des rapports de la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France est souvent instructive. Celui consacré à la « fac Pasqua », rendu public il y a quelques jours, l’est particulièrement. Il porte sur les exercices comptables 2004 à 2009.
Tout d’abord, souligne le rapport des magistrats financiers, l’association Léonard de Vinci, représentée par Charles Pasqua, « a fonctionné grâce à l’aide massive des fonds publics ». Mais comme elle a le statut « d’organisme privé », elle n’a jamais subi la rigueur du contrôle des finances publiques. Et visiblement, cette ambiguïté a suscité quelques appétits chez les cadres, tout comme chez les enseignants de cette université créée en 1991. Revue de dérapages.
Coût des étudiants (p. 13)
Partant de l’analyse des comptes de la « fac Pasqua », les magistrats relèvent un exercice 2007-2008 où les étudiants (pas si nombreux) ont coûté très cher :
« Compte tenu du nombre des étudiants des établissements de l’association (2 106 étudiants), les dépenses se sont donc montées à 11 434 euros par étudiant, alors même que l’association n’a pas à sa charge la totalité des dépenses de la structure, les dépenses d’investissement étant payées par le département. »
Dès l’exercice suivant, le coût par étudiant redescend sous la barre des 10 000 euros. Et de comparer au coût d’un étudiant de l’école de commerce installée sur le même site (6 600 euros) ou d’autres grandes écoles de commerce dont les coûts s’échelonnent de 8 200 à 9 300 euros par étudiant.
Rémunérations des enseignants et cadres dirigeants (p. 19)
Lors de ce même exercice 2007, les salaires du top management de la fac ont explosé à des niveaux rarement atteints pour un tel établissement. De quoi rendre jaloux bien des profs :
« Il résulte, en effet, du bilan social 2007 que la moyenne, en équivalent temps plein, des dix salaires d’enseignants les plus élevés était de 96 612 euros et celle des dix salaires administratifs les plus élevés de 95 918 euros. En 2008, ces chiffres ont été respectivement de 82 639 euros et 100 708 euros. Ils ne tiennent pas compte des éventuelles rémunérations accessoires. »
Et d’ajouter le salaire du directeur général (165 000 euros par an + une prime variable décidée par le conseil d’administration « de manière discrétionnaire ») et de son adjoint (110 000 euros). Comme chez les stars du CAC 40, le DG avait aussi droit à un golden parachute, en cas de rupture de contrat, équivalent à « dix-huit mois de rémunération mensuelle brute ».
Départ d’un ancien directeur général (p. 21)
La suite n’est pas à l’avantage de l’institution. Elle confirme les mœurs très libérales en vigueur du côté de la Défense, le quartier d’affaires où sont situés les locaux de la fac. De 2006 à 2008, l’université des affaires a un directeur général à temps partiel, lui aussi fort bien payé (9 384 euros brut).
En juillet 2008, il est licencié pour « insuffisance professionnelle ». Puis les deux parties se mettent d’accord pour un « accord transactionnel » où « l’insuffisant » est très largement indemnisé :
« Compte tenu d’un versement de 4 221,72 euros au titre des primes telles que le 13e mois, l’intéressé, salarié à temps partiel (75%), a perçu, lors de son départ, une rémunération de 165 490,59 euros, alors que l’association n’était pas satisfaite de ses services. »
Idem pour le cas du « doyen du pôle », universitaire spécialiste de physique nucléaire, embauché en 2002 comme chargé de mission qui assure les RP de la fac et « anime la politique de recherche ». La suite de l’histoire est racontée par les magistrats financiers :
« Ce salarié a été licencié, le 23 mars 2005, par l’association, qui a invoqué, à cette fin, une faute grave. Dans sa réponse à l’extrait des observations provisoires de la chambre qui lui a été communiqué, il a soutenu que les fautes relevées par l’association à son encontre n’étaient pas sérieuses, ce qui l’avait conduit à négocier avec son employeur “avec détermination”.
D’où, pour éviter que le litige soit porté devant la justice, la conclusion d’un accord transactionnel signé le 4 mai 2005. Celui-ci prévoit le versement à l’intéressé de 21 623,07 euros, représentant “son solde de tout compte”, et 369 769 euros bruts à titre de dommage, soit une somme de 391 401,07 euros. »
Presque 400 000 euros de dommages pour trois ans de travail : là aussi, on est loin des standards de l’enseignement supérieur ordinaire.
Rémunérations du conseil pédagogique (p. 27)
La fin du rapport de la chambre régionale des comptes s’attarde sur les menus avantages procurés aux amis et salariés de la « fac Pasqua ». Dans l’ordre :
Des réunions du conseil scientifique et pédagogique (trois par an) où chaque membre est payé sur la base d’une indemnité de 1 270,41 euros la demi-journée (2 540,82 euros pour le président). Soit un total de 49 545,98 euros.
Des frais de réception stupéfiants qui, pour 2007-2008, atteignent, avec les frais de déplacements et de missions, la modique somme de 440 462 euros.
Des notes astronomiques dans les « restaurants du voisinage », où la « dépense pour un repas avec un seul invité dépasse parfois ce niveau lorsque c’est » le président ou un dirigeant qui invite (206 euros le 6 décembre 2007, 383 euros le 29 février 2008, 223,60 euros le 15 avril 2008, 403 euros le 23 juillet 2008, 405 euros le 26 juillet 2008, 309 euros le 8 janvier 2008 et jusqu’à 678 euros le 19 décembre 2007).
En conclusion, les magistrats financiers n’ont qu’une phrase pour résumer leur amertume, sous la forme d’un bel euphémisme qui réjouira les habitants des Hauts-de-Seine, puisque c’est la collectivité qui finance tout cela :
« Il résulte de l’ensemble de ces constatations que l’association n’accorde pas une place suffisante au souci d’économie, qui, eu égard à l’origine publique des fonds dont elle vit, devrait inspirer sa démarche dans les divers domaines de dépenses auxquels elle a à faire face. »