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Le Sénat vote une rallonge de 4 millions d’euros pour l’école privée - Louise Fessard, Mediapart, 9 décembre 2010
jeudi 9 décembre 2010, par
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Les sénateurs approuvent les suppressions de postes dans l’éducation nationale... tant qu’elles n’affectent pas trop l’enseignement privé. Le 30 novembre, lors du vote du budget 2011 de l’éducation, les sénateurs ont adopté un amendement qui transfère 4 millions d’euros de l’école publique à l’enseignement privé sous contrat.
A la rentrée prochaine, sur 16.000 suppressions de postes dans l’ensemble de l’éducation nationale, 1.633 seront supprimés dans le privé. Une charge « disproportionnée » qui entraînera « des fermetures de classes, voire d’établissements, un peu partout », selon l’auteur de cet amendement, le sénateur UMP Jean-Claude Carle (Haute-Savoie). Au point de « mettre en péril l’aménagement du territoire français caractérisé par la présence harmonieuse d’établissements scolaires publics et privés », s’alarme le sénateur villiériste Philippe Darniche (Vendée).
A toutes fins utiles, Jean-Claude Carle lance au passage qu’il sait « que les lobbies œuvrent à cette occasion (des débats budgétaires, NDLR), mais cet amendement ne m’a pas non plus été dicté par l’un d’entre eux ». En 2009, le sénateur avait déjà été à l’origine de la loi du 28 septembre, qui oblige, dans certaines cas, les maires à financer la scolarité d’un élève de leur commune scolarisé dans le privé d’une autre ville.
Cette rallonge de 4 millions d’euros, ponctionnés sur la mission « soutien des politiques de l’éducation nationale » (un programme fourre-tout comprenant la conduite et l’évaluation des politiques, la logistique, et la gestion des ressources humaines), correspond à environ 250 postes supplémentaires pour l’enseignement privé. Pourtant de l’aveu même du président du groupe UMP, Gérard Longuet, opposé à cet amendement, « compte tenu de son poids réel, l’enseignement privé est proportionnellement moins sollicité ».
C’est mathématique : « En 2011, la diminution des effectifs dans l’enseignement privé représentera 11,9 % de la baisse totale, alors que ses effectifs représentent en moyenne 20 % des effectifs totaux de l’enseignement », a-t-il souligné.
L’enseignement privé, qui représente 20% des effectifs des élèves, aurait dû perdre 3.200 postes en 2011 (20% des 16.000 postes supprimés). Mais le gouvernement a pris en compte dans son calcul les spécificités de l’enseignement privé et enlevé seulement 1633 postes. « Certains postes n’existent pas dans l’enseignement privé, en particulier les enseignants en surnombre, les titulaires remplaçants, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED », a expliqué Luc Chatel devant le Sénat.
C’est une victoire pour l’enseignement catholique puisqu’en juin, son délégué général au secrétariat de l’enseignement catholique, Fernand Girard, s’attendait plutôt à 3000 suppressions de postes. « Nous allons être extrêmement vigilants, nous ne nous laisserons pas intimider et nous allons nous battre », avait-il alors mis en garde.
Des élèves refusés
Certains sénateurs UMP vont plus loin. En Vendée, par exemple, « tous les établissements privés ont dû refuser des élèves au motif qu’ils ne pouvaient pas les accueillir dans des conditions normales, avance le sénateur UMP Charles Revet (Seine-Maritime). Si ces établissements avaient pu ouvrir des postes, les chiffres seraient probablement différents ».
« Mais le problème est identique dans l’enseignement public, a rétorqué la sénatrice socialiste Françoise Cartron (Gironde). Des enfants de trois ans sont refusés dans les écoles maternelles, faute de places et de personnels ! » Ainsi que dans l’enseignement agricole où les suppressions de poste « empêchent aujourd’hui un certain nombre d’élèves d’intégrer ces établissements », ajoute le sénateur socialiste Jean-Luc Fichet (Finistère).
Le Comité national d’action laïque (Cnal) a dénoncé une démarche « proprement indécente et injuste (...) au moment où l’on contraint l’école de la République à des sacrifices destructeurs », tandis que Bruno Julliard, secrétaire national à l’éducation du PS, qualifiait le vote d’« hallucinant ». Le fin mot de l’histoire reviendra à la commission mixte paritaire qui se réunira le 13 décembre pour concilier les deux assemblées sur le projet de loi de finances 2011.
Il n’est pas sûr que le ministre de l’éducation nationale ait envie de voir se rouvrir la guerre scolaire dans un climat déjà très tendu dans le monde éducatif.