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L’université a besoin d’embaucher en CDI - Monique Canto-Sperber, Libération, 15 décembre 2010

jeudi 16 décembre 2010, par Laurence

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L’accès aux Responsabilités et compétences élargies (RCE, ou plus simplement loi d’autonomie) permet aujourd’hui aux établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche de mener une politique ambitieuse en matière scientifique et pédagogique. Incités à se développer, ils sont amenés, en particulier, à recruter des personnels plus nombreux afin d’assurer les fonctions nécessaires à la vie scientifique et académique : tâches d’encadrement administratif, mais aussi tâches nécessaires à l’entretien des laboratoires et centres de recherche ou à la vie d’un campus universitaire.

Les emplois de fonctionnaires étant aujourd’hui à nombre constant, les universités, grandes écoles et grands établissements n’ont d’autre choix que de recruter des personnels contractuels qui sont assimilés aux trois catégories (A, B, C) de la fonction publique, selon les tâches qui leur sont confiées. Malheureusement, les dispositions législatives qui permettent ces recrutements contraignent ces établissements à maintenir la plupart de leurs personnels dans une situation d’incertitude et dans certains cas de précarité.

En effet, la loi sur l’emploi contractuel dans la fonction publique (article 4 et article 6-2 de la loi du 11 janvier 1984) n’autorise à proposer à des personnels contractuels que des contrats à durée déterminée (dix mois), et seulement pour des emplois saisonniers ou à temps partiel. Or, la plupart des tâches sur lesquelles sont employés ces personnels, dans un établissement d’enseignement supérieur et de recherche correspondent à un besoin permanent et qui doivent être remplies par un employé travaillant à temps complet. En conséquence, les responsables d’établissement public n’ont d’autre choix que de faire comme si des emplois saisonniers pouvaient s’enchaîner sans interruption et se répéter chaque année, ce qui leur permet de proposer à leurs employés contractuels des contrats de dix mois, renouvelés à échéance, parfois plusieurs années de suite.

Le contrat à durée indéterminée, qui est dans le secteur privé le contrat de droit commun, n’existe quasiment pas dans le secteur public, - c’est seulement depuis juillet 2005, en raison de la transposition de la directive européenne 1999/70/CEE, que des personnels de catégorie A qui ont plus de six ans d’ancienneté peuvent prétendre à un CDI, mais non les personnels assimilés aux catégories B et C.

A l’heure où l’on se soucie de la précarité des emplois, ne faut-il pas se pencher sur les conditions de l’emploi précaire dans la fonction publique ? A l’heure où l’on demande aux universités d’être au sens plein les employeurs de leurs personnels, avec les responsabilités afférentes, à l’heure où on les incite à mener une politique de ressources humaines, ne faut-il leur donner les moyens de proposer à ces personnels des conditions d’emploi dignes de leur engagement au service de l’institution ?

Lors de sa prise de fonction il y a quelques semaines, le ministre de la Fonction publique annonçait un projet de loi sur la résorption progressive des situations précaires chez les employés de l’Etat. Avoir les moyens d’offrir un contrat à durée indéterminée, un CDI, sous certaines conditions, à leurs personnels permettrait aux établissements d’enseignement supérieur de reconnaître la contribution de leurs personnels contractuels et d’assumer pleinement leurs responsabilités d’employeur.

Une communauté universitaire ne peut se développer sans un engagement de tous : c’est là une condition de nature humaine qui a trait aussi à la vie des personnes, et elle est, dans une institution où l’on transmet des savoirs et où l’on mène des recherches, non moins nécessaire que les conditions matérielles. De nombreux responsables d’établissement public ont alerté le législateur sur l’impossibilité où ils se trouvaient face à des personnels qui ont fait preuve d’un dévouement sans faille, lorsqu’ils ne peuvent rien leur proposer d’autre qu’un emploi indéfiniment précaire, sans perspective de carrière. L’insécurité de l’emploi n’a jamais été une condition favorable où chacun peut donner le meilleur de lui-même en s’associant à un projet commun.