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Florence Lipsky, architecte : "Le territoire des campus est un corps malade, moralement et physiquement" - Le Monde, 27 décembre 2010
lundi 27 décembre 2010, par
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Florence Lipsky, architecte, enseignante à l’Ecole d’Architecture de la Ville et des territoires à Marne la Vallée, est la lauréate du prix de l’équerre d’argent 2005 pour la bibliothèque du campus de La Source à Orléans. Elle prépare à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) une thèse sur les campus.
Comment expliquez-vous l’engouement actuel pour les campus ?
C’est cyclique, même si le terme campus n’était pas mis en avant. Sans remonter aux années 1960 qui ont vu, en France, la multiplication de campus marqués par l’idéologie urbaine de l’époque, il faut se souvenir du programme Université 2000 (U2000) dans les années 1990, et plus récemment d’U3M (Université du troisième millénaire).
A chacune de ces étapes, on a réglé partiellement tel ou tel aspect du problème des universités françaises. Pour U2000, c’était le manque de locaux, la désertification des campus, mais aussi des investissements financiers. On peut considérer ce plan comme une réussite vérifiable car placée sous le signe de la construction, d’un réel effort architectural et urbain : à peu près partout en province des liaisons, surtout des tramways, ont été créées entre les villes et les campus. On peut dire que l’isolement universitaire est un problème réglé.
U3M misait sur l’amélioration du confort de vie, notamment sur les sites et le paysage des campus. Cela a moins bien marché : les campus sont grands et les aménager demande beaucoup d’argent, sans qu’on sache où cela peut s’arrêter. Et cela ne résolvait pas les problèmes liées à la vie même et qui conditionnent l’enseignement : manger (on est toujours soumis au monopole du Crous), boire, faire du sport…
Le plan campus du gouvernement peut-il résoudre ces problèmes ?
Le plan campus reprend au moins le problème la base ; dans la logique de l’autonomie des universités, celles-ci, qui étaient locataires, deviennent propriétaires. Sur ce schéma se greffe la notion d’excellence, conséquence du classement de Shanghai, la fameuse "ranking list", qui classe la France parmi les mauvais élèves.
Excellence, demande M. Sarkozy ? Soit, mais cela implique justement de meilleurs conditions de travail, donc des campus dignes de ce nom, même s’il est illusoire de nous imaginer rattraper les Etats-Unis, le Japon, ou certains campus chinois. Le classement de Shanghai ne s’en tient pas seulement à la qualité de l’enseignement, mais intègre des critères comme le "territoire" et les lieux d’enseignement.
Maintenant, quand le président nous dit qu’on a le temps pour soi lorsqu’on est propriétaire, cela me laisse dubitative. Le territoire des campus est un corps malade, et ses maux sont anciens. Il est malade moralement et physiquement. Or, dans la compétition actuelle, ces maux relèvent de l’urgence.
Moralement : c’est le groupe qui ne fonctionne plus. L’étudiant, comme son professeur, n’a pas le sentiment d’appartenir à "son" université. Quand Hillary Clinton quitte sa famille, raconte-t-elle, c’est pour trouver son université, une autre famille dont elle restera fière. Ce sentiment d’appartenance, en France, ne concerne que quelques établissements d’exception, comme Polytechnique.
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