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Education : le malaise des profs stagiaires reconnu dans un rapport du ministère - Marie Piquemal, Libération, 7 janvier 2011
vendredi 7 janvier 2011, par
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Si le dispositif de prise en charge des jeunes profs en primaire est « globalement positif », la situation est plus difficile dans le secondaire.
Les nouveaux profs, parachutés à la rentrée sans aucune formation dans les collèges et lycées, rencontrent « des difficultés ». Sans blague. Depuis la mise en place de la réforme de la formation des maîtres (la fameuse « masterisation » qui supprime les IUFM), les témoignages d’enseignants stagiaires désabusés et dépassés ne manquent pas. Mais cette fois, c’est un rapport de la direction générale des ressources humaines de l’Education nationale, publié sur le site du Café Pédagogique, et consultable en PDF ici, qui en dresse le constat.
S’appuyant sur deux questionnaires envoyés fin octobre à l’ensemble des académies, l’étude distingue la situation des profs stagiaires du premier degré et du second degré.
Au primaire
Le dispositif de prise en charge des jeunes profs en primaire est « globalement positif », conclut le rapport. Notamment grâce à un facteur conjoncturel : « le premier degré bénéficie cette année d’enseignants en surnuméraire », permettant d’accueillir les stagiaires dans de meilleures conditions.
« Durant les deux premiers mois de l’année scolaire, 66 signalements de stagiaires en difficulté ont été indiqués dans le 1er degré soit 0,9% des stagiaires », lit-on dans le rapport qui avertit quand même : « le nombre pourrait augmenter à partir du mois de novembre avec la prise de poste réelle devant élèves » - jusqu’aux vacances de Toussaint en effet, les stagiaires du premier degré faisaient classe avec leur prof tuteur.
Concernant les démissions et congés maladies, indicateurs de mal-être : à la date de l’enquête, 12 professeurs des écoles stagiaires avaient démissionné contre 44 démissions de stagiaires IUFM à la même époque l’année dernière. Et 3,1% des stagiaires ont pris un congé de maladie ordinaire en septembre 2010 (contre 5% en 2009).
Dans le secondaire
Le tableau est beaucoup moins rose dans les collèges et lycées. Avec la mise en place de la réforme, les 8.604 professeurs débutants du second degré se sont retrouvés dès la rentrée à plein temps et sans aucune formation pédagogique - l’année en alternance en Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) ayant été supprimée. Conclusion policée du rapport : « L’accueil, l’accompagnement et la formation des enseignants stagiaires du second degré s’est mis en place plus difficilement que dans le premier degré. »
Si le taux d’absence des jeunes profs n’est pas plus élevé que l’année dernière, « plusieurs académies font remonter certaines difficultés rencontrées par les stagiaires », pointe le rapport.
« Ils commencent à connaître, en octobre, un état de fatigue. Il leur semble difficile de concilier, dans l’urgence, l’organisation de leurs classes (préparation des cours, gestion de la classe) et leur formation. Les stagiaires estiment manquer de méthodes et du recul nécessaire pour effectuer leur travail et l’apprentissage de leur futur métier. »
139 stagiaires sans tuteur
L’un des sujets de crispation reste le tutorat. Sur le papier, la réforme prévoyait que chaque prof stagiaire soit encadré et guidé par un tuteur, enseignant expérimenté de préférence. En pratique, ce n’est pas simple. D’abord, les rectorats manquent de tuteurs d’abord. Beaucoup de profs en exercice, fermement opposés à la réforme, ont refusé de prendre ces responsabilités : « A la date de l’enquête, 139 stagiaires n’avaient pas encore de tuteurs dans 12 académies. » Il en manque 47 dans l’académie de Poitiers, 56 à Rennes et 18 à Créteil.
D’autres encore se retrouvent avec un tuteur pour plusieurs stagiaires. « Leur nombre demeure très faible (86 tuteurs soit 0,9% de l’ensemble des tuteurs) et concerne souvent des disciplines à faible diffusion. Une grande majorité d’entre eux n’encadrent pas plus de trois stagiaires », lit-on dans l’étude.
Quand bien même un stagiaire a un tuteur attitré, celui-ci n’a pas forcément beaucoup de temps à lui consacrer. Incompatibilité d’emploi du temps et même... établissements différents. « 23% des tuteurs ne sont pas dans l’établissement de leurs stagiaires. »
13,5% des stagiaires en éducation prioritaire
Lors de la rédaction de la réforme, il était dit clairement que serait évité « autant que faire se peut » d’envoyer les stagiaires dans les établissements difficiles et de les affecter dans plusieurs collèges. Or, l’étude révèle que 13,5% des stagiaires ont été affectés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire.
En outre, 394 jeunes profs, soit 4,5 % des stagiaires, sont affectés sur plusieurs établissements. Cinq académies se détachent avec une part relativement importante de stagiaires sur plusieurs établissements (Lyon, Grenoble, Paris, Rennes et Rouen).
« On a essayé d’éviter ces situations autant que possible mais on ne peut les empêcher partout. Il y a certaines académies où l’on ne peut pas faire autrement, et pour certaines disciplines, comme la musique, les professeurs sont rarement sur un seul établissement », explique Josette Théophile, directrice générale des ressources humaines au ministère de l’Education. Un autre rapport du même genre est prévu pour le printemps.
A lire aussi sur Libération.fr : le blog d’un jeune prof stagiaire.