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A Epinay-sur-Seine, des parents exaspérés par le non-remplacement des enseignants veulent saisir la Halde - Maryline Baumard, "Le Monde", 17 janvier 2011
lundi 17 janvier 2011, par
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A l’école Jean-Jaurès d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), il n’y a pas classe tous les jours. Depuis le début de l’année, ce groupe scolaire cumule 49 journées avec au moins une classe sans maître. En fait, l’école a connu 57 journées d’absence et seulement huit jours de remplacement. Non seulement les parents en ont assez, mais ils pressentent qu’ils sont victimes d’une discrimination territoriale.
Ils estiment qu’on donne moins à ceux qui ont moins et que les secteurs socialement défavorisés comptent moins de remplaçants que les autres. "Je connais beaucoup de gens en province, ou dans des départements autres que la Seine-Saint-Denis, qui ont de jeunes enfants, ils ne sont jamais dans notre situation", se fâche Mathieu Glayman, un parent d’élève.
Les parents vont déposer un recours pour discrimination territoriale auprès de la Halde. Ils travaillent à sa rédaction dans le bureau de la directrice de l’école Jaurès qu’ils occupent depuis le 11 janvier.
"L’école Jaurès est un cas emblématique, mais nous nous battons pour toutes les écoles de la ville. Il y a 276 classes en primaire sur Epinay et un volant de 24 remplaçants. Sachant qu’il y a déjà six congés maternité, deux congés longue maladie et deux congés maladie, il reste un potentiel de 10 remplaçants. Nous demandons qu’il soit plus important", plaident les parents par la voix de Mathieu Glayman, un militant FCPE. Cette semaine, la ville comptait 40 classes sans maître.
PLUS MAL LOTIS QU’AILLEURS ?
Le maire d’Epinay, le divers droite Hervé Chevreau, les soutient. L’an dernier, les élus communistes du conseil municipal avaient voté pour que l’éducation nationale adopte sur le secteur un autre mode de remplacement.
Sont-ils plus mal lotis qu’ailleurs ou bien seulement victimes de l’épidémie de grippe qui touche le pays ? Un rapport secret établi en octobre 2008 par le cabinet d’audit Roland Berger du temps où Xavier Darcos était ministre de l’éducation nationale, intitulé "Etude sur le dispositif de remplacement et de suppléance des enseignants du premier degré", explique les dessous du remplacement. Un inspecteur y confie comment "en période de pic, on a une gestion politique du dossier. On gère en priorité les écoles où les élus et les parents d’élève sont remuants. Une fois la crise passée, on démonte le cirque et on replante le chapiteau ailleurs", alors qu’un autre ajoute "notre priorité, c’est plutôt l’élémentaire par rapport à la maternelle".
De son côté, l’inspecteur d’académie, Daniel Auverlot, estime que l’école Jaurès et la Seine-Saint-Denis en général sont traités comme les autres territoires. "Pour mes 7 200 classes de Seine-Saint-Denis, je dispose de 700 remplaçants. Un potentiel de 10%, donc. Depuis le début janvier, j’ai 15% d’absents. Evidemment, ça ne passe pas", rappelle-t-il avant de préciser qu’à l’école Jaurès, un remplaçant supplémentaire pourrait être affecté après le retour dans les classes des stagiaires actuellement en formation.
SCOLARITÉ EN GRUYÈRE
Pour optimiser un peu plus le potentiel de remplaçants, les parents aimeraient que la circonscription voisine du Val-d’Oise puisse intervenir sur leur secteur. Chose qui n’est toujours pas possible, même si Luc Chatel avait annoncé la "possibilité de faire appel à des remplacements interacadémiques", dans un entretien au Parisien du 9 mars 2010. Il devait "assouplir le dispositif" et avait même décrété "la mobilisation générale". Un an après, les rigidités du système sont au mieux de leur forme et il n’est toujours pas question de faire travailler un remplaçant du secteur d’à côté.
Mère de deux élèves de Jaurès, Murielle Rumeniéras estime que le problème dans l’établissement est bien antérieur au pic de grippe. Depuis le début de l’année, elle n’en finit pas d’être confrontée à cette situation. "La situation dure depuis le début de l’année, même si effectivement, c’est pire maintenant. Cela fait deux semaines consécutives que mon fils de CM1, Evan, n’a pas classe. On avait une remplaçante mais elle est à son tour absente. Quant à mon dernier, Noëlick, en grande section, je croise les doigts, dans sa classe, ça va, mais dans l’autre grande section, ils n’ont plus cours non plus depuis quinze jours."
Lorsqu’elle les ramène à la maison, Murielle fait travailler ses fils. "Mais tous les parents ne le peuvent pas. Moi, je suis impliquée dans la vie de l’école, alors je sais où les enfants en sont." "Mais on n’est pas nombreux dans ce cas-là. Ici il y a beaucoup de parents qui ne parlent pas français ou ne savent pas lire", ajoute-t-elle.
Avec ses 250 enfants de 23 nationalités, l’école n’est pas favorisée. Comment, dans ces conditions, les enfants peuvent-ils acquérir une maîtrise de la langue et quelle image cette scolarité en gruyère leur donne-t-elle de l’école.
"Que voulez-vous que les parents comprennent ?, ajoute Mathieu Glayman. La directrice de l’école leur explique l’importance d’une scolarisation régulière, même en maternelle, tout au long de l’année. Et lorsqu’ils déposent leurs enfants le matin, on leur demande s’ils peuvent les remmener chez eux."