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Pourquoi avoir fondé Chercheurs sans frontières, Jean-François Bayart, Blog Mediapart, 8 mars 2011
mercredi 9 mars 2011, par
L’opinion se préoccupe de la liberté de la presse, de l’indépendance de la Justice. Elle est moins attentive à la défense de la liberté de la science, qu’elle tient pour acquise ou naturelle. Pourtant, le scandale du Mediator, en France, ou, en Grande-Bretagne, la démission de Sir Howard Davies, le directeur de la prestigieuse London School of Economics, à la suite de la révélation du financement de l’un de ses programmes par la Libye, nous rappellent que la science doit elle aussi savoir se protéger.
Cinq dangers la menacent, de nature différente.
1) Le plus évident d’entre eux est celui de la répression politique directe des chercheurs qui pensent mal dans des situations autoritaires ou totalitaires, voire dans certaines démocraties que polluent des législations liberticides ou des dispositions d’exception. La Chine, la Russie, l’Iran, Cuba, la plupart des pays subsahariens n’hésitent pas à enfermer leurs universitaires supposés dissidents ni à censurer leurs écrits. Mais c’est aussi dans une démocratie parlementaire, candidate à l’adhésion à l’Union européenne, la Turquie, qu’une sociologue, Pinar Selek, peut être accusée d’un attentat imaginaire, incarcérée, torturée, condamnée à la prison à vie, trois fois acquittée par les tribunaux, et néanmoins faire quatre fois l’objet d’un appel du parquet, désireux de mettre hors d’état de nuire une auteur qui s’intéresse de trop près à la question kurde et à l’institution militaire !
En France même, la police n’a jamais été chiche en matière de coopération avec ses homologues des régimes autoritaires nord-africains et subsahariens pour contrôler leurs étudiants fréquentant les universités de l’Hexagone. Les doctorants en sciences sociales ont été des « clients » tout désignés de cette collaboration, dès lors que ces derniers avaient des sujets de thèse de nature à déplaire à leurs autorités. On peut même s’interroger sur les conditions dans lesquelles le bureau de Béatrice Hibou, directrice de recherche au CNRS, dans les locaux de Sciences Po-CERI, au 56 de la rue Jacob, a été ostensiblement « visité » à plusieurs reprises alors qu’elle préparait son ouvrage sur l’économie politique de la répression en Tunisie et retenait toute l’attention des services de Ben Ali : il aura suffi d’une démarche du ministère des Affaires étrangères auprès de celui de l’Intérieur, à la demande du laboratoire, pour que ces agissements prennent fin, comme par enchantement...
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