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Absences des professeurs : des parents de Seine-Saint-Denis s’estiment discriminés - Jean-Philippe Chognot, "Le Monde", 13 mars 2011
dimanche 13 mars 2011, par
La Seine-Saint-Denis ne veut pas se laisser faire. Les parents en colère d’Epinay-sur-Seine repassent à l’offensive et vont saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) mardi 15 mars pour discrimination territoriale. Depuis le début de l’année, les vingt-huit écoles maternelles et primaires de la commune cumulent les absences non remplacées d’enseignants. Les plaignants s’estiment lésés du fait de leur situation géographique.
"Les enfants d’Epinay-sur-Seine ne reçoivent pas, de la part de l’éducation nationale, le même traitement que les autres enfants du territoire français, dénonce la fédération dans sa lettre adressée à Eric Molinié, président de la Halde. Nous avons le sentiment que nos enfants subissent une discrimination de la part de l’Etat." Les dernière statistiques ont montré que ce département produit beaucoup plus de sans diplômes et de sans qualifications que ses voisins.
La plainte risque de mettre la Haute autorité dans l’embarras. En effet, le territoire n’est pas un critère de discrimination au sens du code pénal. "Nous savons d’avance que la Halde ne pourra pas instruire notre dossier, anticipe Mathieu Glaymann, de la FCPE. Nous souhaitons simplement qu’elle émette des recommandations comme elle l’a fait dans d’autres dossiers." Suite à un recours similaire déposé par La Courneuve (Seine-Saint-Denis), elle avait préconisé en février 2010 d’"étudier l’opportunité et la recevabilité de la notion de discrimination territoriale".
UNE PROPOSITION DE LOI
Entre autres requêtes, la FCPE demande à l’autorité administrative d’"étudier et [de] comparer la situation des remplaçants du premier degré à Epinay-sur-Seine avec celles d’autres territoires". Mathieu Glaymann espère qu’une telle enquête "poussera le législateur à modifier la législation pour que la discrimination territoriale soit enfin reconnue". Une proposition de loi a déjà été déposée le 18 novembre 2010 par vingt députés communistes, du Front de gauche et divers gauche. Elle vise à ajouter le "lieu d’habitation ou de résidence" parmi les motifs de discrimination. Le texte n’a pas encore été examiné à l’assemblée nationale.
La fédération de parents d’élèves souhaite aussi que la Halde fasse "des recommandations au ministère de l’éducation nationale afin de corriger l’inégalité territoriale constatée" et qu’elle appuie "leur demande de résolution immédiate du problème de remplacement des enseignants". Depuis le début de l’année scolaire, dans les vingt-huit écoles de la commune, les parents d’élèves d’Epinay-sur-Seine ont recensé 630 journées d’absences non remplacées, soit une tous les quatre jours. "Nous nous basons sur les statistiques des établissements qui ont bien voulu nous répondre et sur les témoignages des parents d’élèves, détaille Mathieu Glaymann. L’inspecteur de la circonscription conteste nos chiffres mais, en interne, des gens de l’éducation nationale nous ont confirmé qu’ils étaient justes."
Selon la FCPE, plusieurs raisons expliquent ces absences massives. Tout d’abord, Epinay-sur-Seine est excentré à l’extrême-ouest de son département. Cela "entraîne régulièrement le désistement d’enseignants remplaçants sur des postes pourtant existants", estime le courrier. Par ailleurs, en Seine-Saint-Denis plus que dans d’autres départements, beaucoup d’instituteurs demandent de changer d’affectation dès leur première année. "Ils étaient 47 % en 2009, soit 8 % de plus que la moyenne nationale, indique Mathieu Glaymann. Nous n’avons pas le chiffre pour Epinay-sur-Seine mais nous soupçonnons qu’il est encore plus élevé."
CONTINGENT INSUFFISANT DE REMPLAÇANTS
Dans sa lettre à la Halde, la fédération précise qu’à Epinay, 84 % des absences d’enseignants du premier degré ne sont pas palliées. En cause, un contingent insuffisant de remplaçants. Les parents d’élèves n’en recensent que vingt-quatre, dont huit en congés de longue maladie ou de maternité. Ainsi, seulement seize remplaçants seraient actifs pour un total de 276 classes dans la commune. La fédération en réclame vingt-huit.
Les parents d’élèves d’Epinay-sur-Seine ont démarré leur lutte en début d’année. Ils occupent le bureau de la directrice de l’école maternelle Jean-Jaurès sud depuis le 11 janvier. Ponctuellement, ils ont occupé vingt écoles le 7 février puis seize le 7 mars. A l’appel de la FCPE de Saint-Denis et des syndicats enseignants, ils participeront à une journée "école morte" le 31 mars prochain pour protester contre les réductions d’effectifs. "A cette occasion, annonce Mathieu Glaymann, nous appelons tous les instituteurs du département à faire grève et tous les parents d’élèves à occuper, comme nous, les écoles."
Jean-Philippe Chognot