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Idex et labex : il faut refuser l’instrumentalisation des laboratoires. Étienne Boisserie, président de SLU ! L’Humanité, 01 avril 2011
dimanche 3 avril 2011, par
Le premier ministre et la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont rendu publique le 25 mars la liste des 100 labex (« laboratoires d’excellence ») ou projets de recherche et de formation, sur 241 soumis, qui recevront une partie des intérêts tirés du grand emprunt. Dans la foulée, une présélection de 7 idex (« initiatives d’excellence »), sur 17 soumis, a été dévoilée.
Les trois quarts des labex se concentrent sur la « biologie et la santé, l’énergie, l’environnement et les sciences de l’univers, les nanotechnologies et les sciences du numérique ». Leurs thématiques s’inscrivent dans les axes prioritaires de la stratégie nationale de recherche et d’innovation, pour 2009-2012. L’accent est ainsi mis sur une biologie réduite à la santé (un quart des labex) et des sciences « dures » restreintes à leurs dimensions les plus appliquées.
Dans cet affichage, la recherche fondamentale est à l’état de trace, alors qu’elle seule peut assurer la fécondité de la recherche, dans la durée, et la formation de futures générations de chercheurs. Le dernier quart revient aux « domaines » qui relevaient auparavant des sciences humaines et sociales (SHS), des arts, des lettres, des langues, de la linguistique, etc., mais qui n’apparaissent plus en tant que tels désormais. Les projets sont dominés par la recherche d’applications et d’impacts économiques. L’expertise relative à la « globalisation », aux « politiques publiques », au « développement », à la « gouvernance »… est particulièrement valorisée.
La recherche peut-elle ainsi être instrumentalisée au service des intérêts immédiats du politique et de l’économique sans être dévoyée ni s’en trouver anémiée ? La normalisation des SHS autour d’une fonction d’expertise est enclenchée. Cette politique d’appels d’offres et de sélection ainsi pilotée par le ministère de tutelle a démontré que les universités et laboratoires sont privés de toute autonomie scientifique réelle et soumis à une caporalisation ministérielle à courte vue. Elle couronne une mise sous tutelle de la recherche développée depuis quelques années par un ministère qui intervient à trois niveaux.
Par le biais des idex, il restructure le paysage universitaire en concentrant les moyens sur quelques pôles, créant par contrecoup de véritables déserts universitaires, puisqu’il n’y a pas d’université sans recherche. Ceux qui n’auront ni labex ni idex sont condamnés à devenir des établissements d’enseignement supérieur de second rang. Ensuite, il accentue une politique de rapprochement forcé des établissements à travers les Pres (pôles de recherche et d’enseignement supérieur) qui pilotent les idex selon des règles de « gouvernance » propres au new public management. Enfin, il favorise une homogénéisation de la recherche dans la forme (calibrage des projets, utilisation de la langue des cabinets de consultants au lieu du langage de la recherche) et sur le fond, achevant ainsi l’œuvre commencée par la recherche sur les projets financés par l’Agence nationale de la recherche. Cette évolution est d’autant plus grave que labex et idex ont des incidences majeures sur le contenu des enseignements et/ ou contribuent à remodeler les filières. Ils ont aussi été conçus pour cela.
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