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EQUIPEX, LABEX, IDEX : intrigues de cour, baronnies et têtes coupées - SNCS-Hebdo, 6 avril 2011
mercredi 6 avril 2011
Avec le printemps éclot le premier classement des EX, et l’on ne s’y ennuie pas. Au lieu de la monotonie d’EQUIPEX habillés en LABEX et emboîtés dans des IDEX, c’est le grand bazar de l’excellence ! On rit beaucoup de voir qu’à cette loterie, on peut avoir raté son EQUIPEX, mais être repêché dans celui d’à côté, ou avoir fait un carton de LABEX, mais n’exister point en tant qu’IDEX. C’est à croire que l’excellence, qui devait en principe guider tous les choix, reste étrangement insaisissable … Bien palpable en revanche est l’influence des personnages qui tirent les ficelles ! Le culte des personnalités est même affiché comme une fin en soi. Le discours lénifiant de la ministre n’est en l’occurrence qu’un piètre cache-EX.
Par Christophe Blondel, trésorier national du SNCS-FSU
L’annonce en grande pompe du premier classement des LABEX restera un des monuments de la tartufferie pécressienne. Tressant des couronnes à l’autonomie des établissements, la ministre s’émerveille de retrouver dans les sujets sélectionnés « ceux-là même qui étaient au cœur de notre stratégie de recherche et d’innovation ». Pardi ! Le gouvernement dit aux chercheurs « dessine-moi un mouton » et fait semblant de s’étonner d’en voir arriver un troupeau. Bel exploit, en l’occurrence, de faire passer toute la physique sous l’étendard de « l’Energie » ! Les chercheurs savent sacrifier à ces exercices de style. Mais quel gâchis de temps et d’efforts …
La communauté scientifique, bien obligée, a donc gonflé une grosse baudruche pour s’attirer les faveurs d’un Grand emprunt … déjà condamné par son absurdité. Le président de la Conférence des présidents d’universités, peu suspect d’anti-libéralisme, déclare le résultat illisible, déplore que des « pans entiers de recherche » aient été ignorés dans une compétition cousue de fil blanc en faveur des scientifiques « durs » et regrette qu’on n’ait pas « fait confiance aux universités pour financer eux-mêmes leurs projets d’excellence ». Mais exciter les gens les uns contre les autres ne pouvait évidemment aboutir qu’à faire se dévorer des requins entre eux, pas à définir une stratégie nationale !
Bel « investissement d’avenir » en effet que d’attribuer encore 55% du gâteau à la Région parisienne et de condamner, en dehors de celle-ci, la moitié de la France située au nord de la ligne Bordeaux-Strasbourg au vide universitaire. Mais il fallait, le président du jury l’avoue, servir les vedettes ! Fût-ce en débinant le petit personnel, comme il le fait dans une missive au cabinet de la ministre, où les coordinateurs des projets mandarinaux, incapables de les rédiger comme il aurait fallu pour qu’ils pussent être retenus dans le meilleur lot, sont carrément taxés de négligence. Toujours cette idée désastreuse que la recherche n’a besoin que de quelques grands hommes ! Toujours cette manie stérilisante de vouloir arroser là où c’est déjà mouillé … Aux coordinateurs qui n’ont pas été à la hauteur de leur insigne mission, conseillons donc qu’ils les abandonnent en rase campagne, leurs grands hommes ! Et qu’on voie ce que ceux-ci seront encore capables de faire, privés de l’environnement de leur communauté, des fonctions « support » et « soutien » de leurs laboratoires … que de toute façon la RGPP va raboter à tout le monde. La culture de l’excellence, qui anéantit par principe tout talent émergent, n’est qu’une œuvre de désertification. L’application de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) à la recherche, sans considération pour l’imbrication réelle des différentes fonctions dans les laboratoires, en est la triste mise en œuvre.
Heureusement cette entreprise de démolition et de retour à l’Ancien régime se heurte à des difficultés. Pourtant adoubé d’avance par le Président (qu’Il soit pour nous le chauffage et la lumière !), le projet pharaonique du plateau de Saclay vient de mordre la poussière en ratant son examen de passage à la première vague des IDEX et se retrouve décapité.
Aussi l’idée commence-t-elle à faire son chemin que l’énorme baudruche des EX pourrait bien finir par se dégonfler. Pour l’ascension du plateau de Saclay, les laboratoires d’Orsay pratiquent désormais une course de lenteur ou n’acceptent encore de monter (mouvement imposé par le caprice du Président …) qu’en restant le plus près possible du métro. Le bord du plateau devient, du coup, un amusant terrain de convoitises. On joue, sur le papier, à labo-perché ! A suivre …