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Lettre de refus de participation à la procédure d’attribution de la prime d’excellence scientifique (PES) à l’université de Franche-Comté (avril 2011)
jeudi 5 mai 2011, par
SLU attire l’attention sur ce texte qui ouvre un débat lui paraissant crucial : la PES - son montant, ses modalités d’attribution - programme en fait des pratiques de recherche et une vision de ce que doit être la recherche - qui méritent pour le moins le plus large débat.
Besançon, le 13 avril 2011,
Monsieur le président,
Nous refusons de participer à la procédure d’attribution de la prime d’excellence
scientifique, parce que cette nouvelle prime va à l’encontre de la façon dont nous
envisageons notre métier d’enseignant chercheur.
Nous en contestons autant la quantité que la forme.
Cette prime, correspondant le plus souvent à deux mois de salaire, est considérable. On
pourrait même la trouver démesurée en comparaison des primes de la majorité de nos
collègues BIATOSS et contractuels. Elle l’est encore en comparaison des budgets de
fonctionnement dont nos équipes et laboratoires disposent aujourd’hui : un individu
recevra, à titre personnel, pour récompenser le "niveau élevé" de sa recherche, une
somme parfois comparable à celle perçue par toute son équipe, sans laquelle sa propre
recherche n’aurait pas lieu. On mesure qu’il s’agit de dégager une élite enseignante,
distinguée de la masse des collègues par cette prime personnelle, au mépris de la
valorisation du travail collectif. Or la recherche n’est rien sans le travail collectif.
Nous en contestons le fondement : on croit mesurer l’originalité et la profondeur d’une
recherche, à l’aide des nouveaux critères introduits par les agences. Avoir publié dix
fois la même chose sur un sujet à la mode dans une revue scientifique à la mode, est
devenu la clef du succès dans une Université vouée à récompenser la superficialité
standardisée.
Nous en contestons le mode d’attribution : au mieux examinée par une instance
nationale non élue, non représentative de la seule autorité compétente, à savoir la
communauté scientifique elle-même, sinon simplement distribuée par des
commissions mixtes, restreintes, des CA et CS, cette prime est le meilleur instrument
du favoritisme.
Au total, cette prime dégrade l’image désintéressée, collective, rigoureuse que nous
nous faisons de notre métier et du service public d’enseignement et de recherche. Nous
éprouvons une grande tristesse à voir les méthodes managériales de mise en
concurrence des personnels progressivement détruire le sens d’une institution qui
jusqu’ici savait nourrir l’appétit du savoir et la vocation d’y consacrer sa vie, et
respecter ces valeurs si importantes aux yeux de chacun d’entre nous.
Signataires (par ordre alphabétique) :
Nella Arambasin, Littérature comparée
Matthieu Brassart, Mathématiques
Carole Bégeot, Biologie
Patrick Bégrand, Espagnol
Jean-Michel Bessette, Sociologie-Anthropologie
Vincent Bourdeau, Philosophie
Jean-Michel Caluwé, Lettres modernes
Franz Chouly, Mathématiques
Bertrand Degott, Lettres Modernes
Oscar Freán Hernández, Espagnol
Maggie Gillespie, Anglais
Yvon Houssais, Lettres
Philippe Laplace, Anglais
Daniel Lebaud, Sciences du langage
Philippe Le Borgne, Mathématiques
Laure Lévêque, Lettres Modernes
Farid Ammar Khodja, Mathématiques
Arnaud Macé, Philosophie
Cyril Masselot, Sciences de l’Information et de la Communication
Sophie Mariani-Rousset, Psychologie
Alain Menget, Médecine, Pédiatrie
François Migeot, Sciences du langage
Judith Migeot-Alvarado, Sciences de l’éducation
Jennifer Murray, Anglais
Gabrièle Padberg, Allemand
Richard Parisot, Allemand
Nathalie Pavec, Anglais
Catherine Paulin, Anglais
Danièle Pingué, Histoire
Matthew Pires, Anglais
Katja Ploog, Sciences du langage
Marie-Paule Poggi, STAPS
Blandine Rui, Sciences du langage
Zeenat Saleh, Anglais
Michel Savaric, Anglais
Federico Tajariol, Sciences de l’Information et de la Communication
Sandrine Vieillard, Psychologie
Nathalie Wallian, STAPS
Julien Vincent, Anglais
Rose-Marie Volle, Sciences du langage
Initiative soutenue par les syndicats FERC SUP CGT, SUD et SNASUB FSU de
l’Université de Franche-Comté