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On a retrouvé le Sommet mondial des Universités - Déclaration commune du SNESUP et du SNCS, 25 mai 2011
mercredi 25 mai 2011, par
Cette année, le 4ème G8-G20 des universités [1] (volet éducation et recherche du G8 qui se tient à Deauville ces 26 et 27 mai et du G20 qui aura lieu à Cannes en novembre 2011) devait se dérouler en Bourgogne et Franche-Comté. La Conférence des présidents d’universités (CPU), en lien étroit avec le Pôle de recherche et d’enseignement supérieur local, l’avait organisé en le déclinant en deux temps : un Sommet des étudiants (Université de Franche-Comté, Besançon, du 28 au 30 avril) et un Sommet des recteurs et présidents, censé se dérouler à l’Université de Bourgogne, à Dijon, du 5 au 7 mai.
Pour des raisons de sécurité, les autorités ont décidé quelques jours avant, que l’accueil des délégations étrangères était risqué à Dijon et ont décidé de reporter ou déplacer le Sommet des présidents et recteurs. Sans plus de précision. Celui des étudiants s’est tout de même tenu, à Besançon, protégé par un impressionnant service de sécurité.
Pendant plus de deux semaines, le Sommet des présidents et recteurs avait disparu, sans laisser d’adresse .... Grâces soient rendues aux princes qui nous gouvernent : nous venons d’apprendre que, « grâce à la volonté du Président de la République, avec l’aide et l’engagement de la Ministre, de son Cabinet et de ses services, le Sommet des présidents, recteurs et vice-chanceliers des universités a pu se tenir à Paris, aux dates qui étaient prévues, dans les lieux prestigieux du Collège de France, de la Sorbonne et du Muséum National d’Histoire Naturelle » [2]
Ce Sommet s’est conclu par une déclaration, solennellement adoptée en Sorbonne, de 32 présidents, recteurs et vice-chanceliers d’universités issus de 21 pays [3], à la liste desquels manquaient le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie et quelques autres. Cette déclaration a été communiquée par la CPU aux Chefs d’Etat et de gouvernement. [4]
Tout en ne consacrant pas un seul mot aux organismes de recherche, pourtant acteurs essentiels dans de nombreux pays, elle « rappelle le rôle central des universités dans la Société de la connaissance et leur responsabilité dans les champs éthique, moral et de solidarité ». Elle réaffirme l’éducation comme bien public, ce qui est bien la moindre des choses. De plus, un indice encourageant est donné par l’absence des termes de compétition et de concurrence, par l’emploi répété de celui de coopération, et par une apparition modérée de celui d’excellence. Cela signifie-t-il que nous allons revenir sur la stratégie de Lisbonne, lancée en 2000, et sur celle qui lui fait suite, dénommée Europe 2020, qui reposent sur la construction en cours d’un marché de la connaissance basé sur des compétences et des savoirs directement exploitables et sur le postulat généralisé de la concurrence ?
Mais nous nous inquiétons quand nous lisons dans la 1ère recommandation de la déclaration, « Networks & cooperation, que les universités « doivent travailler en partenariat avec toutes les parties prenantes : gouvernements nationaux, autorités locales, industrie et société civile. (...) dont l’investissement dans le cœur des missions des université est crucial. »
La 2ème recommandation, « International mobility of students and research fellows » reste bien floue. S’agit-il de parcours erratiques à travers le monde de postes précaires en postes précaires ? Ou bien s’agit il d’une mobilité choisie, entre organisations, entre pays... pour un enrichissement de toutes et tous, et pour l’avancement des connaissances ? Des moyens financiers conséquents et des statuts pérennes, gages d’une mobilité choisie, sont-ils envisagés ? L’exemple d’Erasmus montre que les jeunes de milieu populaire sont pénalisés dans leurs possibilités d’étudier à l’étranger. Et comment se lancer dans des projets scientifiques audacieux quand on doit en permanence chercher le contrat suivant ?
Quant à la 3ème recommandation, « Virtual networks and distance cooperation », elle nous réjouit en ce qu’elle renforce nos initiatives en matière de formations à distance, de coopérations et de travail en réseaux que nos équipes et laboratoires ont engagé depuis plus d’une dizaine d’années dans différents cadres [5], mais nous inquiète dans le même temps : quid des risques de confiscation des accès aux contenus et de leur contrôle par des opérateurs privés, ainsi que de la menace d’une substitution aux enseignements présentiels ? quid de la tentation de faire disparaître des domaines de connaissance au prétexte du péché de fragmentation et de poésie quand les « universities are required to structure areas of sciences and technologies that are currently undergoing fragmentation so that knowledge can be effectively applied to various problems of the real world ? ».
Malgré la fuite du Sommet mondial des universités qui n’a pas facilité la mobilisation des organisations nationales ou internationales, et sans l’aide d’aucune autorité, un Contre G8 s’est tenu à l’Université de Dijon et a rassemblé environ 200 participants sur 3 jours, pour débattre dans différents ateliers de l’enseignement et de la recherche que nous voulons.
Nous y avons dénoncé la marchandisation planifiée de l’éducation, de la recherche et de la culture et réaffirmé notre détermination à lutter pour une éducation émancipatrice tout au long de la vie, et pour une recherche indépendante au service de tou-te-s. Nous avons réitéré notre engagement pour :
la permanence d’un enseignement et d’une recherche publics de qualité
le développement des savoirs et des connaissances fondés sur les coopérations, la non-mise en compétition, et le rejet d’une vision managériale de « l’excellence »
la débureaucratisation du fonctionnement de nos institutions [6] et le respect du contrat que nous avons passé avec la fonction publique en la choisissant comme cadre de nos activités professionnelle
la collégialité, la démocratie et la représentativité des assemblées,
le respect et la solidarité entre les domaines de la connaissance et de leurs acteurs, respect et solidarité garants de la créativité, de la diversité et de la richesse intellectuelle de la communauté éducative
une pédagogie permettant aux étudiant-e-s de participer activement à la construction de leurs savoirs et à leur réussite dans des cursus diversifiés, la stabilité de l’emploi statutaire, contre toute forme de précarité y compris la mobilité contrainte, et à des conditions de travail décentes et respectueuses de la dignité des personne
la liberté pour tou-te-s d’étudier et de travailler partout dans le monde, dans le respect du principe de la libre circulation des personnes.
Des engagements ont été pris pour dénoncer la marchandisation de l’éducation et de la recherche, et travailler à la convergence des luttes, interprofessionnelles et transnationales et promouvoir les initiatives visant à construire une autre société, démocratique, juste et égalitaire.
Le contre-sommet n’a pas eu peur de se montrer à visage découvert. L’avenir n’appartient pas à ceux qui se cachent pour organiser l’université, mais à ceux qui veulent ouvrir ses portes à tous et au monde entier !
[2] Lettre spéciale sommet mondial des universités - 23 mai 2011 – n°70 http://www.cpu.fr/Besancon_Dijon_2011.1249.0.html
[3] Le site de la CPU annonce 40 délégations S’y ajoute un membre du bureau de l’association européenne des universités, regroupant les Présidents et les Recteurs des universités d’Europe. A côté de participants de pays dits développés, se trouvaient des présidents ou recteur d’Afrique du Sud, Egypte,
Turquie,Viêt-Nam, Colombie, Bénin.
[5] Avec, parmi d’autres, l’UNESCO (une des recommandations du Cadre d’action de Dakar (avril 2000),
l’Agence universitaire de la francophonie (Campus numériques, formations à distance), le Fonds de solidarité
prioritaire du ministère français des Affaires étrangères SIST lancé en 2003
(http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/sist.pdf) .
[6] http://www.sncs.fr/IMG/pdf/CSN2011_Structure.pdf: « Il convient donc d’abord de mettre un terme à la politique technocratique et de supprimer les multiples instances entièrement nommées qui ont été mises en place comme instruments de pouvoir pour contourner l’expression démocratique de la communauté scientifique. Il s’agit aussi de limiter au minimum le temps incroyable perdu pour répondre à une multitude d’appels d’offre en raison de l’insuffisance des crédits de base. Une nouvelle politique incitative forte devra être menée pour simplifier le système en favorisant la coopération directe entre équipes, laboratoires et établissements. »