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2012 : besoin d’une nouvelle définition du métier d’enseignant - Nestor Romero, Rue89, 7 septembre 2011
jeudi 8 septembre 2011, par
En cette rentrée quelque peu particulière, présidentielle oblige, tout le monde s’y met : de gauche à droite s’impose soudain la nécessité d’une nouvelle définition du métier d’enseignant.
Où va la gauche ?
Concrètement cela signifie qu’il faudrait en finir avec le fameux décret du 25 mai 1950 qui fixe les obligations des professeurs (15 heures hebdomadaires de cours pour les agrégés, 18 heures pour les autres) et qu’il ne serait pas superflu en outre que se développe le travail collectif des enseignants.
Il n’est pas inutile de rappeler ici que, depuis des lustres, nombre de pédagogues affirment la nécessité de l’intervention collective et que nombreux sont les enseignants qui, d’une manière ou d’une autre, la pratiquent quand les conditions locales le permettent.
Quelles sont donc les raisons de cette fixation soudaine sur le statut des enseignants ? Passons sur les motivations de la droite libérale au pouvoir qui n’a d’autre souci que de transformer l’école en une entreprise productive de « chair à patron » comme ne cesse de le proclamer le ministre actuel quand il veut faire du chef d’établissement un dynamique « manager » à la tête d’une « équipe “ responsabilisée ” par le mérite de chacun, c’est-à-dire par le fric.
Mais la gauche où va-t-elle ? Essayons de le voir et, à tout seigneur tout honneur, commençons par le P.S. sur le site duquel nous sommes assurés de trouver quelques indications. Ceci d’abord comme introduction à la question de l’éducation : “ sans justice pas de progrès social ”. Sans doute, si ce n’est tout de même l’ambiguïté de l’assertion .
Ambiguïté et confusion
Qu’est-ce en effet que ce progrès social tributaire de la justice ? Et, par ailleurs, est-on bien sûr que la justice doive être posée comme condition (ici au progrès social) ? Est-ce que la justice ne se suffit pas à elle-même, tout simplement parce qu’elle est justice ?
Poursuivant la lecture il nous semble bien que l’ambiguïté se fait de plus en plus ambiguë. Ainsi lit-on, il s’agit de donner sa “ chance ” à chacun. Propos que ne désavoue nullement la droite puisqu’il implique la capacité de chacun à saisir cette “ chance ” si généreusement offerte et que se profile alors l’idéologie néo-libérale du mérite.
Car, saisiront cette “ chance ” celles et ceux qui, pour cela, auront mobilisé suffisamment de volonté : ce sont les méritants. Quant aux autres, tant pis pour eux, ils n’auront pas su saisir leur chance, ils en paieront les conséquences leur vie durant. N’est-ce pas justice que cela ?
Mais poursuivons encore un peu notre lecture : “ Il faut renouer avec la volonté d’assurer la réussite du plus grand nombre grâce à des formations de haute qualité . Propos que ne renierait nullement n’importe quel ministre libéral de passage. Il ne s’agit plus ici d’ambiguïté mais, décidément, de confusion.
Outre, en effet, que nous sommes en droit de nous demander qui peut bien être le ‘ petit nombre ’ de ceux qui ne réussissent pas, on ne peut manquer de s’interroger, comme on le fait ici depuis le percement de cette Rue, sur la notion même de réussite. Répétons-le une fois de plus : la réussite de certains implique l’échec des autres et cet échec est nécessaire pour que puissent être assumées les corvée sociales les plus rébarbatives.
Quelle pédagogie du projet ?
Et c’est ainsi que se fait jour une conception productiviste de l’école qui proclame, au PS comme à droite, le mérite, l’égalité des chances et pêle-mêle, le socle commun des savoirs et des compétences, la personnalisation et la différenciation comme n’a cessé de le marteler le ministre de passage lors de sa conférence de rentrée.
La confusion cependant semble tourner à la méconnaissance quand les rédacteurs du PS se risquent à préconiser une ‘ pédagogie du projet ’ parmi et à côté d’autres actions telles que des modules disciplinaires, des démarches expérimentales, des activités artistiques, culturelles, technologiques, etc.
Méconnaissance disais-je car la pédagogie du projet consiste, en effet, à organiser un mode de vie dans l’école qui englobe (la notions de globalité est ici capitale) toutes les actions énumérées (et d’autres aussi), les justifie et leur donne sens, c’est-à-dire donne sens à l’acquisition de connaissances et aux efforts nécessaires à ces acquisitions et donne sens, en outre, à la nécessaire intervention collective des adultes.
Ce n’est pas par distraction que j’emploie ici ce mot : adulte. Nous aurons l’opportunité sans doute de préciser les contours de cette action collective des adultes à l’occasion de l’examen des propositions qui viendront au jour au cours de la campagne qui s’ouvre. Cependant la question initiale demeure : tout ça pourquoi ?
Si nous écartons le projet néo-libéral de faire de l’école ‘ une entreprise comme les autres ’, dixit le ministre, quelle mission lui assignons-nous qui nécessite une nouvelle définition du métier d’enseignant ? Question d’importance car la réponse conditionne évidemment le mode de vie dans l’école et dans son environnement social c’est-à dire la pratique pédagogique souhaitable. Nous venons de le voir, la réponse du PS n’est guère convaincante.
Nous aurons l’occasion d’examiner les réponses des autres composantes de la gauche et peut-être d’en dégager un horizon un peu plus lumineux.
À lire sur le site de Rue89