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A l’université aussi, il faut changer de République ! A. Montebourg, B. Monthubert, Rue89, 22 septembre 2011
jeudi 22 septembre 2011, par
Être citoyen, c’est se confronter à des débats toujours plus complexes :
* énergie,
* climat,
* rapports hommes-femmes et théorie du genre,
* désordres économiques et financiers…
Pour comprendre un monde complexe et être en mesure de faire des choix politiques, il faut donner aux citoyens l’accès au meilleur des connaissances contemporaines, sans quoi adviendra soit le règne des experts, soit celui des démagogues et de leurs solutions simplistes. Il est de notre tâche de donner à chacun des outils pour être plus créatifs dans leurs métiers et maîtriser les évolutions technologiques.
Alors qu’à l’orée du XXe siècle le jalon symbolique des études était le certificat d’études, remplacé plus tard par le bac, c’est aujourd’hui la licence qui devient le niveau fondamental auquel nous devons porter une majorité de nos jeunes. Que cela soit dit haut et fort. Investir dans la recherche et l’enseignement supérieur pour les jeunes comme pour les moins jeunes qui doivent en profiter au long de leur vie, est donc une priorité républicaine autant que le meilleur placement pour notre société.
Marasme depuis 2002
Pourtant, nous vivons depuis 2002 un véritable marasme. À l’appauvrissement de l’école publique s’ajoute la récession étudiante puisque la proportion de bacheliers poursuivant des études supérieures baisse. Les jeunes chercheurs, précaires, commencent à fuir la recherche, à commencer par les femmes. Les chercheurs, harcelés par une mise en concurrence exacerbée, contraints de passer leur temps à chercher l’argent nécessaire pour pouvoir travailler, sont déprimés et voient le prestige scientifique de la France décroître. Les femmes se heurtent au plafond de verre. C’est, malgré l’attachement très fort des Français à ceux qui font la science, la défiance vis-à-vis de certains experts englués dans les conflits d’intérêts.
Depuis trop d’années, chercheurs, universitaires, étudiants, se battent contre une politique qui détruit les valeurs du savoir et brise les coopérations. Ils sont inquiets devant les prises de position de certains socialistes qui s’accommoderaient des réformes sarkozystes dans les universités et la recherche, et ne les feraient évoluer qu’à la marge.
Ce n’est pas un replâtrage dont nous avons besoin, mais d’un changement de cap : A l’université aussi, il faut changer de République. Le projet que nous portons est clair : les lois, décrets et outils qui sapent les laboratoires et universités seront remplacés après une large consultation par une loi qui donnera l’ambition d’un service public d’enseignement supérieur et de recherche moderne, fier de ses valeurs, centré sur la coopération, la démocratie, la collégialité, les libertés académiques.
En finir avec les conflits d’intérêts
Dans la recherche, il faut d’urgence réorienter un système qui crée les conflits d’intérêts. Pour être crédible, la contribution des chercheurs doit être indépendante et plurielle. Nous ne pouvons attendre un autre scandale tel le Mediator pour agir. Le financement actuel, avec ses appels à projets permanents qui engendrent des phénomènes de cour et asphyxient les laboratoires en crédits de base pour les rendre dépendants du pouvoir politique ou financier, doit être transformé. Pour travailler en confiance avec le reste de la société, les laboratoires doivent être financés par des fonds publics et stables, orientés sur le long terme.
La concurrence effrénée brise les logiques de coopération, défavorise ceux qui travaillent avant tout pour la collectivité du savoir. Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, que de nombreuses femmes aient des carrières moins bonnes que leurs collègues masculins, quand la norme imposée par le pouvoir est d’écraser les autres, dans une absurde logique de survie individuelle.
Dans l’enseignement supérieur, il faut tout faire pour augmenter le nombre d’étudiants, et leur réussite. C’est la grandeur de la gauche que d’élever la population plus haut dans l’échelle du savoir.
Que certains, à gauche, jusque dans les entourages de candidats, militent publiquement pour une augmentation des frais d’inscription des étudiants, en dit long sur leur perte de repères et sur la faiblesse de leur engagement à investir dans les universités. Pour nous, socialistes, faire des études n’est pas un investissement privé, c’est un investissement collectif.
* Il doit être juste ; c’est pourquoi les écarts de financements entre grandes écoles et universités doivent être comblés, par le haut.
* Il doit éviter les déterminismes sociaux : c’est une honte pour notre République que tant de filières voient des sur-représentations si fortes d’enfants de cadres au détriments des enfants d’ouvriers, d’hommes au détriment des femmes, de bacheliers des grandes villes au détriment des bacheliers venant de la ruralité.
Le financement public des établissements religieux du supérieur délivrant des diplômes profanes sera, quant à lui, réorienté vers le public.
Mais augmenter le nombre d’étudiants ne sert à rien si l’on n’augmente pas en même temps la qualité de la formation.
Le système figé au XXe siècle
La saignée imposée par la droite en matière d’emploi scientifique fige la France au XXe siècle. Nous sécuriserons les parcours de formation des étudiants des universités en mettant en place une allocation d’études et en leur donnant des conditions aussi bonnes que dans les meilleures formations. Pour cela nous créerons chaque année les 5000 emplois nécessaires, selon les États-Généraux de la Recherche, pour mettre nos laboratoires et universités au meilleur niveau.
Il en va du prestige de la France comme de sa capacité à créer des emplois. Nous porterons une vision internationaliste en attirant beaucoup plus d’étudiants étrangers, qui nourriront notre recherche et contribueront à son rayonnement.
Étudier en France ne sera plus une chance réservée à une élite, mais une étape normale dans la formation d’un citoyen du monde. Nous redonnerons un espoir à nos brillants cerveaux qui fuient notre recherche et son manque d’avenir, et tout particulièrement aux femmes, en leur donnant les moyens de démarrer leur activité de recherche, sur des postes stables, quand aujourd’hui ils s’épuisent à chercher les ressources, quittent notre pays au lieu d’y investir leur talent.
Une révolution des mentalités
Nous proposons une révolution des mentalités. Car si certains restent bloqués dans des visions d’un autre temps, c’est qu’ils veulent prolonger un ordre dans lequel ils s’accaparent le pouvoir. Dans la nouvelle France, la haute-fonction publique comme la tête des entreprises ne peut rester la chasse gardée de quelques écoles spécialistes du formatage intellectuel.
L’esprit de recherche doit irriguer toute la société, les administrations comme l’industrie, par l’accès démultiplié des docteurs, des chercheurs à ces secteurs. Les laboratoires pourront ainsi travailler avec les associations, avec les entreprises, avec les collectivités, pour construire les réponses aux problèmes contemporains. Le pouvoir politique doit être irrigué par les savoirs les plus en pointe, et les citoyens doivent prendre le contrôle sur le choix des technologies dont ils disposent.
La gauche qui ne renonce pas
Tout cela coûterait trop cher ? Non. Beaucoup moins que les cadeaux fiscaux pour ceux qui n’ont pas de problème de pouvoir d’achat. Au lieu de faire exploser un crédit d’impôt recherche dont l’efficacité est décevante, l’Etat doit développer nos universités et nos organismes de recherche, cibler le soutien à la recherche privée là où il prépare l’économie du futur.
Nous sommes la gauche qui ne renonce pas, qui relève le défi scientifique du futur et qui, surtout, croit encore en la France, la nouvelle France qui prend résolument la voie de l’avenir, en mettant en place les conditions d’une renaissance intellectuelle, sociale et économique.