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Inspecteurs d’académie de Paris : petit ménage anti-copinage, François Krug, Rue89, 29 octobre 2011
lundi 31 octobre 2011, par
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L’administration a mis fin aux fonctions de plusieurs inspecteurs d’académie de Paris. Ce corps de fonctionnaires nommés par l’Elysée est critiqué par la Cour des comptes.
Un ancien candidat à la mairie de Neuilly, un secrétaire national du PS et une ex-conseillère de Dominique de Villepin viennent de perdre leur job prestigieux d’inspecteur de l’académie de Paris. Est-ce la fin des nominations politiques ?
Six décrets « portant cessation de fonctions » ont été discrètement publiés au Journal officiel vendredi. Ce sont les noms des hauts fonctionnaires concernés qui font tiquer. Dans la liste, on trouve notamment :
- Arnaud Teullé, nommé en 2008... après les municipales : il avait perdu à Neuilly face à un autre candidat de droite... après avoir déjà dû céder sa place aux cantonales à Jean Sarkozy ;
- Nathalie Briot, nommée en 2007... avant la présidentielle : elle avait été la conseillère de Dominique de Villepin aux Affaires étrangères, à l’Intérieur puis à Matignon ;
- Christophe Borgel, nommé en 2002... avant une autre présidentielle : à l’époque conseiller de Jack Lang à l’Education nationale, il est aujourd’hui secrétaire national du PS en charge des élections et conseiller régional d’Ile-de-France.
Pourquoi l’Education nationale se prive-t-elle de leurs services ? Les décrets n’en disent évidemment rien. La réponse se trouve dans un rapport très sévère de la Cour des comptes, publié en février 2010, qui dénonçait « une survivance historique injustifiée ».
Un poste idéal pour recaser ses proches
Car il ne faut pas confondre les « inspecteurs de l’académie de Paris » avec les « inspecteurs d’académie » tout court. Les premiers, une vingtaine de hauts fonctionnaires, constituent un corps d’élite, dont la création remonte à Napoléon.
Deux siècles plus tard, la Cour des comptes s’interroge sur l’utilité de ce corps pour l’Education nationale. En revanche, elle n’a aucun doute sur son utilité politique. C’est ce qu’on surnomme un « fromage » de la République : le poste est idéal pour recaser, récompenser ou consoler :
- pas besoin d’être un expert : il n’y a pas de concours, les nominations se font uniquement par décret du président de la République ;
- beaucoup de temps libre : le rapport note diplomatiquement qu’un tiers des inspecteurs a une « activité faiblement identifiée »... et s’étonne que certains n’aient même pas de bureau ;
- une rémunération généreuse : des débutants sans aucune expérience ont pu commencer à 4 500 euros net par mois, « à un niveau plus élevé que la plupart des hauts fonctionnaires en début de carrière ».
Un « secret de famille » au ministère
La Cour des comptes ne donne aucun nom, mais ses conclusions sont accablantes :
« Les nominations de certains inspecteurs leur ont surtout permis de percevoir des revenus supplémentaires tout en conservant leur activité antérieure, ou bien d’obtenir une garantie de revenus en consacrant une part notable de leur temps, et parfois même largement prédominante, à des occupations d’ordre privé ou politique. »
Le 13 juillet, la Cour de discipline budgétaire et financière est allée plus loin. deux très hauts fonctionnaires de l’Education nationale ont été condamnés pour avoir validé une douzaine de nominations contestables. Les peines étaient symboliques – des amendes de 300 et 400 euros – et les véritables coupables étaient probablement ailleurs. Plus haut placés...
C’était « un secret de famille », comme l’avait résumé un responsable du ministère entendu par la Cour des comptes. Ce secret commençait pourtant à s’ébruiter : en 2009, l’Education nationale s’était engagée à supprimer dans les deux ans ce corps controversé.
L’Education nationale fait discrètement le tri
Le ministère en a profité pour faire le tri. Une partie des hauts fonctionnaires concernés pourront continuer leur carrière à l’Education nationale, car des décrets les ont déjà titularisés comme inspecteurs d’académie « normaux ». Parmi eux, on retrouve par exemple :
- Anne Peyrat, ancienne conseillère culturelle de Jacques Chirac à l’Elysée ;
- Fabrice Larché, ancien chef de cabinet de Gilles de Robien à l’Education nationale, puis de Valérie Pécresse à l’Enseignement supérieur ;
- Raymond Riquier, ancien chef de cabinet adjoint de Lionel Jospin à Matignon.
Les autres ? Ils ont pris leur retraite, préféré changer de voie ou été discrètement remerciés. Une recherche dans les archives du Journal officiel permet de dresser la liste des hauts fonctionnaires titularisés à ce jour... et de noter plusieurs absences très politiques. Exemples :
- à gauche, Christophe Borgel mais aussi Nicole Baldet, ancienne cheffe du secrétariat particulier de Lionel Jospin à Matignon ;
- à droite, outre la villepiniste Nathalie Briot, deux des trois inspecteurs nommés par Nicolas Sarkozy : Arnaud Teullé, mais aussi David Teillet, ancien dirigeant de l’Uni, le syndicat étudiant de droite, passé ensuite par plusieurs cabinets ministériels.