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Universités : "L’Etat doit respecter ses engagements" - entretien d’Olivier Sire avec "Educpros", 3 novembre 2011
samedi 5 novembre 2011, par
Deux ans après le passage à l’autonomie (lois LRU et RCE), certaines universités peinent à boucler leur budget 2012. Faute de moyens suffisants, elles s’imaginent déjà fermer des formations et geler des postes. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a rétorqué que des "efforts de gestion" devaient être fournis. Entretien avec Olivier Sire, président de l’université de Bretagne-Sud, qui dénonce des tours de passe-passe budgétaires et en appelle à la responsabilité de l’État.
Pour quelles raisons ne parvenez-vous pas à boucler votre budget 2012 ?
Aujourd’hui, il nous manque un peu plus d’un million d’euros. Nos difficultés trouvent leur origine dans les changements d’indices d’ancienneté et des avancements de carrière du personnel de l’université. Depuis le passage à l’autonomie, les universités ont le statut d’employeur. En 2012, notre budget est de 67 millions d’euros, dont 42 millions sont consacrés à la masse salariale des titulaires : autrement dit pour des agents de l’État. L’État, justement, a arrêté son socle prévisionnel budgétaire en décembre 2009, sans anticiper cette augmentation de la masse salariale. Cette prise de position a été décisive dès le départ.
Un décret, par exemple, a récemment instauré la revalorisation des maîtres de conférence. Désormais, leur indice d’ancienneté prend en compte une ou plusieurs expérience(s) professionnelle(s) qui se sont déroulées avant le recrutement. Leur ancienneté équivaut aujourd’hui à celle d’un ancien chercheur. Le plus ironique dans tout ça, c’est que l’université ne fait qu’appliquer la loi. La question est désormais de savoir sur quels fonds doit être financée l’augmentation de la masse salariale.
Quelles seront les conséquences concrètes, notamment sur l’offre de formation ?
Nous avons déjà gelé 20 postes, qui viennent s’ajouter aux 144 emplois manquants depuis la réforme. En compensation, l’État nous donne 25 000 euros par poste : cela représente à peine la moitié de l’embauche d’un contractuel (42 000 euros par an), et même pas le quart de celle d’un professeur (90 000 euros). Résultat : on puise dans nos ressources propres pour payer les salaires de titulaires, qui ont le statut d’agent d’État.
On a d’ores et déjà limité le recrutement d’Attachés temporaires d’enseignement et de recherche (ATER), et il va aussi y avoir des mouvements dans les services administratifs, qui vont donc fonctionner en sous-effectif.
Concernant l’offre de formation, nous allons réduire de 8 à 10% le budget des composantes. Si ça continue, nous serons bientôt obligés de fermer des formations.
La production de savoir aussi est menacée : nous n’aurons plus les moyens d’investir sur des projets structurants ou des partenariats.
Comprenez-vous que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Laurent Wauquiez, demande de faire des "efforts de gestion " ?
Bien entendu, certaines universités dépensent plus que ce dont elles disposent. À l’université Bretagne-Sud, nous nous efforçons d’avoir une gestion responsable basée sur des projections à long terme. C’est à l’État, aujourd’hui, de faire face à ses engagements pris lors du passage à l’autonomie. L’an passé, le comité de suivi de la loi LRU a pointé ces effets pervers visant plus particulièrement les petites universités mais aucune mesure corrective n’a été prise pour autant. Ce système n’est pas viable sur la durée. Une entrevue est prévue fin novembre avec Frédéric Guin, le directeur des affaires financières du ministère. Nous allons montrer au gouvernement que ce sont des effets mécaniques et non pas des conséquences d’une mauvaise gestion. Nous souhaitons maintenant que l’État débloque cette situation insoutenable.
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