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« Vœux d’affectation », « politique de site » et recrutement des chercheurs : pour la clarté - SNCS-Hebdo 11 n°19 (10 novembre 2011)
vendredi 11 novembre 2011, par
Insidieusement, la manie du tout-piloté s’empare de ceux qui gouvernent la recherche. Interprètes fidèles ou forcés de la pensée gouvernementale, ils n’imaginent plus les chercheurs que comme des pions qu’on place et qu’on déplace sur la carte toujours plus virtuelle des futurs IdEx et « campus d’excellence ». La suppression, en 2011, de la rubrique « vœux d’affectation » dans les formulaires de candidature aux concours de recrutement des chercheurs du CNRS constitue de ce point de vue un symptôme révélateur. Sous couvert de « politique de site », les affectations de jeunes chercheurs deviennent l’outil d’une dévolution des organismes de la recherche publique aux universités LRU. La liberté d’initiative des chercheurs est pourtant la grande force de la recherche publique. Pouvoir exprimer clairement des vœux d’affectation est la moindre des libertés. Pour l’organisation des concours 2012, le SNCS demande le retour à la clarté.
Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU
Pour lire cet hebdo sur le site du SNCS
On pouvait croire anodine la suppression de la rubrique « vœux d’affectation » dans les dossiers de candidature aux concours de recrutement des chercheurs du CNRS. Les scientifiques qui gouvernent l’organisme étant réputés savoir qu’on ne peut imposer aux chercheurs des sujets pour lesquels, n’ayant pas d’attirance, ils n’auraient pas d’inspiration, on imaginait que les vœux d’affectation exprimés dans le corps des projets de recherche seraient toujours, une fois les recrutements effectués, scrupuleusement respectés.
Le scandale public provoqué par l’affectation erratique d’une jeune physicienne argentine lauréate du concours 2011 a toutefois révélé les nouvelles dérives de la direction du CNRS. Cette totale absurdité a abouti au désastre qu’hélas il fallait craindre d’une démission de la jeune chercheuse, avec les conséquences qu’on peut imaginer pour l’intéressée et pour toute l’équipe visée, humainement et scientifiquement (cf. communiqué du SNCS du 21.10. et Le Monde daté du 29.10.2011).
Au cours de cette pénible affaire, on a pu entendre le directeur de l’Institut de physique du CNRS déclarer : « il ne vous a, j’espère, pas échappé qu’il n’y avait plus cette année de vœux d’affectation ». On a bien entendu : la direction du CNRS juge désormais inopportun que les jeunes chercheurs candidats au CNRS formulent des « vœux » ou des souhaits d’affectation. « Souhaiter » est déjà trop pour une direction bloquée dans l’attente fébrile des résultats aux diverses loteries d’État pompeusement baptisées « Grand emprunt » ou « Investissements d’avenir ».
Personne ne conteste que les décisions d’affectation dans les unités de recherche relèvent en dernière instance du président du CNRS. Mais un peu de confiance ne nuit pas. Les jurys d’admissibilité et d’admission connaissent bien le milieu scientifique que les recrutements auxquels ils procèdent vont irriguer. On peut se fier à nos collègues, élus et nommés, pour tenir compte, dans les recrutements qu’ils seront amenés à opérer compte tenu des postes disponibles, de tous les arguments de politique scientifique. Un jugement collégial et transparent reste la meilleure garantie d’une distribution non biaisée des moyens consacrés par la nation à l’emploi scientifique, dans un mode de recrutement qui accorde une place centrale au débat scientifique direct avec les individus.
Il faut, avant tout, écouter les jeunes chercheurs. Une direction responsable devrait être animée par un immense respect des idées et des aspirations de ceux qu’elle recrute. Privée de moyens et d’initiative, la direction du CNRS s’en prend au contraire à l’ultime trésor qui reste à l’organisme : la vocation et l’inspiration de ses chercheurs. L’avenir se prépare en écoutant ceux qui, ayant encore leur carrière devant eux, sont les porteurs futurs des plus grandes découvertes. Le devoir d’un organisme de recherche est de leur permettre de formuler clairement leurs aspirations et leurs vœux. Plusieurs instances scientifiques du CNRS ont demandé le rétablissement de la rubrique « Vœux d’affectation » dans les formulaires de candidature aux concours 2012 (cf. recommandation unanime du Conseil scientifique de l’InSHS du 26.09.2011 et motion unanime de la section 05 le 25.10.2011). Pour les prochains concours, le SNCS exige la fin du caporalisme et le retour à la clarté.