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L’université populaire entre fondateurs et adhérents. Mutations de la participation associative, Arnaud Trenta, La Vie des Idées, 28 novembre 2011
mardi 6 décembre 2011
La désagrégation du patrimoine commun des ouvriers a recomposé les sociabilités locales dans les banlieues rouges. Un conflit dans une université populaire révèle le changement intervenu dans les formes de participation associative.
Les multiples transformations des banlieues rouges, tant spatiales, sociales, économiques que politiques, symbolisent le bouleversement des identités et des sociabilités des couches populaires. Le renouveau du mouvement d’éducation populaire constitue-t-il une reconfiguration des relations entre une élite locale et une base populaire ?
Renouveau de l’éducation populaire
Le monde de l’éducation populaire connaît un certain renouveau depuis une vingtaine d’années. De nouvelles associations - et des plus anciennes comme ATD Quart Monde ou la Fédération des centres sociaux - revendiquent leur inscription au sein de ce mouvement, et l’on observe un regain d’intérêt à leur égard de la part de l’État et des collectivités territoriales (Richez, 2007). Les causes de ce renouveau sont à rechercher à la fois dans la forte préoccupation sociale concernant l’amélioration de l’accès aux savoirs, et dans la crise profonde des institutions éducatives et culturelles (Richez, 2007, p. 5-6). Les questions actuelles de l’éducation tout au long de la vie, de la maîtrise et de l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ainsi que celle plus ancrée dans la tradition républicaine de la formation d’une conscience civique au travers de l’acquisition de connaissances et du déploiement de la raison, trouvent a priori dans l’éducation populaire un mode possible de résolution.
La réactivation des Universités populaires au début des années 2000 est un symbole fort de ce renouveau. La création de la Société des universités populaires en 1898 constitue en effet un des points d’origine du mouvement d’éducation populaire en France. L’initiative du philosophe Michel Onfray, fondant en 2002 l’Université Populaire de Caen, a joué un rôle important dans la reconnaissance de ce type d’expérience associative, tant par l’intérêt médiatique qu’il a suscité que par la rédaction d’un manifeste venant clarifier son projet. De manière très synthétique, celui-ci consiste « à rendre davantage accessibles des savoirs critiques à un public qui n’aurait pas ou plus accès, à l’université classique » (Corcuff, 2007, p. 37). Outre la lumière projetée par des intellectuels de renom, le renouveau des Universités populaires se mesure également au nombre des créations associatives qui augmente significativement durant les années 2000. Ainsi, en prenant comme critère la présence du mot « université populaire » dans le titre ou l’objet de l’association, on trouve dans les archives du Journal officiel : 11 créations de 1995 à 2000 ; 24 de 2001 à 2005 ; et 53 de 2006 à 2010.
Le mouvement d’éducation populaire en général, et les Universités populaires en particulier, trouvent dans les anciennes communes ouvrières un terrain propice à leur développement. Ces territoires ont en effet connu une profonde transformation sociale, économique et spatiale, ainsi qu’une recomposition du pouvoir politique marquée par le recul du Parti communiste français (PCF). La crise des anciennes identités et sociabilités populaires se conjugue alors avec l’émergence de nouvelles formes de relations et d’organisations, notamment associatives.
Un des principaux effets du processus de désindustrialisation a été de désagréger « le patrimoine commun du groupe ouvrier, constitué autour du quartier, de l’usine et des organisations politiques » (Bacqué, Fol, 1997, p. 17). La fin des banlieues rouges s’amorce, dès les années 1970, avec les délocalisations industrielles en lointaine périphérie, la montée des emplois tertiaires et l’installation croissante de couches moyennes dans ces territoires. Cette modification de la structure économique et des composantes sociales des anciennes villes ouvrières a bouleversé l’équilibre existant et généré une fragmentation socio-spatiale. La rénovation de certains quartiers, notamment les centres urbains prisés par les couches moyennes, va de pair avec la relégation d’autres quartiers où se concentrent les problèmes sociaux, notamment le chômage.
Ces éléments sociologiques, de même que la dislocation de la classe ouvrière, n’expliquent pas, à eux seuls, le déclin du Parti communiste français. Des événements propres au PCF ont également leur importance. Ainsi, le retour à l’ « orthodoxie » de la direction du parti Le retour à l’ « orthodoxie » correspond au choix de la direction du PCF de se recentrer sur la classe ouvrière après une ouverture à d’autres secteurs sociaux dans l’après 1968, ainsi qu’à la réaffirmation d’un lien de solidarité avec l’Union soviétique, notamment en défendant l’invasion en Afghanistan. Cette position rigide fermera également le débat sur la démocratisation du parti. à la fin des années 1970 accentue la rupture avec la société et provoque plusieurs vagues de contestations internes, dont les protagonistes se nomment tour à tour les rénovateurs, les reconstructeurs, puis les refondateurs (Courtois, Lazar, 1995). Au niveau local, le déclin du PCF se manifeste par la désunion des différentes organisations et tendances communistes, avec pour conséquence la « perte de l’emprise du parti sur ses réseaux d’influence, qu’ils soient associatifs, professionnels ou électifs » (Mischi, 2007, p. 100). Cette désunion s’observe notamment au travers des conflits opposants des syndicalistes CGT et des élus municipaux, ou des élus municipaux et des responsables des fédérations du parti. Le recul du PCF ne s’apprécie donc pas uniquement au regard de ses faibles résultats électoraux et de la baisse du nombre de ses adhérents, mais également au travers de la perte du contrôle des acteurs et des organisations implantés dans les secteurs populaires.
Cette métamorphose des anciennes villes ouvrières, à la fois spatiale, économique, sociale et politique, en fait des lieux de recomposition des sociabilités locales. Les catégories populaires, qui auparavant étaient fortement insérées dans les divers réseaux communistes, forment dorénavant un public cible pour de nombreuses associations, qu’elles soient liées à l’éducation, à la culture, au loisir ou à l’emploi. La réappropriation de l’esprit de l’éducation populaire se comprend alors comme l’expression d’une volonté chez certains militants de tisser de nouveaux liens avec les populations les plus défavorisées. En se penchant sur le cas d’une Université populaire implantée dans une ancienne ville ouvrière, on peut suivre la recherche d’une nouvelle composition du triptyque traditionnel de la gauche : intellectuel, politique et populaire.
L’université populaire, nouveau lien ?
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