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"Valérie Pécresse commence à reculer sur le Cnrs"

par Sylvestre Huet, "Libération", blog Sciences (26 juin 2008)

vendredi 27 juin 2008, par Laurence

Manifester sa colère n’est pas inutile. En début d’après midi, en sortant du ministère de la recherche où ils avaient été reçus par Valérie Pécresse, les syndicats de chercheurs utilisaient des mots divers - « une avancée » pour Jean Fabbri (SneSup), « une ouverture » pour Pierre Girard (CFDT) - mais tous s’accordaient sur l’idée que les lignes avaient bougé.

La crise aiguë provoquée par le blocage du Conseil d’Administration du Cnrs http://www.liberation.fr/actualite/politiques/333514.FR.php , le 19 juin dernier, par plusieurs milliers de chercheurs pourrait donc se dénouer assez vite... à condition que les "déclarations de principe de la ministre" trouvent une traduction concrête dans le nouveau texte qui sera proposé au prochain Conseil d’Administration, avertissent les syndicats et SLR dans un communiqué (lire ci-dessous). Du coup, ces derniers ne lèvent pas leur menace de bloquer le prochain C-A, en attendant de lire le texte qui leur sera proposé par Catherine Bréchignac, la présidente du Cnrs.

Valérie Pécresse était manifestement désireuse d’obtenir un armistice, même partiel, avec les chercheurs, permettant un vote du Plan Stratégique de l’organisme avant l’été. Aussi affirme t-elle accordé les deux « garanties » réclamées par le Conseil scientifique du Cnrs, les syndicats et les associations SLR et SLU.

« Ils voulaient, explique la ministre, que toutes les disciplines aient leur place avec une égale dignité au Cnrs. Et que leurs nouvelles structures, les instituts, verraient leurs directeurs nommés par la direction générale du Cnrs qui leur attribuerait leur budget ». Sans aller dans le détail, la ministre leur a donné la garanté de « la tutelle » que Catherine Bréchignac, la présidente du Cnrs, allait rediscuter avec eux afin de proposer une nouvelle mouture du Plan Stratégique.

Ce nouvel épisode du long feuilleton des relations tendues entre la communauté scientifique et le gouvernement ne le termine pas. D’abord parce qu’il illustre la capacité des scientifiques à infléchir le cours des décisions gouvernementales dès lors qu’ils se mobilisent assez largement. En multipliant les appels, les pétitions http://www.sauvonslarecherche.fr/article1990.html, SLR, les syndicats, mais aussi le fameux "appel des médaillés du Cnrs" http://medailles.recherche-enseignement-superieur.fr, ont montré que l’opposition à la politique de Valérie Pécresse n’avait rien de marginal. Or, leurs raisons de se mobiliser ne disparaissent pas avec ce premier recul. « Le problème de la création d’emplois scientifiques et pour l’université reste entier », souligne Jean Fabbri. A ces questions, Valérie Pécresse s’est d’ailleurs contentée de répondre à ses interlocuteurs qu’il « était trop tôt » pour en parler. Ensuite parce que les dispositions prises pour l’organisation du Cnrs ne sont manifestement pas définitives.

A cet égard, la question de savoir ce que voulaient vraiment le ministère et la direction du Cnrs demeure sans réponse. Il est évident qu’il y avait de l’eau dans le gaz entre les deux niveaux. Or, la ministre maintient le contraire, affirmant à l’inverse avoir travaillé dans une telle "symbiose" avec Catherine Bréchignac qu’elle ne sait plus "qui a eu l’idée de quoi". Catherine Bréchignac restant de son côté très discrète sur ce point - sauf en agitant à chaque rencontre avec les syndicats les "conseillers de l’Elysée" qui voudraient la mort du Cnrs - il faudra peut-être attendre que l’une ou l’autre écrive ses mémoires pour en avoir le coeur net. En tous cas, elle m’a fait savoir qu’elle ne s’exprimerait pas en public avant la tenue du Conseil d’Administration, probablement la semaine prochaine.


Le communiqué de SLR, SLU et des syndicats :

Le 26 juin, la ministre VP a reçu 9 syndicats, plus SLR et SLU.

Les propos tenus par Valérie Pécresse concernant la restructuration du CNRS montrent qu’il lui a fallu prendre en compte les fortes mobilisations des dernières semaines. Pour la première fois, la ministre qui, jusque là prétendait réformer avec l’accord de la communauté scientifique, a reconnu que ses propositions avaient provoqué une défiance marquée de cette communauté.
La ministre est revenue sur ses déclarations antérieures, dans lesquelles elle manifestait sa volonté de faire sortir du CNRS un nombre important des disciplines, que les nouveaux Instituts auraient des directeurs nommés par le gouvernement, et avec des budgets indépendants (ce qui aurait fait du CNRS une coquille vide), VP a affirmé aujourd’hui :
- l’égalité de traitement de toutes les disciplines
- le fait que la direction du CNRS déciderait des directions d’Instituts et de leur budget.
Ces déclarations de principe ne constituent en aucune façon une garantie suffisante. Pour déterminer notre position par rapport au prochain CA et à son blocage éventuel, nous attendons de voir en quels termes précis ces intentions verbales vont être traduites dans les jours qui viennent en un nouveau texte proposé par la direction du CNRS à son CS et son CA.

Par ailleurs, sur certains points, comme celui de la précarité, engendrée notamment par l’explosion de l’ANR, il n’y a pas eu de réponse de la ministre. Sur d’autres questions précises qui lui ont été posées sur des points très importants, les réponses de VP sont sans ambiguité.
Question : Y aura-t-il un rééquilibrage les crédits de base des laboratopires et les financements sur projets courts (ANR) ?
Réponse : Fin de non recevoir
Question : y aura-t-il un plan pluriannuel pour l’emploi statutaire ? Réponse : non
Question : Vous engagez-vous alors à ce que tous les départs en retraite soient remplacés ? Réponse : Non.

L’absence de réponse de la ministre sur ces questions est extrêmement préoccupante, non seulement pour le CNRS mais également pour les universités.

Les résultats positifs des dernières mobilisations, le succès de la pétition lancée le 25 juin (10 000 signatures en 24h), la gravité des problèmes non résolus montrent bien l’importance d’amplifier la mobilisation. Les menaces de blocage du prochain CA du CNRS, la rétention d’expertise pour l’ANR et l’AERES sont toujours à l’ordre du jour.