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L’autonomie des universités doit s’accompagner d’un code éthique, tribune par Yves Thépaut, universitaire et essayiste, Le Monde, 11 avril 2012
mardi 17 avril 2012, par
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La loi sur les Libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007 a-t-elle permis d’améliorer le recrutement des universitaires, comme le soutiennent ses défenseurs ? Quatre ans après sa publication, le bilan est mitigé et il apparaît que l’autonomie des universités doit s’accompagner d’un code éthique. En effet, le recrutement des enseignants-chercheurs demeure une opération à hauts risques dans le cadre de la LRU et du décret du 10 avril 2008 créant les comités de sélection. Jugeons-en : un défaut de motivation du comité, un procès-verbal erroné du comité transmis au conseil d’administration, un candidat classé premier par le comité qui essuie un refus non motivé du conseil d’administration, etc.
Rendus à la suite de recours pour excès de pouvoir, quatre arrêts récents du Conseil d’Etat ont à cet égard une portée essentielle pour la jurisprudence : obligation pour le comité de sélection d’émettre " un avis motivé sur chaque candidature " ; attribution au seul comité de sélection de la " qualité de jury " chargé d’apprécier les mérites scientifiques des candidats, et non au conseil d’administration auquel il incombe " d’apprécier l’adéquation des candidatures à la stratégie de l’établissement " ; interdiction au conseil d’administration de " remettre en cause le classement du comité de sélection ".
L’affirmation de la qualité de jury des comités de sélection va dans le sens du principe constitutionnel d’indépendance statutaire des professeurs. De ce point de vue cependant, des décisions relatives au droit de veto des présidents d’université de s’opposer à la nomination des enseignants, ne manquent pas d’interroger. Ainsi, le Conseil d’Etat considère qu’un directeur d’établissement peut fonder son veto sur "la circonstance que le profil de recherche retenu pour un emploi n’avait pas permis, en raison d’une définition trop large, une bonne compréhension des priorités scientifiques du laboratoire". Or, comme l’analyse Yves Jégouzo, président honoraire de l’université Paris-I, "c’est donner ainsi au président le pouvoir de définir voire de rectifier la définition d’un emploi à un niveau de précision qui lui permet en fait de prédésigner le ou les quelques candidats qui peuvent seuls prétendre entrer dans le costume qui leur est taillé. On est loin de la stratégie de l’établissement". N’est-ce pas d’ailleurs ouvrir toute grande la porte aux abus, au localisme et au clientélisme ?
Ces thèmes demeurent au cœur des débats sur la LRU qui modifie les modalités de recrutement en remplaçant les commissions de spécialistes, pour une bonne part élues, par des comités de sélection nommés par le président. Les défenseurs de la loi tirent argument des effets néfastes du localisme pour justifier la réforme. Or, ce phénomène a été quantifié pour la première fois en 2008 par Olivier Godechot et Alexandra Louvet, chercheurs au CNRS. Et les faits sont têtus : les candidats locaux ont dix-huit fois plus de chances que les candidats extérieurs de se voir confier un poste selon ces sociologues qui estiment que le localisme "produit à court terme une rupture de l’équité entre les candidats et pourrait en outre dégrader à plus long terme la qualité de l’enseignement et de la recherche universitaire".
L’exécution même des injonctions du Conseil d’Etat soulève bien des interrogations. Ainsi, un président d’université introduit une discrimination entre les deux candidats en retenant pour l’un, "la situation de droit et de fait" existant au moment du réexamen des candidatures, ce qui a eu pour effet de l’exclure du concours pour limite d’âge, et en plaçant l’autre dans la situation du premier examen des dossiers ; un président de comité de sélection est reconduit dans ses fonctions bien qu’il ait commis des irrégularités à répétition ; un comité de sélection est maintenu alors qu’il était à craindre que ses membres, désavoués par le Conseil d’Etat, ne fussent portés à réélire le candidat - ce fut effectivement le cas - tout en donnant l’impression de se conformer de manière formelle à l’arrêt de la haute juridiction, etc.
Alors, une solution consisterait à adopter, enfin, une charte éthique et déontologique à laquelle souscriraient ceux qui exercent des responsabilités dans le processus de recrutement qui, rappelons-le, demeure un concours de la fonction publique.
Yves Thépaut, universitaire et essayiste