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Enseignants : la « revalorisation », sous condition, de Vincent Peillon - Lucie Delaporte, Mediapart, 10 décembre 2012

mardi 11 décembre 2012, par Giovanni

Vincent Peillon a enfin lancé la campagne de recrutement auprès des étudiants ce lundi 10 décembre. Il était temps. L’objectif de pourvoir, pour la seule année 2013, 43 000 postes, soit près de trois fois plus que l’an dernier, tient en effet de la gageure. En 2012, plus de 700 postes au CAPES n’avaient été pourvus faute de candidats au niveau suffisant. Malgré un petit sursaut dans les inscriptions aux derniers concours (+7 %), la désaffection pour le métier d’enseignant, qui a suivi, il est vrai, les suppressions massives de postes, a été très sévère ces dernières années.

Il fallait donc bien une petite campagne de communication pour remobiliser les étudiants vers les carrières enseignantes. Et peut-être aussi, surtout, pour faire la pédagogie de la très complexe organisation mise en place cette année par le ministère avec l’organisation de deux concours la même année (voir l’onglet Prolonger).

Les affiches montrant des jeunes enthousiastes à l’idée « d’apprendre à apprendre » ou de favoriser « la réussite de tous » étaient prêtes. Un sondage, commandé pour l’occasion à l’institut CSA, devait rappeler que « contrairement aux discours de certaines élites qui n’ont que l’argent pour valeur », dixit le ministre Vincent Peillon, « huit Français sur dix ont une image positive du métier d’enseignant » et presque autant « seraient fiers » que leur enfant devienne prof (CSA – décembre 2012).

Pourtant, alors qu’il était invité dans la matinée de RMC, une phrase du ministre a malencontreusement fait dérailler ce beau lancement de campagne. Interrogé à plusieurs reprises par Jean-Jacques Bourdin sur la revalorisation du salaire des enseignants – sur laquelle il s’est maintes fois prononcé, expliquant qu’elle n’était pas envisageable pour l’instant (voir l’extrait ci-dessous et ce que le ministre déclarait sur notre plateau) –, Vincent Peillon a fini par annoncer qu’il « était prêt à partir de janvier 2013 à ouvrir la grande négociation (…) sur la refondation du métier d’enseignants » qui comprendrait « les carrières », « le temps de travail et bien entendu la question de la revalorisation ». Il a beau préciser qu’«  il n’y aura pas de discussions salariales » au sens strict mais que « la conséquence d’une discussion sur le métier est évidemment une question salariale », la confusion s’installe.

Une alerte AFP un peu rapidement lancée et la machine médiatico-politique, d’ordinaire si frileuse sur l’éducation, s’emballe. Jean-François Copé, trop heureux d’ouvrir un contre-feu à la lamentable déconfiture de son parti, réclame que Jean-Marc Ayrault « recadre » son ministre dont les annonces seraient « en contradiction totale avec les arbitrages budgétaires » du gouvernement, affirmant même que ces déclarations sont « le couac gouvernemental de ce début de semaine ».

Le ministre a donc dû préciser dans la matinée, en plein lancement de la campagne de communication sur les recrutements à l’université Sorbonne nouvelle, que la question des rémunérations ne serait ouverte que « dès lors que sera possible une discussion sur les missions des enseignants ». Comme pour l’instant cette discussion ultra-sensible qui touche au temps de services, aux heures de présence dans l’établissement des profs, a toujours suscité une levée de boucliers du côté des syndicats, autant dire que le ministre ne s’est pas engagé à grand-chose. Au contraire, il a pour la première fois clairement posé qu’il n’y aurait pas de revalorisation « sèche » des profs hors de cette négociation préalable. Là est vraiment l’information.

Pour le ministre qui a tant de fois répété que les enseignants ne faisaient pas leur métier pour l’argent, cette désagréable péripétie médiatique lui aura au moins permis de mesurer combien il était difficile de lancer une campagne de promotion du métier de prof sans, à un moment ou un autre, parler salaire.

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