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Les prépas s’irritent du projet de Geneviève Fioraso de les rattacher à l’université - Nathalie Brafman et Benoît Floc’h, Le Monde (abonnés), 19 janvier 2013

samedi 19 janvier 2013, par Mademoiselle de Scudéry

Attention, terrain miné... Il a suffi que Geneviève Fioraso, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, annonce que sa loi imposera un rattachement des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) aux universités pour mettre le feu aux poudres dans les prépas... rappelant, s’il en était besoin, que l’on ne touche pas sans risque à ce fleuron de l’élitisme républicain. Que le rapporteur de la loi, le député Jean-Yves Le Déaut (PS, Meurthe-et-Moselle), estime qu’il faille examiner l’idée de Terra Nova, un club de réflexion proche du PS, de réduire le nombre de places en prépas et c’en fut trop.

Citadelles assiégées, les classes préparatoires relèvent le pont-levis sitôt qu’un ministre s’avance sur la plaine. Cela fait des années que les ministres successifs souhaitent rapprocher les CPGE des universités pour atténuer la dualité du système français.

La réalité sur le terrain a déjà beaucoup évolué. Ainsi, parmi les élèves qui intègrent les grandes écoles, seuls quatre sur dix sont aujourd’hui issus d’une prépa. Par ailleurs, les rapprochements ont commencé. Ainsi, l’université Versailles-Saint-Quentin (Yvelines) a signé une convention avec le lycée Descartes de Montigny-le-Bretonneux. Les élèves, qui paient 30 euros de droits d’inscription à l’université, sont accueillis à l’UFR de sciences. Les enseignants-chercheurs de l’université se déplacent au lycée pour encadrer les travaux d’initiative personnelle encadrés.

NE PAS DÉSTABILISER CE QUI FONCTIONNE

Mais Mme Fioraso irait bien plus loin. Car de ces conventions découleraient le paiement de droits d’inscription par certains élèves de prépa, un contact avec la recherche dès la première année et une collaboration plus étroite entre les professeurs des deux camps, chacun pouvant enseigner chez l’autre.

La réaction n’a pas traîné. Des professeurs de prépa, relayés par leurs syndicats et la Société des agrégés sont immédiatement montés au créneau. Inquiets de voir un jour disparaître ce modèle unique au monde.

Leur argumentation est bien rodée : ils disent notamment que, primo, beaucoup des élèves de prépa sont déjà inscrits à l’université – c’est surtout vrai en lettres – sans assister aux cours, et les concours qu’ils passent coûtent très cher – jusqu’à 1 500 euros pour les écoles de commerce – ; secundo, on ne fait pas de recherche à ce stade des études supérieures, ni en prépa ni à la fac ; tertio, il faut prendre garde à ne pas déstabiliser ce qui fonctionne.

DIMINUTION DES SALAIRES

De fait, les classes préparatoires représentent une formation de haut niveau où des enseignants triés sur le volet apprennent, en un temps record, à des élèves brillants et scolaires à travailler beaucoup, vite et bien.

En dépit de leur indéniable efficacité, les CPGE prêtent cependant le flanc aux critiques : trop marquées socialement et onéreuses pour l’Etat (un élève de prépa coûte 50 % de plus qu’un étudiant).

"Il n’y a aucun inconvénient à ce que des professeurs de prépa aillent enseigner à l’université, assure Dominique Schiltz, du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc). Le problème, c’est l’inverse : que des enseignants-chercheurs viennent en prépa. Car cela impliquerait que nous perdrions des heures et de la disponibilité par rapport à nos étudiants. Nous sommes très attachés au principe une classe, un prof, une matière. Et ce principe serait menacé." Avec une conséquence non négligeable : celle de voir leur salaire diminuer. Or ces professeurs sont très bien payés.

"Les professeurs de prépa sont docteurs. Ils ont fait huit ans d’études. Leur rémunération correspond à cette formation. Ce sont les profs de fac qui sont sous-payés, pas nous !", répond M. Schiltz

"AUCUNE OBLIGATION"

Du côté des proviseurs, les positions sont un peu plus nuancées. "Rapprocher les deux systèmes est une évolution normale et naturelle. Il faut que les classes prépa s’intéressent à la recherche", souligne Pascal Charpentier, proviseur du lycée du Parc, à Lyon.

Assuré de pouvoir bénéficier de l’anonymat, un autre confie : "Travailler avec les universités pourrait permettre de faire circuler les personnels. Vous savez, certains de mes professeurs de prépa sont là depuis trente ans ! Alors, s’ils allaient à l’université pendant que des enseignants-chercheurs viendraient en prépa, ils en tireraient un intérêt pédagogique et professionnel certain !"

La ministre de l’enseignement supérieur a immédiatement désamorcé la polémique. "Il n’y aura aucune obligation dans les contenus des conventions. Notre objectif, c’est le décloisonnement. Pas la destruction du système !"

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