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Saclay parc national des éléphants blancs. SNCS Hebdo 13 n°2 - 6 février 2013
samedi 9 février 2013, par
Bureau national du SNCS-FSU
Tel le canard qui continue à courir après qu’on lui a coupé la tête, le grand projet sarkozyen du plateau de Saclay, à la stupéfaction générale, poursuit sur sa lancée. Défaite électorale de son thuriféraire, réduction à trois stations du grand métro périphérique qui devait en être le cordon ombilical, rejet général du pilotage par le haut (caractéristique du projet) par les personnels concernés, abolition promise du statut d’établissement public de coopération scientifique (qui devait en être le cadre), rien n’y fait : le quarteron qui pilote le projet persévère. Bientôt peut-être verrons-nous, rassemblées dans les mêmes deux kilomètres carrés, Centrale, Supélec, Supoptique, l’X, l’ENSAE, toutes écoles d’ingénieurs qui, sans doute, souffraient d’un isolement indigne et se sentiront enfin « entre soi ».
A l’heure de la rigueur, alors que les laboratoires grappillent péniblement, pour survivre, quelques dizaines de k€ ici ou là, l’Etat s’apprête à engloutir des milliards dans des déménagements inessentiels. Celui de l’INRA, qui vient d’investir des dizaines de millions d’euros à Grignon, serait un modèle de gaspillage. On ne connaît que trop bien le goût des politiques pour les inaugurations ... Ainsi aurons-nous bientôt à Saclay, si le gouvernement ne revient pas à la raison, un magnifique troupeau d’éléphants blancs [1].
Nous n’avions plus depuis longtemps de nouvelles de Saclay. Peut-être les exploits du parachutiste Monteil - autorisé par le Premier ministre (l’ancien) à user, pour mettre au pas les indigènes saclaisiens, des « méthodes les plus appropriées » - sont-ils ces jours-ci éclipsés par des manœuvres plus authentiquement militaires ...
Pourtant « l’Opération d’intérêt national » continue. Le Premier ministre (le nouveau) devant la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, en était presque lyrique : « plus de 10000 chercheurs, près de 50000 étudiants, (...) la création de 4000 à 6000 emplois chaque année (...) 6000 à 8000 logements neufs par an ». Cela a au moins le mérite de la cohérence : Saclay sera une ville de 100 000 habitants, où l’on trouvera même, d’après ses promoteurs, des « lieux de vie » (sic) !
Etions-nous naïfs d’espérer que l’arrivée au pouvoir d’élus moins bling-bling allait stopper la folie des projets pharaoniques ? L’Etat proclame qu’il est ruiné et présente comme une victoire structurelle le rebasculement de 60 malheureux millions d’euros de l’Agence nationale de la recherche vers les organismes de recherche. Mais le Premier ministre confirme la promesse de presque 3 milliards à l’opération Paris-Saclay. Saclay royaume du père Ubu : les unités de recherche, pour respirer, voudraient juste qu’on leur rende quelques dizaines de k€. De cela pas question. En revanche on leur promet des millions pour des opérations somptuaires de déménagement et de reconstruction. A l’heure où l’université Paris-sud (comme tant d’autres) se débat contre un déficit de deux millions - et où nos élus dans ses conseils désespèrent face à l’urgence des économies - l’Etat, tout en prétendant qu’il n’y peut rien, s’apprête à flamber de l’ordre du milliard d’euros pour reconstruire à Saclay des grandes écoles dont on ne sache pas qu’elles soient, à l’heure actuelle, en péril. On offrira ainsi à l’école Centrale un déplacement de seulement 11 kilomètres pour 0,2 milliard d’euros ! En somme, pour chaque euro manquant à l’enseignement supérieur et à la recherche et qu’elle prétend ne plus pouvoir donner, la fée Fioraso fabrique, comme par magie, mille euros pour faire sortir de terre, par troupeaux entiers, des éléphants blancs.
La « gouvernance » de la monumentale Université projetée n’aura, on le jure, rien à voir avec la structure autoritaire qu’avait conçue l’ancien gouvernement. Nous demandons, pour y croire, à voir ce qui sortira de la loi d’orientation sur l’enseignement supérieur. En attendant, toutes les chefferies des machins en -Ex prospèrent et, à coup d’appels d’offres dessinés dans la plus parfaite opacité, achèvent de désorganiser le fonctionnement de nos laboratoires de recherche.
L’essentiel, que les « planificateurs » qui nous gouvernent ont toujours tendance à oublier, ce sont naturellement les personnels. Les cent mille chercheurs, enseignants, étudiants, personnels techniques saclaisiens, même s’ils arrivent à se loger pas trop loin, devront (nécessité prosaïque mais bien réelle) pouvoir bouger un peu. Les responsables de l’établissement public Paris-Saclay prévoient bien quelques hectomètres de route supplémentaires, mais déclinent toute responsabilité au-delà. Apprentis-sorciers !
Saclay sera, nous dit-on, sauvé par le métro, pauvre moignon de métro qui a survécu du Grand Paris express ... Il reliera (peut-être dans les années 20 et à peine plus commodément que l’actuel autobus) le plateau de Saclay à la gare de Massy-Palaiseau (sur la célèbre ligne B du RER, déjà saturée). Que ce soit en provenance du nord, de l’ouest ou du sud (seul quadrant dans lequel on trouvera encore, hypothétiquement, des logements pas trop chers), on devra continuer à venir à pied, à cheval ou en voiture. Cela ressemble à une farce. Mais les zélotes du bétonnage massif ne plaisantent pas du tout. Plus drôle et plus conséquent à la fois était finalement celui qui déclarait [2] « Qui peut honnêtement imaginer que nous réalisions ici un campus d’ambition mondiale sans qu’il soit raccordé directement, c’est-à-dire en moins d’une demi-heure, au centre de Paris ? » Tout juste ! On a renoncé à la liaison directe, suivons donc l’avis de celui qui fut pour nous le Chauffage et la Lumière et renonçons à ce parc à éléphants.
[1] éléphant sacré qu’il est interdit de faire travailler ; par extension tout objet monumental, dispendieux et inutile.
[2] Nicolas Sarkozy le 24 septembre 2010 à Palaiseau