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Pétition Lettre ouverte à Geneviève Fioraso - février 2013
samedi 9 février 2013
Madame la Ministre,
Cette lettre est un appel. Elle fait le pari que vous n’avez pas renoncé à entendre les voix qui partent de la communauté universitaire et qui expriment des attentes, des espoirs, des propositions et non des plaintes ou pire, un profond découragement. Les missions de recherche et de formation, leurs personnels, les étudiants, et plus généralement les domaines essentiels pour l’avenir de notre pays ont été ces dernières années sacrifiés sur l’autel de la concurrence.
Le monde universitaire et celui de la recherche publique se sont vigoureusement fait entendre en 2005, 2007 et 2009 pour contester les choix malthusiens qui ont freiné maints programmes scientifiques, qui ont précarisé les jeunes chercheurs, affaibli les possibilités d’embauche et rendu encore moins attractives les carrières. La communauté a résisté pour défendre le service public universitaire, elle a eu pour ambition de combiner la démocratisation de l’accès aux savoirs et une collégialité effective au sein des établissements, à rebours d’une organisation fondée sur le modèle entrepreneurial qu’a imposé la loi LRU.
C’est donc avec une lucide exigence que « le changement » du cadre législatif et budgétaire est attendu de l’actuel gouvernement. Et il est attendu « maintenant ». La loi de finances 2013 permet tout juste d’éviter l’asphyxie, sans enrayer la dégradation des programmes de formation dans de très nombreuses universités. Les attentes n’en sont que plus grandes sur le plan de la réglementation et surtout de la loi d’orientation annoncée par le Président de la République.
Madame la Ministre, vos premiers pas étaient empreints d’une convergence avec les aspirations du monde universitaire et au-delà : amélioration des dispositions pour les étudiants étrangers, arrêt des coups de force idéologiques de la droite (sur l’enseignement de la criminologie, sur les accords avec le Vatican), coup de frein à l’intrusion bureaucratique d’une évaluation-sanction largement dénoncée par les enseignants-chercheurs. Toutefois l’avant -projet de loi ne s’inscrit pas dans la rupture de fond qu’appellent à la fois les exigences d’un puissant service public et les aspirations des personnels.
Votre texte, en son état actuel, avance une logique régionaliste très dépendante d’hypothétiques transferts de technologie et d’expertise, au lieu de donner à l’avancée des connaissances et à la démocratisation des savoirs une priorité : on ne reconnaît pas là une politique audacieuse, confiante dans l’institution universitaire comme dans ses personnels, qui TOUS se sont opposés à cette conception utilitariste. Pouvez-vous « rétablir le dialogue et la confiance », comme vous l’affirmez, si vous sous-estimez l’expérience, les analyses et les propositions émanant des personnes les plus impliquées ? Ouvrez enfin des négociations pour traiter à la hauteur de leurs enjeux chacun des dossiers prioritaires, loin des grand-messes et des opérations de communication.
- Rassemblement de tout le post-bac au sein du MESR et réintégration dans le budget de l’Etat de la masse salariale des emplois statutaires (simplification de la mobilité, prise en compte du GVT, des évolutions sociales…)
- Création ou revalorisation d’instances légitimées par l’élection assurant les missions de régulation nationale de l’enseignement supérieur et celles de prospective scientifique
- Coopération des établissements publics (université/Ecoles) sur la base de l’intérêt mutuel, de la démocratie, sans concession aux logiques de l’enseignement supérieur privé
- Cohérence des formations au sein du post bac, par la continuité L-M-D, fondée sur les savoirs disciplinaires, au lieu d’une régionalisation rampante « bac-3, bac+3 » ; intégration des CPGE dans le système universitaire d’abord sur le plan budgétaire.
Quant à l’organisation interne et aux statuts des personnels au sein des établissements, les mesures que vous voulez inscrire dans la loi ne sont réclamées par personne… et d’autres décisions (conditions de travail, services, salaires…), que la communauté universitaire appelle d’urgence, sont oubliées : écoutez nous !
- La fusion dans le seul « conseil académique » des CS et CEVU actuels et leur découplage du conseil d’administration pour un mandat de 5 ans portera atteinte à l’efficacité des institutions universitaires
- La vocation dite « stratégique » du CA, au nombre de membres étriqué, aux modalités de scrutin iniques, et qui confirme un présidentialisme sous tutelle des collectivités locales, continuera d’étouffer les libertés scientifiques et pédagogiques
- Le maintien –malgré le transfert vers le conseil académique – des procédures très contestées de recrutement des enseignants-chercheurs est une incompréhensible dérobade aux enjeux de long terme. Le remplacement des actuels comités de sélection serait le gage immédiat de votre attention aux propositions émanant de la communauté.
Le nouveau cadre législatif – qu’appellent de leurs vœux des personnels et des étudiants méprisés des années durant – ne peut reposer sur une concertation hâtive dans son processus d’élaboration. N’étendez pas à l’enseignement supérieur et à la recherche les déchirures que les projets gouvernementaux sur la formation des enseignants et les concours de recrutement suscitent déjà et qu’il faut là aussi largement revoir.
Ouvrez des négociations, donnez-vous le temps de construire une vraie loi ! L’enseignement supérieur et la recherche et, au-delà, la société française méritent mieux qu’un hâtif bricolage législatif sur les bases de la loi LRU.
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