Accueil > Communiqués et textes des syndicats, coordinations, associations, sociétés (...) > Projet de loi ESR : Motion des 3 conseils de Paris 1 (5 mars (...)
Projet de loi ESR : Motion des 3 conseils de Paris 1 (5 mars 2013).
mercredi 13 mars 2013, par
Les trois conseils de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne réunis en congrès le 5 mars 2013 pour débattre du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche dans sa version du 24 février 2013 déplorent le fort décalage entre les attentes exprimées au cours des Assises nationales de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) et la réalité du texte qui doit être présenté au Conseil des Ministres.
Les trois conseils ne peuvent que constater que ce qui était annoncé comme une grande loi de changement pour l’ESR ne marque pas les ruptures qu’espérait la communauté universitaire avec les transformations qui lui ont été imposées à marche forcée depuis 2005 (Pacte pour la recherche, LRU, RCE, IdEx…) : mise en concurrence des universités et des laboratoires, recul de la collégialité dans la conduite des politiques universitaires, recul de la régulation nationale de l’ESR. Le changement attendu par le monde universitaire n’est pas au rendez-vous : les institutions (AERES, ANR…) et regroupements récemment créés (PRES…), qui ont montré leurs limites changent de nom ou de périmètre sans être améliorés.
Les membres du Congrès tiennent à répéter avec force que l’université Paris 1, comme de nombreuses autres, est sous-financée en raison de la sous-estimation flagrante de ses besoins qui a accompagné le passage aux RCE. Des postes d’EC ont été rééchelonnés en 2013 (seulement 28 postes publiés sur les 51 vacants ou susceptibles de l’être). Les conseillers demandent donc au ministère un engagement pluriannuel de financement, de recrutement et de résorption de la précarité, qui permette à l’Université Paris 1 d’accomplir l’ensemble des missions de formation et de recherche pour lesquelles elle est habilitée et que les citoyens attendent d’elle. Or cet avant-projet de loi 2013 sur l’ESR n’est pas une loi de programmation : l’absence de cette dimension sonne comme un aveu d’abandon de la priorité aux formations supérieures. Un bilan des conséquences financières du passage aux RCE s’impose. Dans le cadre contraint que les RCE ont instauré, le congrès exige la sécurisation de la masse salariale (pensions, assurances et autres charges comprises). Nous souhaitons par ailleurs que la contractualisation ministérielle se fasse avec l’établissement et non avec le PRES.
L’université Paris 1 a la particularité d’être une très grande université de sciences humaines et sociales (51.000 étudiants inscrits, dont 37.000 en présentiel, plus de 1300 enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs, plus de 900 personnes relevant des autres catégories de personnel). Elle ne peut que dénoncer l’étroitesse des ambitions de cet avant-projet à l’égard du monde universitaire : cet avant-projet insiste sur la mission de contribution à l’innovation, à la compétitivité et à l’attractivité des territoires, mais il néglige les missions de recherche fondamentale, de développement des connaissances humaines et de la pensée critique, de contribution à l’émancipation intellectuelle des individus et à la démocratisation des savoirs. Ces missions qui sont au cœur de nos disciplines nécessitent continuité, ténacité et confiance, loin de toute démagogie sur les contenus et sur les méthodes (illusion d’une solution magique venue d’un enseignement numérique, d’ailleurs non financé). Les conseils demandent le rassemblement de toutes les formations post-bac autour de l’ESR, ce qui nécessite dès maintenant que les filières universitaires de premier cycle aient le même financement par étudiant que les classes supérieures des lycées. L’Université réaffirme le lien indéfectible de l’enseignement et de la recherche dès le cycle de Licence et rappelle que la cohérence des formations doit être assurée par la continuité L-M-D, fondée sur les savoirs disciplinaires. L’université Paris 1 réaffirme sa demande d’un cadrage national des diplômes et s’oppose à une vision réductrice et utilitaire de la recherche. Comme cela avait fortement été affirmé lors des Assises de l’enseignement supérieur, les trois conseils demandent que les crédits récurrents des unités de recherche soient maintenus à un niveau qui leur permette d’assurer leur mission sans dépendre d’appels à projet pour des recherches finalisées. Ils rappellent que l’encadrement des doctorants, le financement de leur formation et de leur mobilité internationale constituent un enjeu majeur de la formation des futurs chercheurs et cadres supérieurs dont la France a besoin. En outre, les trois conseils s’inquiètent de l’opacité de la notion nouvelle d’accréditation substituée à celle d’habilitation des diplômes et demandent une clarification inscrite dans la loi.
Sur le plan de la gouvernance, les trois conseils expriment la plus grande défiance envers la création (même optionnelle) d’un Conseil académique regroupant le Conseil scientifique (CS) et le Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU). Ces deux conseils ont des objets différents et complémentaires, la recherche pour le CS, la formation pour le CEVU. Leur réunion ne pourrait introduire que de la lourdeur et de la confusion dans les débats ; elle risquerait de compliquer la gouvernance de l’université. Les trois conseils sont enfin fermement opposés à l’hypothèse d’une participation des personnalités extérieures à l’élection du président qui remettrait gravement en cause les principes de collégialité, de démocratie interne et d’autonomie des universités.
L’université Paris 1 est aussi une université fortement attractive, elle rayonne sur l’ensemble du territoire national et, au-delà, dans un périmètre international. Dès le L, ses étudiants viennent de toute la France et de toute l’Europe ; en M et D, l’université attire, grâce aux partenariats qu’elle a développés, des étudiants du monde entier. L’horizon de ses étudiants, celui de ses enseignants, enseignants-chercheurs et chercheurs est national et international. Aussi, la place nouvelle dévolue aux collectivités territoriales dans les instances universitaires et l’acte III de la décentralisation laissent-ils craindre une régionalisation de l’enseignement supérieur qui aboutirait, dans une région Île-de-France concentrant 40% du potentiel scientifique français, à un appauvrissement de tous les établissements. Le congrès rappelle que la logique de site doit être doublée d’un programme de développement à l’échelle nationale et internationale proportionnel au rôle de l’Université.
Le congrès réaffirme la centralité du modèle universitaire à l’échelle nationale et internationale.
Motion adoptée à l’unanimité moins cinq refus de vote et deux abstentions.